Inégalités au Maroc : une équité encore à construire
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Dans une région secouée par les crises économiques, les conflits et le changement climatique, les inégalités se creusent, touchant les plus vulnérables. Le Maroc, bien que considéré comme un des pays les plus stables et dynamiques d’Afrique du Nord, n’échappe pas à cette réalité.
Selon le rapport 2025 de la CESAO (Commission économique et sociale pour l’Asie occidentale), les politiques de protection sociale marocaines ont connu des évolutions importantes, notamment dans le domaine de la santé. Mais leur impact reste limité face à une pauvreté structurelle, à une forte informalité et à un accès inégal aux services de base. Le Maroc est ainsi emblématique des défis que rencontrent les pays arabes de revenu intermédiaire dans leur quête d’un développement plus équitable.
Une protection sociale en mutation
Au Maroc, les réformes récentes ont visé à élargir la couverture santé et à améliorer l’accès aux services sociaux. L’adoption de la loi 09/21, qui encadre la généralisation de la protection sociale, constitue un tournant. D’ici à 2025, cette réforme vise à couvrir tous les Marocains, notamment à travers l’assurance maladie obligatoire (AMO), les allocations familiales et les pensions de retraite. Le rapport de la CESAO souligne les progrès réalisés : la couverture santé est passée de 38% en 2018 à plus de 70% en 2023. Les dépenses publiques en santé ont également augmenté, traduisant une volonté politique claire.
Mais cette dynamique reste entravée par plusieurs obstacles structurels. Le système de protection sociale demeure morcelé, avec des dispositifs fragmentés selon les professions ou statuts (fonctionnaires, salariés du privé, indépendants). La transition vers un régime unifié reste lente, et les effets redistributifs sont limités. Selon le Social Protection Comprehensiveness Index (SPCI), mis en place par la CESAO, le Maroc obtient un score modéré de 0,56 en 2023, loin derrière des pays comme l’Algérie (0,80) ou la Tunisie (0,76), qui ont mis en place des systèmes plus intégrés.
L’informalité : talon d’Achille de la redistribution
Le Maroc est confronté à un défi majeur : celui de l’informalité. Près de 80% des actifs ne cotisent à aucun régime de retraite. Les secteurs agricole, artisanal, domestique ou du petit commerce sont largement informels. Cette réalité prive une grande partie de la population d’une couverture sociale efficace, en particulier les femmes, les jeunes et les habitants des zones rurales.
L’informalité aggrave les inégalités en limitant l’accès à des droits fondamentaux comme la santé, la retraite ou les allocations familiales. Elle alimente aussi la vulnérabilité face aux chocs économiques ou sanitaires, comme l’a montré la pandémie de COVID-19. Bien que des mesures aient été prises pour intégrer les travailleurs indépendants (artisans, commerçants, agriculteurs…) dans les régimes contributifs, leur mise en œuvre reste inégale et souvent retardée.
De plus, les travailleurs informels se situent souvent dans une « zone grise » : ils ne sont ni assez pauvres pour bénéficier de l’assistance ciblée, ni assez intégrés pour accéder à l’assurance sociale. Ce phénomène du « chaînon manquant », décrit dans le rapport de la CESAO, est particulièrement visible au Maroc.
Des finances publiques sous pression
Les réformes sociales marocaines sont aussi limitées par la contrainte budgétaire. Si le pays a réduit ses subventions sur les produits de base (carburants, sucre, farine), il n’a pas compensé cette baisse par une hausse significative des transferts directs. Selon les données du rapport, les dépenses consacrées aux transferts monétaires ne représentent qu’une faible part du PIB (moins de 1%), bien en deçà des besoins.
Le système fiscal reste peu redistributif. Le Maroc, comme d’autres pays arabes, repose largement sur les impôts indirects (TVA, accises) qui pèsent davantage sur les ménages modestes. Les impôts directs, notamment l’impôt sur le revenu et sur les sociétés, sont moins développés et moins progressifs. La CESAO souligne que cette architecture fiscale freine les effets redistributifs des politiques sociales, voire les annule.
Par ailleurs, les caisses de retraite font face à un déséquilibre croissant. Le nombre de cotisants par retraité diminue, mettant en péril la viabilité du système. Cela pose la question d’une réforme plus globale du financement de la protection sociale, fondée sur des principes de mutualisation et de solidarité.
Des avancées, mais des inégalités persistantes
Malgré les réformes, les inégalités sociales et territoriales persistent. Le rapport note que les taux de pauvreté, de chômage et d’accès aux services varient fortement selon les régions. Les provinces du sud et de l’Atlas accusent un retard significatif par rapport aux zones urbaines du nord. L’accès à l’éducation et aux soins de qualité reste inégalement réparti.
De plus, certaines populations restent exclues ou insuffisamment protégées : personnes handicapées, mères célibataires, personnes âgées isolées. La question du genre est également centrale : les femmes marocaines participent moins au marché du travail, touchent des salaires inférieurs, et ont un accès plus restreint aux régimes de retraite. Les prestations de maternité ou les crèches sont encore trop rares, ce qui freine l’autonomisation économique des femmes.
Lire aussi : Emploi, chômage, sous-emploi… Ce qu’il faut retenir de la note du HCP
Le rapport de la CESAO propose plusieurs pistes pour renforcer l’impact des politiques sociales au Maroc :
• Unification des régimes de protection sociale dans un cadre cohérent.
• Subventions croisées entre les différents niveaux de revenus.
• Augmentation de la fiscalité progressive.
• Extension de la couverture aux travailleurs informels via des mécanismes incitatifs et solidaires.
• Renforcement de la qualité des services publics.
Le Maroc a engagé des réformes sociales ambitieuses, mais leur potentiel redistributif reste entravé par l’informalité, des finances publiques contraintes et une fiscalité peu équitable. Le rapport de la CESAO invite à penser une politique de protection sociale fondée sur la justice sociale, l’universalité des droits et une meilleure solidarité entre les catégories sociales. Sans une approche globale, les promesses de réduction des inégalités risquent de rester lettre morte.
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