Guerre à Gaza : 2 ans, bilan et perspectives géopolitiques
Une habitante de Gaza City arpente les décombres après des frappes israéliennes le 19 octobre 2023. © MUSTAFA HASSONA/ANADOLU/AFP
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Jusqu’en octobre 2025, le bilan des victimes palestiniennes dépassait 67.000 morts, dont près de 70% de femmes et d’enfants parmi les victimes identifiées. Cette asymétrie des pertes, conjuguée à la déclaration officielle de famine en août 2025, a soulevé de profondes interrogations sur le respect du droit international humanitaire. Dans ce contexte, un rapport publié en septembre 2025 par une commission d’enquête des Nations unies a conclu à la commission d’actes de génocide par Israël à Gaza.
Face à l’impasse militaire et diplomatique, marquée par le blocage du Conseil de sécurité des Nations unies (CSNU), une initiative diplomatique majeure — le plan de paix Trump — a été proposée en septembre 2025. Ce plan prévoit un cessez-le-feu permanent, la libération des otages, la démilitarisation de Gaza et la relance d’un horizon politique en vue d’une solution à deux États. Toutefois, sa mise en œuvre demeure conditionnée par des exigences de sécurité et de gouvernance particulièrement complexes, dans un contexte d’occupation territoriale étendue par Israël.
L’opération « déluge d’Al Aqsa » et le choc initial
Le conflit en cours a débuté le 7 octobre 2023 par un assaut d’une ampleur sans précédent, lancé depuis la bande de Gaza contre le territoire israélien par le Hamas et d’autres groupes armés, dans le cadre de l’opération « Déluge d’Al-Aqsa ».
Les pertes humaines du côté israélien ont été considérables. Le bilan officiel de l’attaque s’élève à plus de 1.188 morts, dont 350 soldats et policiers. D’autres estimations, issues de la police et du Shin Bet, évaluent le total des victimes à 1.609 morts. L’attaque a également fait 4 834 blessés, civils et militaires confondus. Un rapport de Human Rights Watch a souligné que des « centaines » de crimes de guerre ont été commis ce jour-là par les groupes armés.
L’une des conséquences majeures de l’attaque a été l’enlèvement de 251 personnes, civils et soldats confondus, retenues en otages dans la bande de Gaza, principalement par les Brigades al-Qassam. Parmi elles figuraient environ 40 enfants et adolescents.
Suite aux négociations, notamment lors d’une trêve en novembre 2023, 111 otages ont été libérés. Au 14 février 2024, 136 personnes demeuraient aux mains du Hamas. Le statut exact de ces otages reste un point de divergence critique : Israël estime que 32 d’entre eux étaient décédés au 14 février 2024, tandis que le Hamas avance le chiffre de 70 otages tués par les bombardements israéliens.
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L’incertitude entourant le nombre exact de victimes initiales côté israélien, estimé entre 1.188 et 1.609, illustre le chaos et la difficulté pour les autorités de recenser précisément les pertes après une attaque d’une telle ampleur et complexité.
De plus, l’ambiguïté persistante concernant le nombre d’otages encore en vie, avec des chiffres de décès très divergents annoncés par Israël et le Hamas, rend les négociations pour un cessez-le-feu particulièrement instables.
La restitution de tous les otages, vivants ou décédés, demeure le pivot principal du casus belli israélien et une condition indispensable à tout règlement durable du conflit, comme le soulignent les propositions diplomatiques les plus récentes.
En réaction immédiate à l’attaque du 7 octobre 2023, Israël a lancé l’opération militaire « Glaives de fer ». L’objectif déclaré de cette opération est de démanteler les infrastructures militaires et politiques du Hamas dans la bande de Gaza. L’intensité de la réponse a conduit à l’instauration d’un blocus total de la bande de Gaza, imposé dès le 9 octobre 2023.
