VTC au Maroc : vide juridique et risques

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VTC au Maroc : vide juridique et enjeux qui en découlentVTC au Maroc : vide juridique et enjeux qui en découlent. DR

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Alors que de nombreux pays adaptent leur législation pour réguler les applications de transport en ligne, le Maroc se retrouve dans une situation préoccupante due à l’absence d’un cadre juridique pour les services de VTC.

Cette lacune expose les utilisateurs à des risques importants, notamment en matière de sécurité, tout en engendrant une concurrence déloyale pour les taxis traditionnels. À l’approche d’événements sportifs majeurs, tels que la Coupe d’Afrique des Nations 2025 et la Coupe du Monde 2030, il est crucial de trouver des solutions adéquates pour garantir un transport à la fois sûr et efficace.

La sécurité en question

La sécurité des usagers de VTC constitue une préoccupation majeure. De récents incidents illustrent cette réalité inquiétante. Le 17 juillet 2024, la youtubeuse Fatima Zahra Lassakri a été agressée par un chauffeur d’Indrive à Rabat. Elle a relaté un scénario alarmant où le chauffeur l’a déviée vers un chemin isolé avant de lui porter atteinte. Ce cas tragique n’est pas isolé, des incidents similaires se multipliant et alimentant un climat de méfiance. Les utilisateurs doivent actuellement se fier à des systèmes de notation qui ne garantissent en rien leur sécurité.

Le 16 octobre 2024, la police a démantelé un gang à Casablanca, utilisant l’application Indrive pour attirer des victimes vers des lieux isolés, où elles étaient ensuite agressées. Ces événements mettent en lumière l’absence de réglementation nécessaire pour protéger les usagers et soulignent l’urgence d’établir un cadre légal. Sans contrôles stricts, les dangers restent omniprésents tant pour les clients que pour les conducteurs. Une législation appropriée permettrait d’instaurer des mesures de sécurité, telles que des vérifications des antécédents pour les chauffeurs et des assurances pour les usagers, renforçant ainsi la confiance envers ces services. Il est également important de noter que si toutes les agressions ne sont pas déclarées à la police et donc traitées dans les journaux, elles demeurent nombreuses et constituent un véritable fléau pour les utilisateurs.

Lire aussi : InDrive : nouvelle agression à Casablanca

Mouna, Casablancaise de 38 ans nous raconte son expérience traumatisante avec un VTC, qui, à son retour chez elle à 20 heures seulement de son travail, a changé d’itinéraire se justifiant par sa connaissance d’un raccourci : «J’avoue, j’étais sur mon téléphone à répondre à quelques derniers mails, je n’y ai pas prêté attention les premières minutes. Quand j’ai fini par lui dire que je préférais qu’il retourne sur les axes principaux, il a tout de suite pris un ton agressif. J’ai compris immédiatement qu’il avait des intentions douteuses, donc j’ai tenté de le calmer, mais il ne faisait que répéter que  »les filles comme moi » cherchions les problèmes. J’ai attendu de reconnaître une rue ou un boulevard et dès qu’il a été obligé de s’arrêter, je suis descendue en catastrophe de la voiture et me suis réfugiée dans un café où des clients ont vite réagi et ont même essayé de le rattraper». Si Mounia s’en est sortie sans dommages physiques ou matériels, elle ajoute que désormais, n’étant toujours pas motorisée et n’ayant de choix que d’utiliser ce genre de services, elle n’utilise plus que les plateformes qui surveillent de près leurs chauffeurs, quitte à ce que ce soit plus cher. Et surtout, elle nous explique qu’elle a adopté des gestes de sécurité, selon elle, indispensables : «Maintenant, je prends systématiquement la plaque de la voiture en photo que j’envoie à un contact et si possible, je me mets en partage direct de géolocalisation avec une amie».

Concurrence déloyale et enjeux économiques

En parallèle des questions de sécurité, l’absence de régulation des VTC entraîne une concurrence déloyale envers les taxis traditionnels. Ces derniers, soumis à des réglementations rigoureuses, se trouvent désavantagés face à des applications qui opèrent sans cadre légal. Cette situation engendre des tensions et risque de compromettre la viabilité des services de taxi, essentiels pour de nombreux citoyens.

Si la question de la législation autour des VTC s’est posée partout dans le monde à leur arrivée, en France, par exemple, la solution a été d’imposer aux chauffeurs VTC de choisir un statut juridique afin de créer leur entreprise et exercer leur activité. Différentes options sont disponibles, telles que l’entreprise individuelle (avec un régime micro possible), entre autres. Ces choix permettent aux chauffeurs d’opérer dans un cadre légal tout en garantissant des droits et des protections, mais aussi garantir à l’utilisateur la traçabilité du chauffeur en cas de litige plus ou moins aggravé.

Avec l’arrivée imminente d’événements sportifs tels que la Coupe d’Afrique des Nations 2025 et la Coupe du Monde 2030, la question de différentes options de transports fiables se pose. Des dizaines de milliers de visiteurs sont attendues, avec eux les désidérata de tout un chacun, et sans une régulation adéquate des VTC, la capacité d’accueil et de transport risque d’être insuffisante, mettant en porte-à-faux l’image du Maroc en tant que destination touristique.

Une législation claire permettrait d’harmoniser le fonctionnement des VTC et des taxis traditionnels, assurant des conditions de concurrence équitables. Introduire des réglementations favorisant l’intégration des nouvelles technologies tout en protégeant les intérêts des acteurs établis pourraient assurer à toutes les parties une sécurité, soit-elle de l’emploi ou physique.

Enfin, la mise en place d’un cadre juridique adapté pourrait, d’un point de vue économique, venir grossir les rangs des autoentrepreneurs en encourageant les frileux à l’idée de s’engager sur cette voie de nids de poule, graissant ainsi la roue vertueuse de l’emploi, de la consommation et de la croissance.

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