La vente de Sanofi en France: quel impact sur la fabrication du Doliprane au Maroc?

Avatar de Farah Nadifi
Temps de lecture :

Vente de Sanofi quel impact pour le doliprane au MarocLe Doliprane, ou paracétamol, est un médicament largement utilisé au Maroc. DR

A
A
A
A
A

L’annonce de la vente de la filiale de Sanofi, responsable de la production du Doliprane, à un fonds d’investissement américain, CD&R (Clayton, Dubilier & Rice), a déclenché une onde de choc en France. Les inquiétudes concernent principalement la souveraineté industrielle, la pérennité des emplois et la continuité de la production locale du médicament emblématique. Mais au-delà des frontières françaises, cette vente pourrait-elle aussi avoir des répercussions notables dans d’autres pays, y compris le Maroc ?

Le Doliprane, dont le principal composé chimique est le paracétamol, est un médicament largement utilisé au Maroc pour traiter des affections courantes telles que les maux de tête, la fièvre et les douleurs diverses. Grâce à son efficacité et à son accessibilité, il s’est imposé comme un produit incontournable dans les foyers marocains. En effet, la facilité d’accès au Doliprane, y compris sans ordonnance, en fait un des remèdes les plus populaires dans les pharmacies du Royaume.

Toutefois, au Maroc justement, la fabrication de ce remède est confiée au laboratoire pharmaceutique Bottu qui importe la matière première et fabrique localement.

Quelles conséquences pour le marché marocain ?

Si la transaction se concrétise, elle pourrait-elle entraîner des répercussions pour le marché marocain du Doliprane ? Les différents pharmaciens à qui nous avons posé la question font le même constat : «le groupe qui rachète Sanofi ne devrait stratégiquement pas toucher au prix du Doliprane, qui est déjà un produit qui s’écoule facilement et n’a besoin d’aucune nouvelle stratégie, si ce n’est éventuellement un changement de packaging».

Outre cette théorie, les interrogations sont nombreuses dans le milieu des pharmaciens : «Le cahier des charges confié à la fabrication du Doliprane deviendra-t-il aussi strict qu’en France ? (Pas de sucre dans le sirop pour enfant par exemple)», «Le nouveau groupe ayant une plus grande force de frappe s’installera-t-il directement au Maroc pour en récupérer la fabrication ?» ou bien encore «Si évolution positive ou négative du prix il y a, comment se mèneront les négociations ? Étant donné qu’en France, c’est la Sécurité Sociale qui a son mot à dire.»

Si les spéculations vont bon train, une chose est sûre : un changement de propriétaire, surtout lorsqu’il s’agit d’un fonds d’investissement, peut induire une réévaluation des coûts de production et des marges de profit. Ce qui pourrait en effet se répercuter sur le consommateur final. Pour les Marocains, habitués à acheter du Doliprane à des prix raisonnables, pour des quantités supérieures à celle de la France (ex : boîte de 10 g – soit 10 comprimés d’1 g contre 8 en France) une hausse de prix serait un coup dur. Le pouvoir d’achat, déjà fragile pour une partie significative de la population, pourrait être davantage affecté si le coût du médicament augmentait, rendant ainsi ce produit de base moins accessible à tous.

Lire aussi : Réduflation : vous en aurez MOINS pour votre argent

Le secteur pharmaceutique marocain est l’un des plus importants en Afrique, où plus de 50% des médicaments consommés localement sont fabriqués au Maroc. Toutefois, la production locale de paracétamol reste limitée, et le Doliprane est en grande partie importé. La vente de la filiale Sanofi pourrait affecter les relations commerciales avec ses partenaires marocains, en particulier si le fonds américain décide de revoir sa stratégie d’exportation ou de production.

Cela pourrait aussi engendrer une réévaluation des partenariats locaux, voire la mise en place de nouvelles conditions contractuelles moins favorables pour les distributeurs marocains. Si le nouvel acquéreur opte pour une rationalisation de ses opérations, cela pourrait même mener à une réduction des effectifs chez les sous-traitants ou les distributeurs au Maroc.

Une opportunité pour l’industrie locale ?

Cependant, cette situation pourrait également être perçue comme une opportunité pour le Maroc. L’industrie pharmaceutique marocaine pourrait, en effet, envisager de combler un éventuel vide laissé par la restructuration de la production du Doliprane en augmentant ses propres capacités de production de paracétamol ou de médicaments génériques. Cela pourrait stimuler la production nationale, créer des emplois et rendre le pays moins dépendant des importations pour ce type de médicament courant.