Bilan de la guerre à Gaza : d’octobre 2023 à fin 2025
Le conflit se distingue par sa durée et l’ampleur sans précédent des destructions. Les données de l’Organisation des Nations unies (ONU) et du ministère de la Santé de Gaza dressent un tableau d’une catastrophe humaine et matérielle majeure. Selon le ministère palestinien de la Santé de Gaza, cité par les agences de l’ONU, le nombre total de décès dans l’enclave atteint 67.074 au 2 octobre 2025. L’ONU a publiquement déploré le franchissement de la barre des 40.000 morts, qualifiant cette situation d’« étape sombre pour le monde ».
Les données ventilant les victimes confirment une asymétrie dramatique des pertes. La commission d’enquête de l’ONU et les rapports du Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA) indiquent qu’au 31 juillet 2025, les décès identifiés comprenaient 18.430 enfants et 9.735 femmes. L’ONU rapporte que près de 70% des victimes de la guerre sont des femmes et des enfants. Par ailleurs, le Centre d’information palestinien fait état d’au moins 151.000 blessés, dont plus de 45.000 enfants, ainsi que de 14.222 disparus.
D’autre part, la guerre a également eu un impact sévère sur le personnel non combattant. Entre le 7 octobre 2023 et juin 2024, le Comité pour la protection des journalistes a rapporté la mort de 103 journalistes palestiniens. Le bureau de presse à Gaza a, quant à lui, avancé un bilan de 147 journalistes et travailleurs des médias tués au 31 mai 2024.
La crise humanitaire a atteint un seuil critique avec la déclaration officielle de famine à Gaza en août 2025. C’est la première fois qu’une famine est officiellement annoncée dans l’enclave, soulignant l’échec de l’acheminement de l’aide. Au moment de cette déclaration, 440 personnes, dont 147 enfants, étaient mortes de faim. L’UNICEF indiquait, en octobre 2025, que 51.200 enfants étaient inscrits pour un traitement contre la malnutrition. La France et les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies (CSNU) ont rappelé que la résolution 2417 (2018) condamnait l’utilisation de la famine comme arme de guerre et le refus d’accès humanitaire.
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Actuellement, l’enclave palestinienne est décrite comme un « champ de ruines ». Les frappes israéliennes ont provoqué une destruction généralisée des infrastructures — eau, égouts, télécommunications, logements. La plupart des hôpitaux sont hors service, devenant de véritables « pièges mortels » pour les civils. Le Bureau des droits de l’homme de l’ONU a mis en garde contre la « destruction systématique de la ville de Gaza ». Des images satellites analysées par Amnesty International ont révélé la destruction totale de zones comme Khuza’a en mai 2025, documentant une « destruction gratuite ».
La quasi-totalité de la population gazaouie, soit 1,9 million de personnes, est déplacée à l’intérieur de l’enclave. De plus, Israël maintient une occupation territoriale significative, contrôlant 84% du territoire de Gaza et ayant établi des corridors militaires permanents, tels que Netzarim, Morag et Philadelphie.
Les opérations des Forces de Défense Israéliennes (FDI) dans le cadre de l’opération « Glaives de fer » se sont déroulées en plusieurs phases distinctes à Gaza, accompagnées d’une intensification des actions en Cisjordanie.
L’intervention militaire a débuté par des bombardements aériens massifs, suivis d’une incursion terrestre. Entre la fin octobre et décembre 2023, les forces terrestres israéliennes sont entrées dans la bande de Gaza, menant la bataille de Beit Hanoun à partir du 28 octobre. Le siège de Gaza City a débuté le 2 novembre, suivi de la bataille de Jabaliya le 8 novembre. Durant cette période, l’armée israélienne a conduit une « opération précise et ciblée » contre l’hôpital Al-Shifa. Au début de l’année 2024, les combats se sont étendus vers le sud, avec la bataille de Khan Younès et l’embuscade de Shuja’iyya.
Cette période a été marquée par une intensification de la pression internationale en faveur d’un cessez-le-feu. Une trêve, entrée en vigueur en novembre 2023, a permis la libération d’une partie des otages. En mai 2024, Israël a néanmoins lancé l’offensive sur Rafah, malgré les vives inquiétudes de la communauté internationale.
