Affaire Brahim Ghali : quand le Maroc préfère garder le silence

Avatar de Mohamed Laabi
Temps de lecture :

Nasser Bourita, ministre des Affaires étrangères © DR Nasser Bourita, ministre des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l'étranger © DR

A
A
A
A
A

Après la fin du feuilleton Brahim Ghali et son retour en Algérie, la diplomatie espagnole tente de calmer la tension par tous les moyens. La ministre des Finances et porte-parole du gouvernement, María Jesús Montero a appelé ce jeudi à la normalisation dès que possible des relations, car «les deux pays ont besoin l’un de l’autre». L’Union européenne et la France s’efforcent pour leur part d’apaiser la tension en multipliant les contacts avec les hauts responsables des deux nations. Le Maroc a préféré quant à lui garder le silence. Aucune réaction n’a été faite par Rabat depuis le retour de Ghali en Algérie, le 2 juin dernier.

Quel avenir pour les relations diplomatiques Maroc-Espagne après le “Ghaligate” ? Difficile pour l’heure de se prononcer sur les conséquences du retour du chef du Polisario Brahim Ghali en Algérie. Le Royaume avait demandé à l’Espagne de condamner le chef du mouvement séparatistepour ses actes de viol, d’enlèvement, de torture et de crime contre l’humanité, au risque de voir une rupture des relations entre les deux pays.

Lors de sa comparution le 1er juin dernier, le juge Santiago Pedraz a refusé les mesures conservatoires à l’égard de Ghali, précisant que «le rapport de l’accusation n’a pas fourni d’éléments circonstanciels et que les déclarations des témoins dans l’affaire n’ont pas de preuves corroboranteset ne peuvent soutenir les faits exposés». Le juge a uniquement demandé au concerné de lui fournir une adresse et un numéro de téléphone pour pouvoir être localisé et joignable par les autorités espagnoles.

Lire aussi :African Lion 2021 : l’Espagne ne participe pas à cette édition

Après cet épisode, aucune réaction n’a été faite de la part de la diplomatie marocaine. Comment donc interpréter ce silence ? Nasser Bourita, ministre des Affaires étrangères marocain, songerait-il toujours à l’idée de rompre les relations diplomatiques avec le voisin du Nord ?

L’Espagne adopte un autre discours

Il y a deux semaines, l’Espagne accusait le Maroc d’ »agression » et de « chantage » après l’arrivée de plus de 8.000 migrants à Sebta. Aujourd’hui, c’est un tout autre discours qu’elle tient. Ce jeudi, María Jesús Montero, la ministre des Finances et porte-parole du gouvernement, a appelé à une normalisation des relations avec le Maroc. La responsable souligne que l’Espagne et le Maroc sont «deux pays qui ont besoin l’un de l’autre».

«C’est un pays avec lequel nous avons une relation historique de voisinage, avec d’importants intérêts commerciaux mutuels de l’Europe en Afrique et de l’Afrique en Europe. Nous parlons non seulement de la relation bilatérale de deux pays, mais aussi de la relation de deux continents qui sont nécessaires et qui, par conséquent, doivent marcher dans cette direction», souligne María Jesús Montero dans une déclaration ce jeudi 3 juin aux médias espagnols.

Lire aussi :L’affaire Brahim Ghali divise les politiques en Espagne

Rappelons que le Maroc noue des partenariats très importants et stratégiques avec l’Espagne. L’un de ces partenariats concerne la lutte contre le terrorisme. Le ministre de l’Intérieur espagnol Fernando Grande-Marlaska a assuré que cette coopération est «importante» et «pertinente».

«Nous travaillons sérieusement de manière coordonnée, lorsqu’il s’agit des questions sécuritaires. Nous sommes tous conscients que la coopération, la collaboration, l’échange d’informations est un gage de sécurité pour nos sociétés respectives», a-t-il assuré.

L’UE et la France tentent de réconcilier les deux pays

La Commission européenne a demandé à l’Espagne et au Maroc de résoudre leur crise diplomatique. Nabila Massrali, porte-parole des affaires étrangères de la Commission, a indiqué que les relations stratégiques entre l’Espagne et le Maroc sont d’une grande importance pour l’Europe.

«Nous sommes convaincus que les relations profondes entre l’Espagne et le Maroc permettront de trouver une issue à la crise. À ce moment, il faut voir comment la situation évolue et espérer que la tension entre les deux pays s’atténuera».

Lire aussi :Affaire Brahim Ghali : quel sort pour les relations Maroc-Espagne ?

De son côté, la France multiplie les contacts avec les hauts responsables marocains et espagnols afin de trouver un terrain d’entente et enterrer la hache de guerre entre les deux pays. Dans son édition du vendredi 4 juin 2021, le quotidien arabophone Al Ahdath Al Maghribia rapporte que la France fait des efforts pour apaiser la tension. Les responsables français ont déclaré que si cette crise perdure, elle aura des répercussions dangereuses sur l’Europe, notamment sur les questions sécuritaires et celles relatives à l’immigration.

