Foncier agricole : comment 665 hectares publics façonnent-ils la campagne marocaine ?

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Foncier agricole : comment 665 hectares publics façonnent-ils la campagne marocaine ?Image d'illustration © DR

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Le foncier agricole continue d’être un levier stratégique pour stimuler l’investissement et l’emploi en milieu rural. Au premier semestre 2025, l’État a mobilisé plus de 665 hectares de son domaine privé pour soutenir des projets productifs, majoritairement orientés vers l’oléiculture, confirmant la centralité de cette filière dans la transition agricole nationale.

Selon le rapport 2025 sur le foncier public mobilisé pour l’investissement, publié par la Direction des Domaines de l’État, le secteur agricole confirme son rôle central dans la stratégie nationale d’aménagement et de développement territorial. Au premier semestre 2025, 665 hectares issus du domaine privé de l’État ont été attribués à 17 projets agricoles, pour un investissement global de 96 millions de dirhams et la création prévue de près de 400 emplois.

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Cette opération s’inscrit dans la continuité de la stratégie « Génération Green 2020-2030 », qui ambitionne de moderniser les filières agricoles, d’attirer l’investissement privé et d’encourager une gestion rationnelle des terres domaniales. La mise à disposition du foncier public par le biais de baux de longue durée (de 17 à 40 ans selon les projets) permet aux investisseurs de sécuriser leurs activités, tout en soutenant la création de valeur ajoutée locale.

Des dynamiques régionales contrastées mais complémentaires

La répartition régionale des projets révèle la diversité des dynamiques agricoles du Royaume.
La région Fès-Meknès arrive en tête, avec six conventions portant sur plus de 334 hectares, représentant un investissement de 34,5 millions de dirhams et la création de 182 emplois. Elle est suivie de Rabat-Salé-Kénitra, également dotée de six projets sur 183 hectares, pour 27,5 millions de dirhams et 59 postes.

La région de Béni Mellal-Khénifra a enregistré quatre conventions sur 106 hectares, pour 5,4 millions de dirhams d’investissement et 29 emplois à la clé. Enfin, Laâyoune-Sakia El Hamra se distingue par un projet unique, mais de taille, sur 30 hectares, avec un investissement de 28,6 millions de dirhams et 116 emplois créés.

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Ces chiffres traduisent la volonté de répartir les efforts d’investissement sur l’ensemble du territoire, tout en tenant compte des potentialités naturelles et économiques propres à chaque région. Fès-Meknès et Rabat-Salé-Kénitra, par leur densité agricole et leur expertise en cultures pérennes, concentrent près de 80% de la superficie mobilisée. À l’inverse, l’investissement dans les régions du Sud vise à stimuler l’emploi et à encourager une diversification agricole adaptée au climat aride.

L’oléiculture, moteur de la mobilisation foncière

La filière oléicole ressort comme la grande bénéficiaire de cette mobilisation. Elle capte près de 90% de la superficie totale attribuée dans le cadre du partenariat agricole. Au premier semestre 2025, 598 hectares ont été mis à disposition de neuf projets dédiés à la production et à la transformation de l’huile d’olive, pour un investissement supérieur à 59 millions de dirhams et la création de 250 emplois.

Cette orientation n’est pas anodine : l’oléiculture incarne à la fois une culture traditionnelle et un vecteur d’innovation agroalimentaire. Outre son poids économique, elle participe à la résilience climatique grâce à sa faible consommation en eau et à son rôle dans la préservation des sols. Les régions de Fès-Meknès et de Rabat-Salé-Kénitra concentrent à elles seules environ 80% de la superficie mobilisée pour cette filière, confirmant leur position de pôles oléicoles nationaux.

Foncier public : pari gagnant pour la relance économique ?

La prédominance de l’oléiculture illustre la stratégie de valorisation de filières à forte valeur ajoutée, capables de soutenir la transformation locale et l’exportation. En parallèle, des parts marginales du foncier mobilisé ont été affectées à d’autres activités agricoles comme le maraîchage, la production animale, l’apiculture ou encore les rosacées fruitières, contribuant à une diversification progressive de l’agriculture nationale.

Des effets tangibles sur l’investissement et l’emploi rural

Le programme de partenariat agricole ne se limite pas à une simple allocation de terrains. Il s’inscrit dans une logique d’accompagnement structurel des territoires ruraux. Les investisseurs bénéficient d’un encadrement technique et institutionnel assuré par la Commission Interministérielle Technique, qui regroupe la DDE, le Ministère de l’Agriculture, la Direction des Affaires Rurales et l’Agence pour le Développement Agricole (ADA).

Cette gouvernance intégrée vise à garantir la transparence des appels d’offres et la viabilité économique des projets. Les petites exploitations ne sont pas en reste : des appels d’offres régionaux, dédiés aux parcelles inférieures à cinq hectares en irrigué ou dix en bour, permettent aux petits agriculteurs d’accéder à des baux de 17 ans renouvelables. Ce dispositif favorise leur inclusion dans la dynamique d’investissement, tout en leur ouvrant l’accès aux subventions du Fonds de Développement Agricole.

À travers ces mécanismes, le partenariat agricole contribue à stabiliser les revenus, moderniser les pratiques agricoles et freiner l’exode rural. Les 386 emplois prévus pour 2025 ne représentent qu’une partie des retombées économiques indirectes attendues : développement de services agricoles, transformation agroalimentaire et logistique rurale.

L’agriculture familiale au cœur du monde rural

Un modèle de partenariat à renforcer

La mobilisation du foncier en appui au secteur agricole s’impose désormais comme un modèle reproductible de coopération entre l’État et le secteur privé. Les résultats du premier semestre 2025 confirment la pertinence de cette approche : un investissement moyen de 145.000 dirhams par hectare, une répartition géographique équilibrée et une priorité donnée aux filières durables.

Cependant, plusieurs défis demeurent : la valorisation effective des terrains attribués, le suivi post-projet et la mise en cohérence avec les politiques régionales d’eau et d’énergie. Le renforcement du contrôle et de l’évaluation permettra de garantir que chaque hectare mobilisé contribue réellement à la sécurité alimentaire, à la durabilité environnementale et à la prospérité rurale.

En consolidant cette politique de mobilisation du domaine privé de l’État, le Maroc confirme que le foncier public, bien géré et orienté vers l’investissement productif, reste un instrument stratégique de souveraineté et d’équité territoriale.

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