« GenZ 212 » dévoile son dossier revendicatif pour refonder le contrat social
Un jeune participant aux manifestations de la GenZ 212 à Casablanca tient une pancarte proclamant son engagement pour une action pacifique contre la corruption.
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Le mouvement « GenZ 212 », qui revendique une communauté de plus de 200.000 jeunes Marocains sur Discord, a publié hier un document intitulé « Dossier revendicatif de la jeunesse marocaine ». Loin d’un manifeste de rupture, ce texte se présente comme un appel à l’action et à la responsabilité partagée entre l’État et la jeunesse.
« Nous ne nous présentons pas comme une catégorie marginalisée ou en colère, mais comme une force vivante et constructive », affirme le texte, qui s’appuie largement sur la Constitution de 2011 et les orientations royales pour légitimer ses propositions. « GenZ 212 » y affirme sa fidélité aux fondements du Royaume (Islam modéré, l’unité nationale et la monarchie constitutionnelle) tout en réclamant l’application « effective » des droits et principes déjà consacrés.
Le document appelle à combler le fossé entre « le Maroc promis par les textes » et « le Maroc vécu au quotidien », dans un contexte où la défiance envers les institutions, selon ses auteurs, n’a jamais été aussi forte.
La confiance en crise : un diagnostic partagé
La première partie du dossier se penche sur ce que le mouvement qualifie d’« écart structurel entre les promesses et les résultats ». Citant des données issues du Haut-Commissariat au Plan, de la Cour des comptes ou de l’Instance nationale de la probité, les jeunes de « GenZ 212 » décrivent une situation de défiance institutionnelle profonde.
Selon leurs références, seuls 5% des jeunes feraient confiance aux partis politiques, et moins d’un sur cinq exprimerait une confiance réelle envers le gouvernement.
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Le texte établit un lien direct entre cette crise de confiance et un « déficit d’exécution » dans la mise en œuvre des politiques publiques. « L’État dispose d’une vision ambitieuse et d’un arsenal juridique avancé, mais échoue à transformer ces intentions en résultats concrets », écrivent les auteurs, reprenant les constats formulés par plusieurs rapports officiels.
Les références au Rapport du Cinquantenaire, au Nouveau modèle de développement et aux bilans de la Cour des comptes reviennent comme autant de preuves d’un consensus autour des limites du modèle actuel : inégalités persistantes, gouvernance fragmentée et faible efficacité de l’action publique.
Une économie en panne et un emploi en crise
Les rédacteurs du dossier accordent une place importante à la question de l’emploi, considérée comme le principal indicateur du malaise générationnel.
S’appuyant sur les chiffres de 2024, ils soulignent que le chômage touche 36,7% des jeunes de 15 à 24 ans et 21% de ceux âgés de 25 à 34 ans. Plus encore, les diplômés de la formation professionnelle, censés incarner la solution, sont parmi les plus touchés, avec un taux avoisinant les 24%.
Cette situation, selon le document, ne découle pas seulement du manque d’investissement, mais d’un modèle économique « peu productif, faiblement diversifié et déconnecté des besoins réels du marché ».
« GenZ 212 » plaide pour une reconversion stratégique de l’économie vers les secteurs à forte valeur ajoutée (technologies, économie verte, industries créatives) et la création d’un cadre législatif national pour l’entrepreneuriat des jeunes, garantissant un accès simplifié au financement, à l’accompagnement et à la protection juridique.
L’organisation propose également une réforme du Code du travail afin d’assurer une meilleure sécurité professionnelle aux jeunes employés, tout en favorisant la formalisation du travail indépendant et de l’économie numérique, secteurs en pleine expansion mais encore peu encadrés.
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Santé publique : le droit à la dignité
Sur le plan social, la question de la santé occupe une place centrale. Le dossier rappelle que 8,5 millions de Marocains resteraient encore hors du champ de la couverture médicale effective, malgré les réformes engagées dans le cadre de la généralisation de la protection sociale.
Le mouvement dénonce un système « malade de ses déséquilibres territoriaux et de sa gouvernance défaillante », citant les rapports du Conseil économique, social et environnemental et de la Cour des comptes.
Les revendications principales s’articulent autour de quatre axes :
• Une réforme de la gouvernance hospitalière.
• Un plan d’urgence pour la formation et le maintien des cadres médicaux.
• Une hausse du budget de la santé publique à des niveaux recommandés par les instances internationales.
• Une refonte de la tarification nationale de référence pour alléger le reste à charge des citoyens.
La santé mentale, souvent absente du débat public, fait l’objet d’une mention explicite. Le texte relève que le Maroc ne dispose que de 6,8 lits pour 100.000 habitants dans les structures psychiatriques, bien en deçà des standards de l’OMS.