Le Maroc n’a pas perdu son bras de fer

Dans une analyse au site Atlas Info, le politologue Mustapha Tossa estime que le fait de ne pas voir Brahim Ghali derrière les barreaux «ne signifie nullement une défaite marocaine dans ce bras de fer dramatique qui l’a lié à l’Espagne et l’Algérie».

Le politologue indique que la diplomatie marocaine a marqué des points politiques d’une grande valeur en faisant observer à la communauté internationale, qui avait encore des doutes sur l’implication de l’État algérien et de son appareil sécuritaire dans l’instrumentalisation du Polisario, que ce mouvement séparatiste n’est ni plus ni moins qu’une arme de guerre algérienne contre le Maroc.

Lire aussi :Crise Maroc-Espagne : quel impact sur le tourisme ?

Selon le politologue, le Maroc a également marqué des points dans sa relation avec l’Espagne, car «au-delà du fait d’avoir mis enlumière les forces espagnoles hostiles à ses intérêts, la détermination marocaine à obtenir des attitudes espagnoles compatibles avec ses intérêts a provoqué une crise interne espagnole dont on verra plus tard les répercussions sur le plan de la politique domestique». Enfin, ce dernier estime que la diplomatie marocaine a utilisé toutes les gammes politique et de communication de cette crise,pour redessiner les contours de ses lignes rouges sur la question du Sahara. «À travers la porte espagnole, le message était adressé à l’ensemble de l’Europe», note-t-il.

L’Europe réussira-t-elle à calmer les ardeurs et réconcilier les deux pays ? Ou bien le Maroccontinuera-t-il de camper sur ses positions, refusant un retour à la normale ?Affaire à suivre.

Dernier articles
Les articles les plus lu
Rabat : grande marche populaire en soutien au peuple palestinien

Société - Rabat a vu affluer des milliers de Marocains venus exprimer leur solidarité avec Gaza et dénoncer les massacres perpétrés contre les civils palestiniens.

Hajar Toufik - 5 octobre 2025
Vidéo – Tbourida : la Sorba du Moqaddem Benkheda sacrée au Salon du cheval d’El Jadida

Société - La Sorba de Béni Mellal-Khénifra a brillé à El Jadida, s’adjugeant le prestigieux Grand Prix le roi Mohammed VI de Tbourida.

Ayoub Jouadi - 5 octobre 2025
Trafic de drogue : 33 kg de cocaïne interceptés au port Tanger Med

Société - Une opération conjointe entre la DGSN et la DGST a permis de saisir 33 kg de cocaïne brute dissimulés dans un conteneur au port Tanger Med.

Hajar Toufik - 5 octobre 2025
Trafic de drogue : plus de 53 kg de cocaïne interceptés à El Guerguerat

Société - Une importante cargaison de cocaïne a été saisie au poste-frontière d’El Guerguerat lors d’une opération conjointe entre la Sûreté nationale et la Douane.

Hajar Toufik - 5 octobre 2025
Huitième jour de mobilisation : la « GenZ 212 » poursuit son mouvement dans le calme

Société - Huit jours après le lancement du mouvement « GenZ 212 », les jeunes continuent de se mobiliser pour défendre leurs revendications sociales.

Hajar Toufik - 5 octobre 2025
Kénitra : 17 personnes déférées devant la justice après les violences à Sidi Taibi

Société - 17 individus, dont 9 mineurs, ont été déférés devant la justice à Kénitra après les graves incidents survenus mercredi dernier à Sidi Taibi.

Hajar Toufik - 4 octobre 2025
Voir plus
Travaux : les Casablancais n’en peuvent plus !

Dossier - Des piétons qui traversent d’un trottoir à l’autre, des voitures qui zigzaguent… À croire que les Casablancais vivent dans un jeu vidéo, sans bouton pause.

Sabrina El Faiz - 12 avril 2025
Mariages marocains : l’amour au prix fort

Société - Au Maroc, on peut rater son permis de conduire, son bac… Mais rater son mariage ? Inenvisageable !

Sabrina El Faiz - 23 août 2025
La classe moyenne marocaine existe-t-elle encore ?

Dossier - Au Maroc, pour définir le terme classe moyenne, nous parlons de revenus. Cela ne veut pourtant plus rien dire.

Sabrina El Faiz - 5 juillet 2025
Faux et usage de faux, la dangereuse fabrique de l’illusion

Dossier - Un faux témoignage peut envoyer un innocent en prison ou blanchir un coupable. Un faux diplôme casse la méritocratie. Un faux certificat peut éviter une sentence.

Sabrina El Faiz - 24 mai 2025
Le Maroc des voisins qu’on n’a pas choisis

Dossier - Les voisins ont bien changé. Les balcons étaient les réseaux sociaux d’antan. On y partageait les breaking news du quartier et les hommes étaient aussi bien surveillés que les enfants !

Sabrina El Faiz - 12 juillet 2025
Casablanca : les malls en perte de vitesse, sauf exceptions

Société - Les mails de Casablanca traversent une période de transformation, entre défis liés à l’entretien, évolution des attentes et adaptation à un nouveau contexte économique.

Hajar Toufik - 8 août 2025

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée Champs requis marqués avec *

Poster commentaire