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L’analyse des phases opérationnelles met en évidence l’adoption d’une doctrine de destruction systématique. Le rapport sur l’opération « Glaives de fer » détaille l’utilisation du logiciel Lavender pour automatiser le processus de ciblage, générant près de 37.000 cibles humaines. Le recours à l’automatisation dans la désignation des cibles, combiné à l’occupation territoriale et à la destruction des infrastructures vitales, suggère une stratégie militaire visant à rendre Gaza invivable en tant qu’entité territoriale autonome, conclut un rapport onusien publié en septembre 2025.
Le conflit n’a connu qu’une brève seconde trêve en janvier 2025. Les hostilités se sont poursuivies avec intensité tout au long de l’année. En août 2025, les attaques israéliennes ont continué à infliger de lourdes pertes. L’armée israélienne a annoncé la mobilisation de 60.000 soldats de réserve dans le cadre de son plan visant à prendre le contrôle total de la ville de Gaza. La France a maintenu ses mises en garde contre la « poursuite de l’expansion des opérations militaires israéliennes dans la bande de Gaza ».
Parallèlement à la guerre à Gaza, les Forces de défense israéliennes (FDI) ont intensifié leurs incursions en Cisjordanie, opérations qui se poursuivent depuis le 11 octobre 2023. La situation sécuritaire et économique dans ce territoire s’est fortement détériorée. Des groupes armés palestiniens, notamment les Brigades des martyrs d’al-Aqsa, ont revendiqué des attaques contre Israël depuis la Cisjordanie, pour la première fois depuis le début du conflit. Selon ReliefWeb, la violence et le contrôle exercé par Israël sur la population en Cisjordanie se sont accentués au cours de cette période. Cette détérioration a conduit à un renforcement de l’action humanitaire de la France dans la région.
Réaction internationale et cadre légal de l’ONU
La communauté internationale, à travers les institutions de l’ONU, a réagi face à la violence et à la crise humanitaire, bien que son action ait été entravée par des blocages géopolitiques. Le Secrétaire général de l’ONU a mis en garde contre le caractère « irréversible » de la situation à Gaza. La France a souligné l’impératif absolu de protéger les civils, le personnel humanitaire et les infrastructures civiles.
Un point de friction majeur concerne l’utilisation de la famine. L’ONU a rappelé la résolution 2417 (2018), qui condamne le recours à la famine comme méthode de guerre. La Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) en France a exhorté la France et ses partenaires à prendre des mesures contre les autorités israéliennes afin de mettre fin à l’usage de la famine comme arme de guerre, soulignant la gravité de ces « crimes de masse ».
Le Conseil de sécurité des Nations unies (CSNU) a réussi à adopter une résolution initiale, la résolution 2712 (2023), à caractère purement humanitaire, visant l’acheminement de l’aide à Gaza et la libération des otages. Cependant, les tentatives d’obtenir un cessez-le-feu permanent et contraignant ont été régulièrement bloquées. Le Conseil a été marqué par plusieurs vetos américains, suscitant la déception de la Chine en octobre 2025 et entravant les efforts pour mettre fin aux hostilités.
L’efficacité des résolutions adoptées, telles que la résolution 2728, est jugée limitée. Ces textes n’invoquent pas le Chapitre VII de la Charte de l’ONU, qui rend les mesures contraignantes. De plus, le soutien militaire continu des États-Unis et de l’Allemagne, qui fournissent 99% des armes importées par Israël, affaiblit la capacité de ces résolutions à garantir la suspension des hostilités. Le blocage du CSNU a ainsi transféré la pression diplomatique vers d’autres instances juridiques et diplomatiques.
