Procédure pénale : une réforme qui redonne confiance aux citoyens, victimes et institutions

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Procédure pénale : la réforme qui redonne confiance à citoyens, victimes et institutionsPhoto illustration © DR

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Le Maroc franchit un cap majeur dans la modernisation de sa justice. Entrée en vigueur le 8 décembre 2025, la loi n°03.23 redéfinit la procédure pénale, renforce les droits de la défense et des victimes, encadre strictement la garde à vue et la détention provisoire, et introduit des outils d’enquête modernisés.

La justice marocaine vient de franchir une étape décisive. La loi n°03.23 modifiant et complétant le Code de procédure pénale est officiellement entrée en vigueur, après sa publication au Bulletin officiel du 8 septembre 2025. Pour le ministère de la Justice, il s’agit d’un moment historique, à la hauteur des transformations que connaît le pays et qui exigent un système judiciaire modernisé, plus protecteur et plus efficace.

Cette loi s’inscrit dans la dynamique tracée par les hautes orientations royales, qui appellent depuis plusieurs années à une modernisation globale de la politique pénale, à une justice plus performante et à une consolidation des droits fondamentaux. Elle fait également écho à l’esprit de la Constitution de 2011, qui érige l’État de droit, l’équité et la protection des libertés en piliers du Maroc démocratique et moderne. L’entrée en vigueur de cette réforme marque donc bien plus que l’application d’un texte : elle symbolise un choix institutionnel et sociétal fort.

Lire aussi : Code de procédure pénale : le projet de loi définitivement adopté

Un renforcement inédit des garanties du procès équitable

La loi n°03.23 rebat les cartes de la procédure pénale en consolidant le socle des droits fondamentaux. Le texte consacre avec une nouvelle clarté la présomption d’innocence, le droit à la défense, l’égalité devant la loi et le droit d’être jugé dans un délai raisonnable. Ces principes, longtemps invoqués, mais parfois fragiles dans la pratique, acquièrent désormais un cadre renforcé et des mécanismes précis de mise en œuvre.

Le droit d’accès à un avocat est mieux garanti, tout comme la possibilité de garder le silence, de contester les charges ou de bénéficier d’une traduction en cas de méconnaissance de la langue utilisée dans la procédure. Cette reconfiguration vise à réduire les inégalités dans l’accès au droit, à renforcer la lisibilité des procédures et à consolider la confiance des citoyens dans l’institution judiciaire.

Garde à vue : une mesure désormais strictement encadrée

La réforme transforme en profondeur le régime de la garde à vue, en insistant sur son caractère absolument exceptionnel. La loi fixe des durées précises, 48 heures renouvelables pour les délits, 96 heures renouvelables pour les crimes ou certaines infractions complexes, et impose à l’officier de police judiciaire d’informer immédiatement la personne de ses droits.

L’accès à un avocat, la possibilité de prévenir un proche, l’examen médical en cas de besoin ou encore la présence d’un interprète font désormais partie intégrante des garanties encadrant cette phase décisive de l’enquête. Pour les crimes graves et les délits passibles de plus de cinq ans de prison, l’enregistrement audiovisuel des interrogatoires devient obligatoire. Ce mécanisme marque l’une des avancées les plus significatives du texte : il protège à la fois les droits des personnes interpellées et le professionnalisme des enquêteurs, en assurant une traçabilité complète.

Entrée en vigueur de la loi 03.23 modernisant la procédure pénale

Vers une utilisation mesurée et contrôlée de la détention provisoire

La détention préventive, longtemps critiquée pour son recours trop fréquent, se voit largement encadrée. Le juge doit désormais motiver explicitement toute décision d’incarcération provisoire, en démontrant l’absence de solutions alternatives. La durée maximale est limitée à quatre mois pour les délits et à un an pour les crimes, avec des conditions strictes pour les renouvellements.

