Rapport BAM : l’économie marocaine peine-t-elle à prendre son envol ?

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Rapport BAM : l’économie marocaine peine-t-elle à prendre son envol ?Le roi Mohammed VI, accompagné du prince héritier Moulay El Hassan et du prince Moulay Rachid, reçoit, au Palais Royal à Tétouan, le 29 juillet 2025, Abdellatif Jouahri, Wali de Bank Al-Maghrib, qui a présenté au Souverain le rapport annuel de la Banque Centrale sur la situation économique, monétaire et financière au titre de l'exercice 2024 © MAP

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Le dernier rapport de Bank Al-Maghrib, présenté au roi Mohammed VI, dresse un constat, certes de reprise économique, avec quelques signaux favorables, mais loin des ambitions initiales. Chômage toujours assez élevé, tissu productif fragilisé, secteur agricole en crise… Que cache vraiment le taux de croissance de 3,8% en 2024 ? Décryptage.

Le rapport annuel de BAM, présenté le 29 juillet 2025 par le Wali Abdellatif Jouahri au roi Mohammed VI, dresse le bilan pour 2024. Quelques signes de reprise encourageants, certes, mais la croissance nationale reste freinée par plusieurs fragilités structurelles.

En 2024, l’économie nationale a affiché une croissance de 3,8%, contre 3,7% en 2023. Ce léger mieux est le fruit d’une forte progression des secteurs non agricoles, en particulier les industries manufacturières et extractives, le commerce, le BTP, mais aussi du tourisme, qui a enregistré un record d’arrivées. En revanche, la valeur ajoutée agricole a chuté de 4,8%, plombée par une nouvelle année de sécheresse.

Cette croissance reste en deçà des attentes. Comme le souligne le rapport, « Un tel contexte n’a pas manqué d’impacter les performances de l’économie nationale au cours de cette décennie, celles-ci étant restées bien en deçà des ambitions que Votre Majesté s’est fixées pour le pays », a déclaré Jouahri. Les créations d’emplois ont aussi drastiquement diminué. 6.000 postes annuels en moyenne depuis dix ans, contre 145.000 avant 2013 !

Le premier facteur de fragilité constaté dans ce rapport est évidemment l’agriculture, toujours très exposée au climat. Depuis 2019, près d’un million d’emplois ont été perdus dans ce secteur, sans que les autres domaines d’activité ne compensent cette perte. Le taux de chômage a donc grimpé à 13,3% en 2024. Le rapport alerte aussi sur une décapitalisation inquiétante du cheptel et une érosion des terres agricoles.

Bank Al-Maghrib insiste, de ce fait, sur la nécessité de réformer la gouvernance de l’eau. Elle appelle à une tarification plus juste, qui prenne en compte la rareté de la ressource, mais aussi le pouvoir d’achat des ménages et la capacité contributive des agriculteurs.

Malgré des dépenses développées (réforme sociale, infrastructures, soutien au pouvoir d’achat…), le déficit budgétaire s’est réduit à 3,9% du PIB, une amélioration attribuée à des recettes fiscales « exceptionnelles et supérieures aux prévisions ». Celles-ci ont été dopées par la réforme fiscale, les efforts de recouvrement, ainsi qu’une opération de régularisation volontaire de la fiscalité des particuliers.

La dette publique directe, elle, s’est allégée d’un point, atteignant 67,7% du PIB. Mais le rapport met en garde : ces résultats positifs ne doivent pas masquer la forte pression budgétaire à venir, notamment à cause du coût des aides sociales directes (plus de 24 milliards de dirhams en 2024) et des hausses salariales qui ont été octroyées récemment.

BAM se penche sur l’inflation… toujours elle !

L’inflation a connu un net ralentissement avec +0,9% en 2024, contre +6,1% en 2023. Plusieurs facteurs expliquent cette accalmie telle que la baisse des prix de l’énergie au niveau mondial, le resserrement monétaire entamé par Bank Al-Maghrib depuis 2022, les aides gouvernementales ciblées… La Banque centrale a donc commencé à assouplir sa politique, baissant son taux directeur à 2,5%.

Malgré la baisse des taux d’intérêt, le crédit bancaire au secteur non financier n’a progressé que de 2,6%, signe que la dynamique d’investissement privé reste limitée. Bank Al-Maghrib a donc mis en place de nouveaux dispositifs de soutien, notamment un programme de refinancement à taux préférentiel pour les banques finançant les très petites entreprises (TPE).

Le rapport insiste sur l’importance de renforcer le tissu productif marocain, aujourd’hui dominé par les TPE, souvent informelles, faiblement rentables et mal insérées dans les chaînes de valeur. Le rôle du secteur privé dans l’investissement et la création d’emplois reste très important.

TPE-PME : 12 MM de DH promis… mais à qui profite le fric ?

Par ailleurs, pour financer ses projets, l’Etat s’appuie aussi sur des instruments innovants et sur les investissements étrangers. En 2024, les IDE ont atteint près de 44 milliards de dirhams (2,7% du PIB), mais leur impact sur l’économie locale n’est pas toujours visible. Les rapatriements de dividendes dépassent les flux entrants pour la deuxième année consécutive.

Le véritable enjeu, selon la Banque, est d’accroître le « contenu local » de ces investissements, en impliquant davantage les entreprises marocaines et les fonds souverains comme le Fonds Mohammed VI.

Le dirham est resté stable tout au long de l’année, évoluant dans la bande de fluctuation fixée, sans intervention de Bank Al-Maghrib. Le rapport explique que la valeur de la monnaie nationale reste « alignée sur les fondamentaux de l’économie ». La Banque centrale prépare un futur cadre de « ciblage d’inflation » plus explicite, mais appuie sur la nécessité de consolider les équilibres avant toute réforme du régime de change !

Bank Al-Maghrib a également travaillé à améliorer l’inclusion financière. En 2024, une nouvelle phase de la Stratégie nationale d’inclusion financière a été lancée, avec pour objectif de réduire les écarts d’accès aux services financiers et d’en faire un levier d’intégration économique et sociale.
La Banque a aussi favorisé l’innovation en soutenant l’écosystème des fintechs, via la création du « Morocco Fintech Center » et d’un fonds d’amorçage de 100 millions de dirhams. Elle a renforcé la cybersécurité du secteur financier et travaillé sur une loi encadrant l’usage des cryptoactifs.

Bank Al-Maghrib ne cache pas son inquiétude sur certains dossiers urgents encore en suspens, comme la réforme des retraites, jugée prioritaire, ou encore les retards dans la mise en œuvre de la régionalisation avancée. Il faut donc renforcer la résilience de l’économie face aux chocs (notamment climatiques), améliorer son agilité en contexte d’incertitude et préserver la stabilité macroéconomique. Des conditions jugées « essentielles » pour réussir le décollage attendu, à l’approche des grands rendez-vous de 2030, dont la Coupe du Monde.

Toutes les forces vives du pays doivent mieux s’organiser et se mobiliser pleinement pour le déploiement et l’aboutissement de cette vision, d’autant plus que d’ici 2030, le pays fera face à de grandes échéances, parmi lesquelles les Objectifs de Développement Durable, de nombreux plans et stratégies sectoriels, mais également l’organisation de la Coupe du Monde de football.

Abdellatif Jouahri

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