Décès de Rayan : les leçons à tirer de ce drame

image defaut author user
Temps de lecture :

Rayan

A
A
A
A
A

Le monde est en deuil. Bloqué dans un puits profond de 32 mètres pendant cinq jours, Rayan (cinq ans) a fini par perdre la vie, provoquant le choc de l’opinion publique. Hormis l’engouement, et l’hommage qui lui a été rendu dans le monde entier, cette affaire soulève certaines problématiques. Les voici.

Triste destin pour le petit Rayan dont l’histoire a tenu en haleine le monde entier pendant cinq jours. Malgré les efforts continus des secouristes, Rayan n’a pas survécu à ses blessures. Ses obsèques auront lieu ce lundi au douar Ighran dans la province de Chefchaouen, près du domicile de ses parents.

L’histoire de Rayan a ému les Marocains, mais a également dépassé les frontières. Que ce soit en Algérie, en Tunisie, en Égypte, en France ou en Angleterre, les témoignages se multipliaient et l’émotion était palpable. Une minute de silence a été observée avant la finale de la Coupe d’Afrique des Nations (CAN), tenue ce dimanche à Yaoundé (Cameroun). Plusieurs messages de soutien ont également été émis par des chanteurs et des politiciens.

«Ce soir, je veux dire à la famille du petit Rayan et au peuple marocain que nous partageons leur peine», a écrit Emmanuel Macron sur son compte Facebook. Même réaction du côté de Naftali Benett, chef de l’exécutif israélien, qui a présenté ses condoléances au peuple marocain et au roi Mohammed VI. «En mon nom et au nom du gouvernement et du peuple d’Israël, j’adresse nos sincères condoléances à la famille et aux proches de feu l’enfant Rayan, au peuple marocain frère et à Sa Majesté le Roi Mohammed VI», a écrit Naftali Benett.

Lire aussi :Le petit Rayan n’a pas survécu

Au Vatican, le pape François a évoqué la mort de Rayan exprimant sa solidarité avec la famille et les Marocains. «Tout le peuple marocain était là pour sauver un seul enfant. Ils ont fait tout leur possible, mais malheureusement ce petit bonhomme n’a pas survécu (…) Ces photos d’un peuple qui était là, qui attendait de sauver cet enfant. Merci, merci… Je remercie ce peuple», a déclaré ce dimanche le pape François depuis le Vatican.

La période de l’évacuation de Rayan a été marquée par des images très fortes. Parmi elles, celle de Ali Sahraoui, cet homme de plus de 50 ans qui a creusé la terre avec ses mains durant de très longues heures lors des derniers mètres le séparant de Rayan,ou encore celle des femmes qui malgré la pauvreté et la précarité dans laquelle elles vivent ont fait preuve de beaucoup de générosité en préparant à manger bénévolement à toutes les équipes de secours et aux visiteurs.

Prise de conscience

Si la mort de Rayan a apporté un certain ressenti de fraternité et de solidarité, il n’en est pas moins vrai que cet événement remet sur le devant de la scène plusieurs problématiques, à commencer par la question de la sécurisation des puits. Le cas de Rayanéquivaut à l’arbre qui cache la forêt. Ce type d’accidents est monnaie courante au Maroc, précisément dans le monde rural. Hélas, Rayann’est pas la première victime de ce genre d’accident(en espérant qu’il soit le dernier). Si la responsabilité du père n’est pas à négliger, les pouvoirs publics sont tout aussi responsables.

Lire aussi :Sauvetage du petit Ryan : le récit d’une opération très délicate

Plusieurs interrogations persistent à ce jour : comment se fait-il qu’un puits de 32 mètres de profondeur ne soit pas sécurisé ? N’y a-t-il pas de plans pour réglementer cela ? Ne serait-il pas plus judicieux d’imposer des mesures de sécurité à tout propriétaire de puits sous peine de sanctions en cas de non-respect des instructions ? Comment sont accordées les autorisations de réalisation de ces puits et sous quelles conditions ?

Puits

Selon le quotidien Assabah, le décès de Rayan pourrait faire tomber plusieurs têtes, à commencer par l’ancien gouverneur de la province de Chefchaouen, qui selon la même source, serait responsable de la prolifération d’un nombre important de puits pour des travaux illégaux (culture du kif). Les rapports remontés au ministère de l’Intérieur seraient donc faux et ne refléteraient pas la réalité des choses sur le terrain. Une enquête a été ouverte pour éclaircir ces faits.

Autre problème, celui de l’insouciance et de l’irresponsabilité de certains propriétaires de puits. Dans le monde rural, les puits sont fréquemment creusés, mais une fois qu’il n’y a plus d’eau dedans, une bonne partie est délaissée et abandonnée, laissant place au risque de voir des enfants ou des animaux y échouer.

