Cryptomonnaies au Maroc : interdites mais inévitables ?

Avatar de Ilyasse Rhamir
Temps de lecture :

Cryptomonnaies au Maroc : interdites mais incontournables ?Image d’illustration. © DR

A
A
A
A
A

Longtemps considérées comme un phénomène de niche, les cryptomonnaies ont progressivement gagné du terrain au Maroc. En l’espace de cinq ans, le nombre de Marocains impliqués dans le trading de ces actifs numériques a bondi de 60%, atteignant environ 6 millions de détenteurs en 2024. Et ce, malgré l’interdiction officielle, encore présente pour l’instant, qui pèse sur leur usage dans le pays. Quels sont les moteurs de cette adoption croissante ? Quels risques et opportunités ces actifs offrent-ils aux investisseurs marocains ?

En 2017, Bank Al-Maghrib (BAM) et l’Autorité marocaine du marché des capitaux (AMMC) publiaient une mise en garde formelle contre l’usage des cryptomonnaies, les qualifiant d’illégales sur le territoire national. Pourtant, malgré cette interdiction, les Marocains n’ont cessé de se tourner vers ces actifs numériques. En cinq ans, le pays a enregistré une augmentation de 60% du nombre de détenteurs de cryptomonnaies, passant de 3,6 millions en 2019 à environ 6 millions en 2024.

Cette adoption massive place le Maroc parmi les pays africains où l’intérêt pour les cryptomonnaies est le plus fort, aux côtés du Nigeria, de l’Égypte et du Kenya. Plusieurs facteurs expliquent cette montée en puissance : la recherche d’alternatives financières, l’essor du e-commerce et la démocratisation des plateformes de trading accessibles via smartphone.

Pourquoi un tel attrait au Maroc ?

Malgré l’absence de cadre légal, plusieurs raisons poussent les Marocains à investir dans les cryptomonnaies :

Un moyen de contourner les restrictions financières

Les transferts d’argent internationaux et les limitations imposées aux paiements en devises étrangères encouragent certains Marocains à utiliser le Bitcoin et d’autres cryptomonnaies comme alternatives aux transactions classiques. Elles offrent une solution pour envoyer et recevoir de l’argent sans passer par les circuits bancaires traditionnels.

Un espoir de gains rapides

Dans un contexte économique incertain, avec une inflation qui grignote le pouvoir d’achat, le trading de cryptomonnaies attire ceux qui cherchent à faire fructifier leur argent rapidement. Certains voient dans le Bitcoin ou l’Ethereum une opportunité d’investissement à fort rendement, malgré la volatilité élevée du marché.

Lire aussi : Cryptomonnaies : le Maroc se prépare à encadrer le marché

L’essor des plateformes d’échange et de trading

Si les banques marocaines interdisent officiellement les transactions en cryptomonnaies, de nombreuses plateformes internationales restent accessibles et permettent aux utilisateurs locaux d’acheter, vendre et échanger des actifs numériques en quelques clics. Binance, Coinbase ou encore Kraken sont autant de passerelles que les investisseurs marocains utilisent quotidiennement.

L’intérêt croissant des jeunes et des indépendants

Avec une population jeune et ultra-connectée, le Maroc compte de nombreux freelances et entrepreneurs du digital qui perçoivent leurs revenus en cryptomonnaies. Les travailleurs du web, notamment dans le secteur du design, du développement et du marketing digital, privilégient ces paiements pour contourner les complications administratives liées aux devises étrangères.

Un cadre légal encore flou

Malgré la croissance exponentielle du nombre d’utilisateurs, le cadre juridique des cryptomonnaies au Maroc reste flou. BAM et l’AMMC maintiennent une posture prudente, rappelant régulièrement que ces actifs restent interdits et ne bénéficient d’aucune protection réglementaire.

Lire aussi : Le Maroc régule les cryptomonnaies et les risques climatiques

Cependant, en 2023, le gouverneur de Bank Al-Maghrib, Abdellatif Jouahri, a confirmé que l’institution travaillait sur un projet de réglementation des cryptomonnaies. L’objectif serait d’encadrer leur usage tout en protégeant les investisseurs contre les risques de volatilité et de fraude. Ce projet inclut également des discussions autour de la création d’un dirham numérique, une monnaie digitale émise par la banque centrale, afin d’offrir une alternative aux cryptos non régulées.

Les risques pour les investisseurs marocains

Si l’intérêt pour les cryptomonnaies ne cesse de croître, il ne faut pas occulter les risques auxquels s’exposent les traders marocains :

Une volatilité extrême : les fluctuations rapides des prix peuvent engendrer des pertes colossales en un temps record.

L’absence de recours légal : en cas d’arnaque ou de piratage, les investisseurs ne peuvent pas se tourner vers la justice marocaine pour récupérer leurs fonds.

Lire aussi : Casablanca : enquête sur du crypto-blanchiment

Les escroqueries et pyramides financières : De nombreux schémas frauduleux se sont développés ces dernières années, promettant des rendements irréalistes aux nouveaux investisseurs.

