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Islam : la France, tu l’aimes mais tu la quittes

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Regards de travers, paroles racistes, agressions… Ce sont des milliers de personnes qui déclarent être de confession musulmane en France, mais qui ne supportent pas forcément d’y vivre dans ces conditions, de plus en plus conservatrices. Vivant dans la pression omniprésente, le problème se pose davantage aux personnes qui affichent leur religion via leur style vestimentaire, ou autre.

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La France c’est liberté, égalité, fraternité… laïcité… enfin parfois, et encore, ça dépend pour qui. La première trinité est entonnée fièrement par les Français depuis plus de deux siècles. La dernière, accueillie dans un contexte de melting pot culturel, resservie à toutes les sauces, ne passe pas forcément.

Commençons par définir le mot laïcité. « En droit, la laïcité est le principe de séparation dans l’État de la société civile et de la société religieuse et d’impartialité ou de neutralité de l’État à l’égard des confessions religieuses » … « Le Conseil de l’Europe exhorte quant à lui ses États membres à refuser le relativisme culturel et rappelle la primauté de la séparation des Églises et de l’État et des droits de l’Homme. Il les exhorte notamment à veiller à ce que la liberté de religion ne soit pas acceptée comme un prétexte à la justification des violations des droits des femmes et condamne toute coutume ou politique fondée sur ou attribuée à la religion qui irait à son encontre, citant les mariages forcés, les mutilations génitales, les oppositions au divorce ou à l’avortement, l’imposition de code vestimentaire aux mineures ».

C’est allant de ce dernier postulat, concernant le code vestimentaire, que les Français se font ‘’fervents’’ défenseurs du droit à la laïcité. Les personnes de confession musulmane sont de plus en plus victimes d’agressions verbales et physiques. En décembre 2015, une jeune femme a porté plainte à Toulouse pour avoir été traitée de ‘’terroriste’’, et avoir reçu un coup de pied dans le bas du dos. En avril 2022, une autre femme voilée a été agressée par un homme d’une quarantaine d’années, à Montpellier.

Plus proche dans les dates, une influenceuse voilée, Fatima Saidi, a reçu deux crachats sur son foulard de la part d’un joggeur : « Le fait qu’il m’ait craché dessus deux fois, même devant la caméra, montre comment il ne craint rien parce qu’il sait qu’il n’y aura pas de conséquences pour lui. Nous sommes deux filles impuissantes qu’il a décidé de harceler en raison de la façon dont nous avons choisi de nous habiller », déclare-t-elle.

 

Lire aussi : Espagne : un député de Vox s’en prend à une collègue musulmane

La France, on la quitte

Si nous parlons souvent des femmes voilées, nous oublions les hommes musulmans. Amine, vivant au Havre depuis plus de deux ans, pense à revenir au Maroc, dès qu’il en aura l’occasion : « La première fois, j’ai subi une remarque que je pensais innocente, on m’a demandé quand est-ce que je ramènerais du couscous. Par la suite, j’ai reçu plusieurs remarques de mes collègues français, me demandant si je faisais le Ramadan, de manière agressive, si j’allais faire la prière en plein milieu du bureau, les empêchant d’y entrer… je n’ai jamais pensé à faire ma prière au bureau ! », déclare-t-il à Le Brief.

A ce sujet, les chercheurs Olivier Esteves (chargé de recherches au CNRS), Alice Picard (chercheuse en sciences économiques et sociales) et Julien Talpin (professeur à l’université de Lille et spécialiste de l’islam), ont sorti un livre, vendredi 26 avril 2024, La France, tu l’aimes mais tu la quittes.

Leur enquête se base sur un échantillon de 1.000 personnes et 140 entretiens approfondis, sur les Français de confession musulmane, décidant de quitter le pays, en raison de leur religion. 53% de ce panel a au moins un bac+5. Nous parlons donc d’une population instruite, qui décide de quitter le pays pour de nombreuses raisons : stigmatisation, agression, manque d’opportunités professionnelles (surtout pour les postes à hautes responsabilités), incapacité à louer un appartement (refus de leur dossier) …

« J’ai un master en management, obtenu à Sydney, je parle arabe, français, anglais, espagnol et un peu berbère. Malgré tout ça, mon profil n’est jamais pris au sérieux pour les postes que j’estime mériter. J’ai même l’impression que les Français me détestent d’avoir autant de skills. Parfois, ils me montrent bien qu’ils ne me croient pas face à mon CV, d’autres fois, ils ne daignent même pas me donner de l’intérêt », explique Hind, habitante de Toulouse à Le Brief.

Lire aussi : Une femme retire son voile face à Zemmour

Un lointain chemin

Selon le livre, les Français de confession musulmane visent des villes comme Londres, Dubaï, New York, Casablanca, Montréal, ou encore Istanbul, où Islam et laïcité font bon ménage. C’est le cas, notamment de Issam, qui a quitté la France, il y a plus de quatre ans, pour le Canada : « La vie est dure ici, mais il y a une forte communauté marocaine, et une ouverture d’esprit que je n’ai pas trouvé en France, lors de mes études. J’en subi encore les conséquences. Dès que j’entends qu’un lieu culte a été attaqué, n’importe où dans le monde, je me dis on va encore nous pointer du doigt ».

Même son de cloche du côté de Zineb*, qui après près de cinq ans passés en France, entre Lille et Paris, ne patiente ces derniers mois que dans l’objectif d’obtenir la nationalité française, avant de tracer son chemin : « Je prépare mon départ depuis tellement longtemps que parfois je me demande s’il se fera réellement. Je compte aller en Suède, j’ai déjà trouvé un travail à distance avec une multinationale, je n’attends que ma nationalité pour pouvoir voyager à ma guise. Mais je ne pense pas remettre les pieds ici ».

A tous, s’est posée la question du Maroc. A notre grande surprise, la plupart de nos témoins ne sont pas près de faire le grand voyage de retour. Première raison citée : le salaire. Ils estiment les salaires trop bas au Maroc. Trois d’entre eux préfèreraient économiser avant d’entrer, afin d’acheter un bien immobilier, ou vivre plus aisément.

Toutefois, la Suède, le Canada, ou encore l’Australie ont des salaires qui correspondent au niveau de vie et surtout à la cherté de la vie sur place. Quand la fameuse question de l’épargne leur est posée, elle est encore en suspens, et demeure, pour le moment, en projet. Ce n’est pas donc demain que tous nos compatriotes rentreront.

*Pour des raisons de confidentialité, les prénoms ont été modifiés.

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