Chronique CADENCE
Sabrina El Faiz Publié le 17/10/25 à 10:39
Temps de lecture

Résilience et mauvais œil

A A A A A

« Ca va Hamdoulah ». Mais que dalle ! Tout le monde répète ça et pourtant rien ne va ! L’on pense souvent être seul dans sa déprime, mais apparemment nous sommes au moins 30 millions. Ca rassure non ? Non, pas du tout !

Le Haut-Commissariat au Plan (HCP) l’a dit, chiffres à l’appui. 53,6 points sur l’Indice de confiance des ménages. Ca ne veut rien dire ça. Grosso modo, le moral est encore plus bas que les trottoirs mal foutus !

Près de 8 foyers sur 10 estiment que leur niveau de vie s’est dégradé. Les deux autres ont probablement trouvé un marché juteux à pomper. En plus de cela, plus de la moitié des Marocains s’attendent à ce que ça empire. On sait être optimistes chez nous.

Mais il faut dire que le Marocain est un être d’une endurance rare, « TBARKELLAH » (il ne manquerait plus qu’on se ramasse un mauvais œil au passage). Il survit à la hausse des prix, à la stagnation des salaires et même aux factures d’électricité qui donnent des palpitations rien qu’à leur ouverture. De vrais génies du système D… ou Z ! Actuellement toutes les mères de famille ont un Bac+5 en ingénierie de gestion du frigo. Le poulet pourrait durer plus longtemps qu’une promesse parlementaire.

Et puis, il y a l’emploi. Ah, l’emploi… Si, si, même nous sommes fatigués d’en parler semaine après semaine, mais que voulez-vous, on le rabâchera tant que ça ne sera pas réglé. Pour les plus philosophiques d’entre nous, l’emploi est un concept mythique, aussi insaisissable qu’un ticket de la CAN ! Près de 70% des ménages s’attendent à voir le chômage grimper. Le reste a arrêté d’espérer depuis le temps. On est passés du « quand je trouverai un travail » au plus pragmatique « Inchallah ».

Les achats de biens durables ? C’est chouette que le HCP en parle encore pour nous rappeler à quel point se faire plaisir est devenu rare. Acheter une télé, un canapé ou une machine à laver, est devenu un acte de bravoure, seuls les guerriers y arrivent. Le Marocain moderne ne « consomme » plus, il « résiste », il est écolo !

Et quand on voit l’augmentation des prix, on se prend tous à rêver de se mettre au vert, une petite ferme en dehors de la ville, l’école à la maison, les légumes du potager… Ah, mais ça aussi, c’est devenu trop cher. Rêver est devenu trop cher au Maroc.

Mais rendons hommage à cette résilience nationale, Tbarkellah, encore une fois, restons prudents. Le Marocain rit de tout Hamdoulah. Il plaisante de ses galères, invente des astuces de survie, transforme la débrouille en art de vivre. On devrait d’ailleurs songer à en faire un patrimoine immatériel de l’UNESCO, avant que d’autres ne pensent à nous le prendre.

Le moral est dans le rouge, mais, voyez-vous, nous au moins, on sait y mettre du style.

pub