Des dérives désolantes

Hormis le plan sécuritaire, plusieurs dérives ont été enregistrées sur le plan médiatique et sur les réseaux sociaux. Attirées par la soif du clic et du buzz, certaines personnes étaient prêtes à tout pour surfer sur cette vague, quitte à diffuser de fausses informations. La déontologie journalistique n’a pas été respectée. Des témoignages d’enfants sans consentement de leurs parents ont été diffusés. Des actes qui ont fait d’ailleurs réagir le Syndicat national de la presse marocaine (SNPM). Dans un communiqué publié vendredi dernier, cette institution a noté que «certaines couvertures médiatiques portent un coup à l’éthique et la déontologie du journalisme», ajoutant que ces personnes «manquent de compassion et diffusent des informations peu fiables».

L’absurdité de certains ne s’est pas arrêtée là. Sur les réseaux sociaux, des personnes ont profité de la tragédie pour promouvoir leur action marketing. On a vu une vente de vêtements à l’effigie du petit Rayan. Tout ce qu’il y a de plus indigne. D’autres ont usurpé l’identité du père de Rayan pour appeler à une récolte de dons. Ces derniers ont profité de la confiance excessive et de la naïveté d’une partie des internautes pour en tirer bénéfice. Des actes qui ne sont pas passés inaperçus, la gendarmerie royale a d’ailleurs ouvert une enquête à ce sujet pour identifier les responsables.

Une chose est sûre, Rayan a donné à la société marocaine la plus belle démonstration de ses contrastes. Il a également livré avec sa mort une véritable leçon humaine. Il ne reste plus qu’à espérer qu’elle soit retenue.

Dernier articles
Les articles les plus lu
L’autoroute Tit Mellil–Berrechid officiellement ouverte à la circulation

Société - L'autoroute Tit Mellil-Berrechid vient fluidifier les déplacements, alléger la pression vers l’aéroport Mohammed V et connecter directement les principaux axes autoroutiers du Royaume grâce à des infrastructures modernisées.

Ilyasse Rhamir - 28 novembre 2025
Deepfakes, dérives numériques et IA : la nouvelle frontière des violences faites aux femmes

Tribune-La campagne mondiale contre les violences faites aux femmes était historiquement centrée sur les violences physiques, psychologiques...

Rédaction LeBrief - 27 novembre 2025
Prolifération de faux psychologues : le syndicat saisit l’Intérieur

Société - Le Syndicat national des psychologues dénonce la prolifération de praticiens illégaux s'appropriant ce titre.

Mouna Aghlal - 27 novembre 2025
Hajj 1448 : lancement des inscriptions électroniques du 8 au 19 décembre

Société - Les futurs pèlerins marocains pourront s’enregistrer en ligne pour la campagne 1448 H/2027 entre le 8 et le 19 décembre 2025. L’opération concerne les citoyens majeurs, avec des conditions spécifiques pour les personnes âgées souhaitant être accompagnées.

Ilyasse Rhamir - 27 novembre 2025
Décès de Bensaber El Ghazouani, préfet de police

Société - La Direction générale de la sûreté nationale traverse une profonde perte avec la disparition de Bensaber El Ghazouani. La famille de la DGSN rend hommage au défunt et adresse ses prières pour sa paix éternelle et le réconfort des siens.

Ilyasse Rhamir - 27 novembre 2025
Démantèlement d’un réseau criminel de trafic international et saisie de 16 tonnes de chira (BCIJ)

Société - Une opération minutieusement coordonnée par les services de sécurité a permis de mettre fin aux activités d’un réseau spécialisé dans l’exportation illicite de résine de cannabis (Chira) à partir des côtes casablancaises.

Ilyasse Rhamir - 27 novembre 2025
Voir plus
Manifestations de la « GenZ 212 » : 60 personnalités marocaines exhortent le Roi à engager des réformes profondes

Société - Soixante figures marocaines appellent le roi Mohammed VI à lancer des réformes profondes en phase avec les revendications de la jeunesse.

Hajar Toufik - 8 octobre 2025
Travaux : les Casablancais n’en peuvent plus !

Dossier - Des piétons qui traversent d’un trottoir à l’autre, des voitures qui zigzaguent… À croire que les Casablancais vivent dans un jeu vidéo, sans bouton pause.

Sabrina El Faiz - 12 avril 2025
Manifestations de la « GenZ 212 » : appel à boycotter les entreprises liées à Akhannouch

Société - Les manifestations de la « GenZ 212 », poursuivent leur mobilisation à travers un appel au boycott des entreprises liées à Aziz Akhannouch.

Ilyasse Rhamir - 7 octobre 2025
Mariages marocains : l’amour au prix fort

Société - Au Maroc, on peut rater son permis de conduire, son bac… Mais rater son mariage ? Inenvisageable !

Sabrina El Faiz - 23 août 2025
La classe moyenne marocaine existe-t-elle encore ?

Dossier - Au Maroc, pour définir le terme classe moyenne, nous parlons de revenus. Cela ne veut pourtant plus rien dire.

Sabrina El Faiz - 5 juillet 2025
Faux et usage de faux, la dangereuse fabrique de l’illusion

Dossier - Un faux témoignage peut envoyer un innocent en prison ou blanchir un coupable. Un faux diplôme casse la méritocratie. Un faux certificat peut éviter une sentence.

Sabrina El Faiz - 24 mai 2025
pub

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée Champs requis marqués avec *

Poster commentaire