Éducation : une « révolution » nécessaire
Autre pilier du dossier : l’éducation.
Le mouvement estime que l’école publique « n’a pas encore réalisé la promesse du droit à l’égalité des chances ». Citant la lenteur de la mise en œuvre de la loi-cadre 51.17, il plaide pour une transformation en profondeur du système éducatif, qualifiée de « révolution éducative ».
Les revendications portent notamment sur :
• La mise en œuvre intégrale et financée de la loi-cadre 51.17.
• La refonte des programmes autour des compétences critiques et numériques.
• L’amélioration du statut matériel et social des enseignants.
• La création d’un pacte national pour l’enseignement supérieur, fondé sur la concertation entre étudiants, professeurs et experts.
Le texte met en garde contre « la dérive de la privatisation » et appelle à renforcer l’école publique comme « moteur de la cohésion sociale et de la mobilité ascendante ».
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Corruption et gouvernance : « l’autre urgence »
Pour « GenZ 212 », aucune réforme économique ou sociale ne peut aboutir sans un sursaut dans la lutte contre la corruption.
Le document reprend les conclusions du rapport 2023 de l’Instance nationale de la probité, qui qualifie la corruption de « réalité structurelle ».
Les jeunes marocains jugent insuffisante la stratégie actuelle, dénonçant un manque de coordination entre administrations et « l’absence d’une volonté politique claire ».
Ils appellent à :
• Garantir l’indépendance totale de la Cour des comptes et de l’Instance de la probité.
• Instaurer un système numérique transparent des marchés publics.
• Renforcer les mécanismes de contrôle interne et les pouvoirs de l’inspection judiciaire.
• Rétablir le projet de loi sur l’enrichissement illicite, retiré du circuit législatif.
Le mouvement réclame aussi une extension du régime de déclaration de patrimoine à « tous les hauts responsables de l’État », avec publication publique des synthèses.
Libertés publiques : pour un retour à l’esprit du 2011
Le dernier volet du dossier est consacré à la protection des droits et libertés.
Faisant référence aux manifestations du 27 septembre 2025, le texte dénonce « un glissement sécuritaire inquiétant » dans la gestion des mobilisations pacifiques. Des ONG locales et internationales y auraient documenté un usage excessif de la force et des arrestations jugées arbitraires.
Les revendications formulées sont nettes :
• Ouverture d’enquêtes judiciaires indépendantes sur les incidents récents.
• Libération de tous les détenus poursuivis pour participation à des manifestations pacifiques.
• Engagement clair du gouvernement à garantir la liberté d’expression et de presse, considérées comme « leviers essentiels de la transparence et de la confiance ».
Le mouvement inscrit ces demandes dans une logique de fidélité à la Constitution, notamment à son article 29, qui consacre la liberté de réunion et de manifestation pacifique.
Une exigence de responsabilité politique
Le « dossier revendicatif de la jeunesse marocaine » ne se contente pas d’énumérer des réformes. Il conclut par une lecture institutionnelle du principe de responsabilité.
Les auteurs estiment que les constats des institutions de contrôle (Cour des comptes, Haut-Commissariat au Plan, Instance nationale de la probité) constituent une preuve de l’échec global des politiques publiques actuelles.
Pour eux, la logique du « lien entre responsabilité et reddition des comptes », inscrite dans le premier article de la Constitution, impose une conséquence claire : la démission du gouvernement.
Une demande que le texte qualifie non pas de slogan, mais de « condition nécessaire à la restauration de la confiance et à l’application effective du contrat constitutionnel ».
Vers un nouvel élan civique
En conclusion, « GenZ 212 » présente ce dossier non comme une fin en soi, mais comme un « acte fondateur d’un engagement collectif ». Le texte se clôt sur un ton résolument civique :
« Cette feuille de route est une contribution constructive à la refondation nationale. Elle ouvre un nouveau chapitre de citoyenneté active et vigilante. »
Le mouvement y voit un appel à la jeunesse pour « reconstruire la confiance à partir du terrain », et un appel à l’État pour « faire preuve de la même audace que celle qu’il a exigée lors de la refonte du modèle de développement ».
Sans rompre avec le cadre institutionnel, le « Dossier revendicatif de la jeunesse marocaine » exprime une demande de refondation démocratique et sociale.
Il traduit le passage d’une génération connectée et consciente, de la contestation spontanée à la formulation politique.
À travers ce document, « GenZ 212 » se pose en acteur collectif d’un débat national sur la justice sociale, la transparence et la dignité, tout en revendiquant une fidélité à l’esprit de 2011 : celui d’un Maroc qui se construit avec sa jeunesse, et non à côté d’elle.
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