Forte baisse du nombre de visas Schengen délivrés aux Marocains

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Visa : la FNAC exige des remboursements pour les assurances voyage en cas de refusVisa Schengen © DR

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Pour motif professionnel ou touristique, l’obtention de visa Schengen est désormais presque impossible. La procédure est devenue complexe et souvent lente avec un taux de refus extrêmement élevé. Depuis plusieurs mois, les Marocains souhaitant des visas pour se rendre en Europe font face à beaucoup d’obstacles. Le point avec Abdelghani Youmni, conseiller à l’assemblée des Français de l’étranger.

Le durcissement d’octroi du visa Schengen freine les voyageurs marocains souhaitant passer des vacances en Europe. C’est un véritable parcours du combattant auquel sont confrontés les demandeurs, à commencer par la prise du rendez-vous sur les sites à la validation du dossier. Une procédure qui dure plus de temps que prévu. Plusieurs personnes ont d’ailleurs dû faire face à des refus, parfois injustifiés. En réaction, certains se sont tournés vers la Turquie.

Que disent les chiffres ?

En début d’année, le gouvernement français a annoncé la réduction des visas pour les pays comme le Maroc, la Tunisie et l’Algérie. Une décision qui avait fait couler beaucoup d’encre, accentuant la colère des citoyens du Maghreb. Mais malgré une politique d’immigration de plus en plus dure à l’égard des pays africains, le passeport marocain garde la côte dans l’espace Schengen. En 2021, le Maroc a figuré à la cinquième position des pays les plus demandeurs, avec 157.100 demandes de visa Schengen, contre 705.293 demandes déposées en 2019.

Pour le classement des pays, l’Espagne est en tête de liste des demandes de visas déposées par les Marocains avec plus de la moitié des demandes (84.499 demandes), suivie de la France (58.310). Le reste concerne d’autres pays tels que la Belgique (1.991), l’Allemagne (794), l’Italie (4.266), les Pays-Bas (4.811) ainsi que d’autres pays d’Europe de l’Est.

Selon les données révélées par Schengen Visa Info, sur les 157.100 demandes, 39.520 ont été rejetées, soit un taux de refus de 27,6%, ce qui est bien supérieur au taux de rejet mondial moyen des demandes Schengen (13,5 %).

En outre, les pays qui accusent le plus de rejet de ces demandes sont la Finlande (69 %), l’Italie (37 %), la France (35 %), la Belgique et la Suède (31 %), puis l’Allemagne (23,5 %) et les Pays-Bas (23 %).

Comment alors expliquer ces chiffres, en particulier ceux qui concernent la France ?

Abdelghani Youmni, conseiller à l’assemblée des Français de l’étranger, précise que le nombre de refus est dû à la décision annoncée par l’ancien porte-parole du gouvernement français en octobre 2021, qui reste surprenante. «Les demandes ont fortement baissé à cause de la pandémie. Mais le problème figure dans les rejets des dossiers de certains Marocains de classe moyenne, comme les médecins, les ingénieurs, les professeurs-chercheurs et les entrepreneurs qui travaillent en clusters économiques dans des écosystèmes français pour des intrants, de la sous-traitance ou de la production de services ou de biens manufacturés. Les visas doivent continuer à être délivrés normalement à ces gens, en plus des étudiants, des personnes malades, des ascendants de Français, de parents d’enfants mineurs qui seront étudiants dans le supérieur ou encore les entrepreneurs. La relation exceptionnelle entre les deux pays n’est pas dictée par la circonstance, mais par l’histoire et par le destin lié et le voisinage euro-méditerranéen et de plus en plus euro-africain, dont le Maroc est de plus en plus le principal leader», affirme-t-il dans un entretien avec LeBrief.

«Les autorités françaises doivent comprendre que le Maroc a changé socialement, économiquement et démographiquement. Il faut différencier entre les demandes de visa de haute utilité et les filières clandestines qui n’utilisent plus les voies et les circuits officiels. Il ne faut pas confondre migration et visas de court séjour, surtout que la procédure est devenue très stricte, sans oublier la relation d’exception qui lie Rabat à Paris et qui doit être approfondie des deux parties. C’est un des défis à venir de la région», poursuit-il.

Lire aussi: Schengen : les Marocains bannis des visas français ?

Le calvaire continue

Pour avoir un visa Schengen, il faudra d’abord trouver un rendez-vous sur les plateformes mises en place, comme TLS Contact pour les visas France et Italie ou encore BLS International pour les visas Espagne. Cette démarche, qui était auparavant simple et efficace, s’est rapidement transformée en un business juteux.

La difficulté d’obtenir un rendez-vous pour déposer la demande de visa est principalement due aux intermédiaires. Ces derniers se sont trouvés un nouveau métier, qui consiste à réserver tous les créneaux disponibles dans les plateformes en ligne pour les vendre plus tard à des montants atteignant les 1.000 DH, voire plus pendant la haute saison.

Bien souvent, ces intermédiaires, basés dans plusieurs villes du Maroc, profitent de cette forte demande de visas, transformant leur service en escroquerie. La plupart d’entre eux ne sont disponibles que sur Whatsapp, où ils demandent le paiement à l’avance et une copie de la première page du passeport. Mais dès réception de l’argent, il bloque leurs clients.

Sur ce sujet qui ne cesse d’enflammer les réseaux sociaux, notre interlocuteur s’interroge sur le rôle de ses opérateurs privés. «TLS et BLS sont des opérateurs privés qui travaillent avec des services consulaires et qui ont aujourd’hui accès à toutes les données privées des demandeurs de visas, données d’identités, bancaires, de propriété immobilière et autres. Est-ce qu’en France et en Europe, une chose pareille aurait elle été acceptable ?», fait-il remarquer. Selon lui, la question des données personnelles et des libertés individuelles mérite d’être posée. L’opérateur privé qui offre des prestations de rendez-vous doit-il avoir accès à des informations sensibles sur des citoyens qui font des demandes de visas ?

Lire aussi: Reprise de la délivrance des visas Schengen pour l’Espagne

Interrogé également sur les raisons derrière le traitement trop lent des dossiers, Abdelghani Youmni explique que depuis quelques mois, le traitement est concentré à Casablanca et Rabat. «Pour les visas français, plus aucun dossier n’est traité hors ces deux villes, mais le problème réside dans les ressources humaines qui n’ont pas été suffisamment augmentées. La France compte moins de 2.500 cadres consulaires pour l’ensemble des ambassades et des consulats français dans le monde. À se demander si le digital et les plateformes en ligne pourront substituer au corps diplomatique qu’on voudrait supprimer et au contact humain qui permettait avant de prendre les bonnes décisions sur l’évaluation du demandeur de visa par la voie de l’entretien. Cela explique le retard dans les livraisons et le recul des prestations dans les postes diplomatiques, pas seulement pour les visas, mais pour tous les services publics consulaires mis à la disposition des Français de l’étranger», souligne-t-il.

Enfin, le spécialiste des politiques publiques suggère un retour à des visas de longues périodes pour les personnes qui disposent de ressources et de garanties suffisantes pour alléger les services des visas. Les séjours moins longs serviront dans d’autres cas à absorber le sentiment de rejet qui pourrait être légitime dans certaines situations. Et enfin, retrouver la sérénité, le respect mutuel et la complicité positive, qui ont toujours été la marque de fabrique des relations franco-marocaine.

En attendant, certains voyagistes, désireux de faire du tourisme ou du shopping, ont opté pour la destination Turquie, devenue très courante ces dernières années, surtout chez la classe moyenne marocaine.

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