En misant sur l’innovation et en augmentant la capacité de production locale, le Maroc pourrait à long terme réduire sa dépendance vis-à-vis des grands groupes pharmaceutiques internationaux. Une telle dynamique renforcerait également sa position en tant que hub pharmaceutique régional, notamment en exportant vers d’autres pays africains.

Comme en France, la question de la souveraineté sanitaire se pose également au Maroc. La crise sanitaire liée à la Covid-19 a mis en lumière la vulnérabilité des pays dépendant des importations pour leurs médicaments essentiels. Si des changements importants affectent la production et la distribution du Doliprane à la suite de cette vente, le Maroc pourrait être contraint de repenser ses stratégies d’approvisionnement pour garantir que sa population continue d’avoir accès à des médicaments vitaux, à des prix abordables.

Le défi pour les autorités marocaines sera de s’assurer que ces bouleversements internationaux n’affectent pas l’accès des citoyens aux médicaments. Un renforcement de la production locale et un soutien aux initiatives visant à développer des alternatives locales au Doliprane seraient des pistes à envisager pour anticiper les impacts potentiels de cette vente.

Dernier articles
Les articles les plus lu
Marhaba, MRE et les billets qui font tourner l’été

Économie - Il faut faire en sorte que les MRE ne se sentent pas seulement « bons à envoyer de l’argent » mais aussi « capables de bâtir ici ».

Sabrina El Faiz - 16 août 2025
Le dirham a gagné 1,3% face au dollar américain entre juin et juillet 2025

Économie -Le dirham s’est apprécié de 1,3% face au dollar et reculé de 0,2% face à l’euro entre juin et juillet 2025, selon Bank Al-Maghrib.

Mbaye Gueye - 15 août 2025
Tourisme : hausse des nuitées dans les EHTC au premier semestre 2025

Économie -Le tourisme au Maroc poursuit sa dynamique en 2025 : les nuitées dans les EHTC ont augmenté de 13% au premier semestre.

Mbaye Gueye - 15 août 2025
Pêche côtière et artisanale : 6,14 MMDH à fin juillet 2025

Économie - Les débarquements de pêche côtière et artisanale ont généré 6,14 MMDH à fin juillet 2025, en légère baisse annuelle.

Ilyasse Rhamir - 15 août 2025
Fruits et légumes : bilan hebdomadaire des prix au marché de gros

Tomates en hausse, pastèques en chute : le marché de gros se montre contrasté cette semaine.

Mouna Aghlal - 15 août 2025
Moulay Yaacoub : 165 projets financés pour l’inclusion des jeunes

Économie - À Moulay Yaacoub, 165 projets ont vu le jour entre 2019 et 2025 grâce à l’INDH, générant plus de 500 emplois.

Ilyasse Rhamir - 15 août 2025
Voir plus
Visa Schengen : le cauchemar européen à prix d’or

Dossier - Entre les délais interminables, les coûts exorbitants et les parcours semés d’embûches, obtenir un visa Schengen c’est devenu…

Sabrina El Faiz - 26 juillet 2025
Coût, impact… tout savoir sur la nouvelle LGV Kénitra-Marrakech

Économie - Le Maroc lance l’extension de sa LGV vers Marrakech, un projet structurant qui transformera durablement la mobilité, l’économie et la connectivité entre les grandes villes.

Hajar Toufik - 25 avril 2025
Où en est l’avancement du gazoduc Nigeria-Maroc ?

Économie - Le projet de gazoduc Nigeria-Maroc progresse : 13 pays engagés, signature intergouvernementale à venir et lancement d’un premier tronçon entre Nador et Dakhla.

Hajar Toufik - 14 juillet 2025
BTP : le Maroc bétonne ses règles

Dossier - Pas d’attestation, pas de chantier. C’est simple, non ? Pas de couverture décennale, pas de livraison. N'y réfléchissons pas trop !

Sabrina El Faiz - 19 juillet 2025
Ces Marocains qui s’endettent pour les vacances

L’endettement pour les vacances est devenu, chez beaucoup, une évidence presque banale. On ne s’en vante pas forcément, mais on ne s’en cache plus.

Sabrina El Faiz - 2 août 2025
Télécoms : en route vers un duopole ?

Dossier - Un accord entre Télécoms c’est toujours bon à prendre, mais qu’est-ce que cela engendre pour le consommateur final ?

Sabrina El Faiz - 28 juin 2025

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée Champs requis marqués avec *

Poster commentaire