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Le débat sur le droit international a atteint son paroxysme en septembre 2025, lorsque la Commission d’enquête internationale indépendante de l’ONU sur le Territoire palestinien occupé, incluant Jérusalem-Est, et Israël, a publié ses conclusions. Le 16 septembre 2025, la Commission a conclu qu’Israël avait commis un génocide contre les Palestiniens dans la bande de Gaza. Cette conclusion repose sur une évaluation rigoureuse de l’intention génocidaire et des actes matériels.
La Commission a établi l’intention de détruire le groupe palestinien en tout ou en partie, en s’appuyant sur deux piliers principaux. D’une part, elle a conclu que le président israélien Isaac Herzog, le Premier ministre Benjamin Netanyahu et l’ancien ministre de la Défense Yoav Gallant ont incité à la commission du génocide. Ces déclarations, émanant des plus hautes autorités, constituent une preuve directe de cette intention.
D’autre part, le schéma opérationnel des forces de sécurité — incluant le ciblage direct d’enfants, l’imposition de la famine par le blocus de l’aide et la destruction systématique des systèmes de santé et d’éducation — a été interprété comme la seule inférence raisonnable permettant de conclure à l’existence d’une intention génocidaire.
La Commission a identifié la commission de quatre des cinq actes génocidaires définis par la Convention de 1948 : le meurtre, les atteintes graves à l’intégrité physique ou mentale, l’infliction délibérée de conditions de vie visant à la destruction du groupe, et l’imposition de mesures destinées à empêcher les naissances.
Cette conclusion légale émanant d’un organe de l’ONU constitue un développement majeur, mettant en lumière une crise du droit international. Elle accroît la pression sur les États membres, en particulier ceux qui fournissent un soutien militaire continu à Israël, la complicité dans un génocide constituant un crime selon la Convention de 1948. Le rapport accuse directement Israël d’avoir ignoré les ordres de la Cour internationale de Justice (CIJ) concernant les mesures provisoires et d’avoir poursuivi sa « stratégie de destruction des Palestiniens à Gaza ».
Solutions proposées pour mettre fin à la guerre
En septembre 2025, le président Donald Trump a proposé un plan de paix global visant à mettre fin au conflit à Gaza, fruit d’efforts diplomatiques intenses impliquant la France et l’Arabie Saoudite. Ce plan repose sur plusieurs piliers fondamentaux, notamment l’instauration d’un cessez-le-feu permanent immédiat à Gaza et la libération de tous les otages — vivants ou décédés — dans les 72 heures suivant l’acceptation publique de l’accord par Israël.
De plus, Gaza doit devenir une « zone sans terrorisme, déradicalisée et ne constituant pas une menace pour ses voisins ». Cela implique le désarmement et l’exclusion du Hamas. Le plan prévoit également le refus de toute annexion et de tout déplacement forcé de population.
Ensuite, la mise en place d’une gouvernance post-conflit doit permettre la reconstruction de Gaza et le rétablissement de l’Autorité palestinienne (AP) dans l’enclave. Une mission internationale de stabilisation, dont la France a présidé une réunion préparatoire, est prévue pour garantir la sécurité des deux peuples.
Enfin, l’établissement d’un dialogue entre Israël et les Palestiniens vise à définir un horizon politique permettant la coexistence pacifique, la prospérité commune et la création d’un État palestinien.
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Le plan Trump a été salué par des acteurs clés. La France a exprimé son soutien, y voyant un alignement avec la Déclaration de New York et un moyen de rouvrir un horizon de paix et de sécurité collective. Les pays arabes se sont engagés à le mettre en œuvre, et l’Autorité palestinienne l’a accueilli favorablement.
En définitive, la fin des hostilités et la relance d’un processus de paix exigent non seulement un cessez-le-feu garanti par des forces internationales, mais aussi la résolution des questions de fond soulevées par la Commission de l’ONU, notamment le respect du droit humanitaire et la fin de l’impunité. La communauté internationale doit garantir la crédibilité de l’horizon politique d’un État palestinien souverain afin d’assurer l’intégration régionale et la sécurité tant d’Israël que de la Palestine.
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