Les potentielles sanctions bancaires : Certains utilisateurs ont vu leurs comptes bancaires suspendus pour des transactions suspectes liées à l’achat de cryptomonnaies.

Vers une reconnaissance officielle des cryptomonnaies au Maroc ?

Face à l’engouement grandissant, la régulation des cryptomonnaies au Maroc semble inévitable. Plusieurs experts estiment que le gouvernement pourrait s’inspirer de pays comme les Émirats Arabes Unis, qui ont mis en place un cadre légal pour encadrer les transactions tout en protégeant les consommateurs.

Une légalisation contrôlée permettrait notamment :

• De taxer les transactions et d’intégrer les cryptos dans l’économie formelle.

• De lutter contre le blanchiment d’argent et les financements illicites.

Lire aussi : Cryptomonnaie au Maroc : un engouement malgré l’interdiction

• De protéger les investisseurs contre les arnaques.

• D’attirer des acteurs internationaux du secteur de la blockchain et des fintechs.

En attendant, les investisseurs marocains continuent d’opérer dans une zone grise, où l’usage des cryptomonnaies est largement répandu, mais toujours officiellement interdit.

Lire aussi : Cryptomonnaies : le Maroc veut mettre fin au vide juridique

L’adoption des cryptomonnaies au Maroc illustre une tendance mondiale qui ne faiblit pas, malgré un cadre juridique encore incertain. Avec environ 6 millions de détenteurs en 2024, le pays fait partie des nations africaines où l’intérêt pour ces actifs numériques est le plus marqué.

Dernier articles
Les articles les plus lu
Manifestations de la « GenZ 212 » : la Confédération des TPE-PME réclame l’indemnisation des entrepreneurs sinistrés

Économie - La Confédération des TPE-PME réclame l’indemnisation urgente des petits entrepreneurs victimes des violences ayant émaillé les manifestations de la « GenZ 212 », alertant sur les lourdes pertes matérielles et leurs répercussions économiques et sociales.

Hajar Toufik - 5 octobre 2025
Bourse de Casablanca : un nouveau programme pour propulser les industries

Economie - La Bourse de Casablanca lance un programme stratégique pour booster les industries marocaines avec ses partenaires clés.

Mouna Aghlal - 3 octobre 2025
Saham Bank reçoit sa première notation internationale

Une notation internationale pour Saham Bank, symbole de confiance et de solidité dans le paysage bancaire marocain.

Rédaction LeBrief - 3 octobre 2025
Aéronautique au Maroc : quel manque à gagner face aux investissements ?

Economie - Plongée dans une table ronde sur la culture industrielle aéronautique et ses défis stratégiques.

Mouna Aghlal - 3 octobre 2025
OMPIC : plus de 65.000 entreprises créées en sept mois 

Economie - Le tissu entrepreneurial marocain s'élargit avec 65.754 nouvelles entreprises selon l'OMPIC en seulement sept mois.

Mouna Aghlal - 2 octobre 2025
Salon du Cheval d’El Jadida : SOREC et EXPASA concluent un partenariat

Économie - La SOREC a conclu un partenariat stratégique avec l’entreprise publique espagnole EXPASA, visant à renforcer la coopération dans l’élevage équin, la recherche et la formation.

Ilyasse Rhamir - 2 octobre 2025
Voir plus
Visa Schengen : le cauchemar européen à prix d’or

Dossier - Entre les délais interminables, les coûts exorbitants et les parcours semés d’embûches, obtenir un visa Schengen c’est devenu…

Sabrina El Faiz - 26 juillet 2025
Coût, impact… tout savoir sur la nouvelle LGV Kénitra-Marrakech

Économie - Le Maroc lance l’extension de sa LGV vers Marrakech, un projet structurant qui transformera durablement la mobilité, l’économie et la connectivité entre les grandes villes.

Hajar Toufik - 25 avril 2025
Où en est l’avancement du gazoduc Nigeria-Maroc ?

Économie - Le projet de gazoduc Nigeria-Maroc progresse : 13 pays engagés, signature intergouvernementale à venir et lancement d’un premier tronçon entre Nador et Dakhla.

Hajar Toufik - 14 juillet 2025
BTP : le Maroc bétonne ses règles

Dossier - Pas d’attestation, pas de chantier. C’est simple, non ? Pas de couverture décennale, pas de livraison. N'y réfléchissons pas trop !

Sabrina El Faiz - 19 juillet 2025
Ces Marocains qui s’endettent pour les vacances

L’endettement pour les vacances est devenu, chez beaucoup, une évidence presque banale. On ne s’en vante pas forcément, mais on ne s’en cache plus.

Sabrina El Faiz - 2 août 2025
Pourquoi le Maroc ne croit pas en son tourisme rural ?

Dossier - La vérité, c’est que le tourisme rural n’a jamais été considéré comme un projet national. Il n’est ni stratégique, ni prioritaire. Et pourtant, il concentre tout ce que le Maroc pourrait offrir de plus noble.

Sabrina El Faiz - 30 août 2025

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée Champs requis marqués avec *

Poster commentaire