Annulation du sacrifice de Aïd Al-Adha : une décision stratégique, selon un expert agricole
Un mouton © DR
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Dans un contexte marqué par une sécheresse persistante et une diminution importante du cheptel ovin, la décision royale d’annuler le rituel du sacrifice de Aïd Al-Adha cette année s’impose comme une mesure stratégique, selon Ryad Ouahtita, expert agricole. Cette décision ne relève pas uniquement d’une contrainte conjoncturelle, mais s’inscrit dans une vision plus large de préservation des ressources naturelles et de restructuration du secteur de l’élevage. Face aux défis climatiques et économiques qui impactent fortement l’agriculture et l’élevage, il devient impératif d’adopter des mesures stratégiques pour garantir la pérennité du cheptel et stabiliser le marché du bétail.
La sécheresse prolongée que connaît le Maroc depuis plusieurs années a eu des répercussions significatives sur l’ensemble du secteur agricole, entraînant une baisse de la production fourragère et une hausse des coûts d’alimentation pour les éleveurs. Cette situation a fragilisé de nombreux petits et moyens éleveurs, qui peinent à maintenir leurs troupeaux. L’annulation du rituel du sacrifice vise ainsi à éviter une pression supplémentaire sur le cheptel et à préserver les ressources en vue d’un redressement progressif du secteur.
Aïd Al-Adha : un cheptel sous pression
Selon les estimations officielles, le cheptel ovin au Maroc compterait environ 12 millions de têtes. Cependant, Ryad Ouahtita estime que ce chiffre est probablement sous-évalué, car environ deux millions de têtes n’auraient pas été déclarées. Malgré cette marge, la situation reste critique. L’expert explique que si le sacrifice avait été maintenu, le pays aurait risqué une pénurie de bétail, notamment en raison des besoins en viande pour des événements majeurs à venir, tels que la saison estivale et la Coupe d’Afrique des Nations 2025, qui généreront une forte demande.
Un autre élément clé à prendre en compte est le timing de cette décision. En règle générale, les éleveurs commencent l’engraissement des moutons environ quatre mois avant Aïd Al-Adha, soit précisément durant cette période. La décision royale a donc eu un impact direct sur le marché du bétail, conduisant à une mise en vente anticipée des moutons. Cette précipitation a entraîné une fluctuation importante des prix, avec une tendance à la baisse, car il n’est pas possible pour les éleveurs de garder ces animaux jusqu’à l’année suivante.
En effet, la baisse du cheptel au Maroc ne résulte pas uniquement de la sécheresse. D’autres facteurs structurels ont contribué à cette situation préoccupante. Parmi les principales causes identifiées par Ryad Ouahtita, on retrouve l’abattage excessif des femelles. Cette pratique, bien que répondant parfois à des besoins économiques immédiats, a des conséquences néfastes à long terme sur la capacité de renouvellement du troupeau.
Un autre facteur aggravant est le coût élevé de l’alimentation du bétail. Certains types d’aliments essentiels pour l’engraissement, largement utilisés par les petits et moyens éleveurs, ne bénéficient d’aucune subvention, ce qui accroît les charges pour ces derniers.
Avec la hausse des prix des céréales et du fourrage sur le marché international, l’accès à une alimentation suffisante et équilibrée devient de plus en plus difficile. Cette contrainte pousse certains éleveurs à vendre une partie de leurs troupeaux plus tôt que prévu, aggravant ainsi la pression sur le marché.
1963, 1981, 1996… quand le sacrifice de Aïd al-Adha n’a pas eu lieu
Quelles solutions pour un redressement durable ?
Face à cette situation, Ryad Ouahtita dresse plusieurs solutions qui pourraient contribuer à un redressement du secteur et à une meilleure gestion du cheptel. D’abord, un accompagnement renforcé des éleveurs. L’expert insiste sur la nécessité d’un soutien accru de l’État pour aider les éleveurs à surmonter cette crise. Cela passe par des subventions ciblées pour l’achat d’aliments pour bétail, mais aussi par un accès facilité aux soins vétérinaires. Un tel accompagnement permettrait d’éviter des pertes supplémentaires et de stabiliser progressivement le secteur.
En outre, l’élargissement des races ovines à d’autres régions. Actuellement, certaines races, comme le Sardi, sont principalement concentrées dans des zones spécifiques, telles que la région de Krakra à El Borouj. Ryad Ouahtita suggère de diversifier les régions d’élevage afin d’optimiser la production et de réduire la pression sur certaines zones surchargées. Cette répartition plus équilibrée permettrait également d’améliorer la résilience du cheptel face aux conditions climatiques locales.
Une autre piste évoquée est le croisement entre différentes races ovines pour booster la productivité du cheptel. L’expert propose par exemple de croiser la race D’man avec la race Sardi. Une telle approche permettrait d’obtenir des animaux plus résistants, mieux adaptés aux conditions locales et présentant de meilleures performances en termes de reproduction et de croissance.
Un renouvellement du cheptel à long terme
L’une des grandes interrogations concerne la capacité du Maroc à reconstituer son cheptel dans un délai raisonnable. Sur le plan scientifique, Ryad Ouahtita estime qu’un renouvellement optimal nécessiterait environ trois ans. Toutefois, il souligne que des mesures rapides et efficaces pourraient permettre d’améliorer la situation dès l’an prochain.
Pour que cette reconstitution soit possible, il est indispensable de mettre en place une véritable politique de relance impliquant tous les acteurs du secteur. Cela inclut non seulement les éleveurs et les pouvoirs publics, mais aussi les institutions financières, qui pourraient proposer des mécanismes de financement adaptés pour soutenir les investissements dans l’élevage.
En prenant en compte l’ensemble des enjeux liés à cette décision, il devient clair que la priorité est désormais de renforcer les capacités des éleveurs, d’optimiser la gestion du cheptel et d’adopter des stratégies innovantes pour assurer la pérennité de l’élevage ovin au Maroc. C’est donc à travers une approche globale, intégrant les dimensions économiques, climatiques et sociales, que le Royaume pourra relever ce défi et garantir une production stable et durable dans les années à venir.
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