En parallèle, la loi introduit des mesures alternatives modernisées, telles que le contrôle judiciaire, la surveillance électronique, l’interdiction de communiquer avec les victimes ou la restriction de déplacements. Ces outils visent à désengorger les établissements pénitentiaires, à réduire la détention de personnes non condamnées et à renforcer la proportionnalité des décisions judiciaires.

Une protection élargie et structurée pour les victimes

L’un des axes les plus novateurs de la réforme concerne les droits des victimes. La loi leur assure un droit à l’information tout au long de la procédure, un accompagnement juridique et social, et des mesures spécifiques lorsqu’il s’agit de femmes ou d’enfants victimes de violence. Cette approche plurielle cherche à corriger un déséquilibre longtemps décrié : la marginalisation des victimes dans le processus pénal, souvent centrée sur l’auteur de l’infraction.

La création de dispositifs d’accompagnement spécialisés, l’accès facilité à l’assistance juridique et l’instauration de mécanismes de protection renforcés témoignent d’une volonté d’humaniser davantage la justice pénale, en réhabilitant la place des personnes lésées et en répondant à leurs besoins concrets.

Criminalité au Maroc : quelle évolution ?

Justice des mineurs : priorité à la protection et à la réinsertion

Le texte réaffirme le principe fondamental selon lequel les mineurs doivent bénéficier d’une protection particulière. La majorité pénale reste fixée à 18 ans, et les mesures éducatives priment désormais sur les sanctions privatives de liberté. Les procédures sont adaptées à l’âge des enfants concernés : assistance obligatoire d’un avocat, présence d’un assistant social, confidentialité des audiences et séparation stricte des mineurs et des adultes dans les lieux de privation de liberté.

La mise en place de cellules spécialisées illustre la volonté de professionnaliser davantage la prise en charge des mineurs, qu’ils soient auteurs ou victimes d’infractions. Cette orientation répond à une nécessité impérieuse : limiter la rupture sociale et favoriser la réinsertion.

Des techniques d’enquête modernisées au service de l’efficacité

L’un des volets les plus stratégiques de la nouvelle loi réside dans l’introduction de techniques d’enquête spéciales, strictement encadrées par l’autorité judiciaire. Interceptions de communications, infiltrations, géolocalisation, enregistrements… Ces outils, réservés aux crimes graves et aux réseaux criminels organisés, visent à renforcer la capacité de l’État à lutter contre des formes de criminalité de plus en plus sophistiquées.

Ces méthodes, désormais formalisées dans le Code de procédure pénale, reposent sur une autorisation préalable et motivée du procureur général ou du juge d’instruction. Elles renforcent l’arsenal de la justice marocaine tout en préservant les droits individuels grâce à des mécanismes stricts de contrôle.

L’Observatoire national de la criminalité : un nouveau pilier de la politique pénale marocaine

Un Observatoire national pour orienter la politique pénale

Autre innovation majeure : la création d’un Observatoire national de la criminalité. Cette structure scientifique aura pour mission de collecter, analyser et publier régulièrement des données fiables sur la criminalité et la réponse pénale. Elle permettra d’orienter les politiques publiques sur la base de statistiques, de tendances et d’analyses rigoureuses, mettant fin à une approche souvent qualitative ou réactive.

Pour le ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi, cette loi constitue un pilier fondamental de la transformation du système judiciaire et un élément déterminant de la préparation des grandes échéances nationales, notamment la Coupe du Monde 2030. La modernisation du cadre juridique, la sécurité juridique renforcée et l’attractivité internationale du pays sont autant d’objectifs associés à cette réforme d’envergure.

Dans la vision du nouveau modèle de développement, la justice est un moteur de confiance citoyenne, de croissance économique et de stabilité institutionnelle. La loi n°03.23 s’inscrit dans cette trajectoire, en dotant le Maroc d’un système pénal plus efficace, plus protecteur et plus en phase avec les standards internationaux.

Son entrée en vigueur consacre ainsi une avancée majeure : celle d’un Maroc qui modernise sa justice pour mieux protéger, mieux juger et mieux garantir les droits de toutes et tous.

Peines alternatives : entre innovation législative et défis de mise en œuvre

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