Éducation : les raisons d’une transformation en panne

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Éducation : les raisons d’une transformation en panneUne classe © DR

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Le système éducatif national se classe parmi les plus mauvais, malgré des réformes répétées qui peinent à aboutir. Les efforts pour améliorer la qualité de l’enseignement et adapter le système aux besoins du marché restent largement insuffisants. Voici pourquoi d’après le think-tank « Policy Center for the New South »…

Un Policy Brief intitulé « La réforme du système éducatif face au dilemme de la gouvernance » rédigé par l’économiste Larabi Jaïdi vient d’être publié. Il décrit une situation complexe et des défis persistants du système éducatif national, malgré des réformes successives et des investissements conséquents dans le secteur.

En 2023, l’État a dépensé près de 90,6 milliards de DH (MMDH) dans le domaine de l’éducation, représentant environ 6% du PIB et près de 12% du budget national, révèle le document. Cette somme est l’une des plus élevées de la région. Paradoxalement, elle n’a pas permis d’améliorer les performances du système. Le niveau des élèves marocains reste parmi les plus faibles de la région, avec des taux élevés d’échec scolaire, d’abandon et un chômage des diplômés persistant.

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Réformes de l’éducation : une succession de tentatives sans résultats tangibles

Depuis plus de 25 ans, le Maroc a engagé plusieurs réformes pour améliorer son système éducatif. L’une des initiatives les plus notables a été la mise en place de la Charte nationale d’éducation et de formation dans les années 2000. Cette charte visait principalement à accroître l’efficacité du système éducatif, à garantir l’égalité des chances et à mieux adapter l’offre éducative aux besoins du marché du travail. Cependant, malgré ces efforts considérables, le bilan des réformes reste globalement mitigé. Si des progrès ont été réalisés, comme la généralisation de la scolarisation jusqu’à 15 ans, l’amélioration de la qualité de l’enseignement et la réduction de l’échec scolaire n’ont pas évolué au même rythme.

Et pour tenter de surmonter ces obstacles, le Maroc a lancé le Programme d’urgence Éducation-Formation (2009-2011), une initiative qui a pour objectif d’accélérer les réformes, en mettant l’accent sur l’inclusion des élèves, l’amélioration de l’excellence au lycée et à l’université, ainsi que l’éradication des dysfonctionnements transversaux du système. Toutefois, malgré ces intentions, ce programme n’a pas été en mesure de résoudre les problèmes structurels persistants, notamment ceux liés à l’efficacité dans l’absorption des ressources et à une gestion institutionnelle parfois désorganisée.

Plus récemment, la réforme 2015-2030, soutenue par la loi-cadre 51-17, a été lancée avec des objectifs ambitieux d’équité, d’autonomie et de qualité. Pourtant, cette réforme a également rencontré de nombreuses résistances, en raison des défis inhérents à la mise en œuvre de ces principes, et n’a pas donné les résultats escomptés.

En parallèle, le Maroc consacre une part importante de son budget à l’éducation, mais cette dépense importante ne se traduit toujours pas par une amélioration de la qualité de l’enseignement. Bien que les financements aient augmenté, l’inefficacité dans l’allocation des ressources demeure un problème majeur. Par exemple, près de 50% des élèves n’achèvent pas leur cycle collégial, ce qui souligne l’inadéquation du système éducatif face aux réalités sociales et économiques du pays. De plus, l’enseignement continue de souffrir d’infrastructures obsolètes et de méthodes pédagogiques déconnectées des standards internationaux.

Dans un autre volet des réformes, la décentralisation du système éducatif, avec la création des Académies régionales d’éducation et de formation (AREF), n’a pas apporté de solutions durables. Si ces académies ont été créées dans le but de rapprocher la gestion de l’éducation des réalités locales, elles n’ont finalement pas permis de corriger les disparités persistantes entre les zones urbaines et rurales. L’État reste en effet très centralisé dans la gestion des ressources et l’orientation des politiques éducatives, rendant difficile l’adaptation du système aux spécificités locales.

Réforme de l’éducation : entre avancées concrètes et nouveaux projets ambitieux

Les principaux obstacles à la réforme : gouvernance et inégalités

Selon le document, le manque de gouvernance efficace dans le secteur éducatif reste l’un des problèmes les plus criants. Bien que des prérogatives aient été transférées aux académies et universités, le système souffre de mécanismes d’évaluation inefficaces et d’une confusion des rôles entre l’administration centrale et les structures locales. De plus, la gestion des ressources humaines, notamment la formation des enseignants et la gestion des absences, reste désorganisée, aggravant les inégalités entre établissements.

En outre, les résultats scolaires montrent des écarts importants entre les régions, avec un faible taux de scolarisation dans les zones rurales. Les enfants issus de milieux défavorisés sont souvent confrontés à des conditions d’apprentissage médiocres, entraînant une forte déperdition scolaire et des difficultés pour s’intégrer dans le marché du travail.

Par ailleurs, la défiance des familles à l’égard du système éducatif est un autre facteur majeur de crise. Les familles les plus aisées recherchent des alternatives dans des établissements privés ou à l’étranger pour assurer l’avenir de leurs enfants, renforçant ainsi la sélection sociale du système. Malgré ses lacunes, l’école reste au centre des espoirs des familles marocaines, car elle demeure le principal vecteur d’intégration sociale et professionnelle.

Les entreprises réclament également un système éducatif de qualité pour fournir une main-d’œuvre qualifiée. Cependant, les compétences professionnelles enseignées par l’école ne sont pas adaptées aux réalités économiques et aux besoins du marché du travail, ce qui nourrit un sentiment de déconnexion entre le système éducatif et le monde professionnel.

Éducation : un budget record, des résultats en berne

La feuille de route 2022-2026 : quel avenir ?

Le Maroc a mis en place une nouvelle feuille de route pour la réforme de l’éducation (2022-2026), qui se veut une réponse aux lacunes des réformes précédentes. Cette feuille de route repose sur trois grands objectifs : rendre obligatoire la scolarité, assurer l’apprentissage de qualité pour tous, et favoriser l’ouverture du système éducatif. Elle prévoit notamment de réduire de 33% le taux de déperdition scolaire, d’améliorer la qualité des apprentissages et de réformer la formation des enseignants. Elle propose également un renforcement de l’utilisation des outils numériques et la modernisation des établissements scolaires pour mieux répondre aux besoins contemporains.

Pour l’auteur de ce Policy Brief, cette nouvelle réforme présente des perspectives inédites. «Les responsables reconnaissent qu’il ne suffit pas de financer le secteur avec des milliards de dirhams sans repenser fondamentalement le système existant», lit-on. Le véritable défi consiste, selon lui, à réinventer ce système tout en lui assurant une stabilité durable. Une gouvernance instable pourrait compromettre l’orientation du changement et entraîner des perturbations dans la mise en œuvre de la réforme, voire remettre en cause ses principes.

Les attentes sociales sont élevées, mais un doute persiste parmi les familles et la société concernant l’efficacité de cette réforme. L’école, le collège, le lycée et l’université doivent retrouver leur mission en adéquation avec les besoins du milieu, car cela impacte directement l’avenir des jeunes et, à terme, celui du Maroc.

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