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Hafid El Jaï Publié le 29/09/25 à 11:00
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Nouveau gouvernement ?

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Et si le Maroc se dotait d’un nouveau gouvernement pour la dernière année de la mandature actuelle ? La question est légitime. L’exécutif actuel est à bout de souffle et les manifestations du week-end en sont une illustration frappante. Si un secteur devait précipiter ce scénario, ce serait avant tout celui de la santé publique. En quelques semaines, ce dossier est devenu le symbole des échecs et des frustrations accumulées.

Samedi puis dimanche, face à des citoyens descendus dans les rues des principales villes pour réclamer des droits aussi essentiels que la santé et l’éducation, la réponse a été exclusivement sécuritaire. Tout est parti d’un simple appel à manifester lancé sur une plateforme créée au départ pour des échanges entre les gamers. La communauté concernée par cet appel regroupe près de 8.000 membres. Ce qui a marqué, c’est la composition de la mobilisation. L’essentiel des participants était animé par la jeunesse, cette génération Z que l’on caricature souvent comme enfermée derrière ses écrans. Plusieurs jeunes ont clairement exprimé une demande qui mérite d’être entendue : être encadrés, afin d’éviter les débordements et de donner à leur mouvement une légitimité structurée. Ce n’est pas un détail. Cela traduit une certaine maturité et une volonté de s’inscrire dans une continuité citoyenne. Il est vrai qu’il y a un risque de récupération de la part d’organisations qui peuvent faire dévier les revendications de ces jeunes de leurs objectifs légitimes, mais il faut faire confiance à leur intelligence pour qu’ils ne soient pas victimes de manipulation. Loin des clichés de la jeunesse « anarchique », on a vu une génération qui cherche à construire, et non à casser malgré quelques dérapages.

Cependant, les arrestations – suivies de libérations – laissent une trace amère. Pour beaucoup, c’était leur premier vrai contact avec l’engagement dans l’espace public. Ils en sortent avec la conviction que l’État les regarde avec méfiance. Une impression d’autant plus forte que ces jeunes comparent en temps réel ce qui se passe ailleurs : ils suivent les mobilisations dans le monde, ils mesurent les écarts, et ils n’acceptent plus d’être traités comme des suspects lorsqu’ils manifestent pacifiquement. Certains manifestants de GENZ212 étaient des mineurs, effrayés par les forces de l’ordre. L’un d’eux demandait aux policiers de le relâcher en leur montrant sa maman qui arrivait en courant. Sans oublier un père de famille venu protester avec sa femme et ses enfants..

Le gouvernement porte dans tout ce qui s’est passé une responsabilité directe. En minimisant l’ampleur des marches organisées par les citoyens dans les quatre coins du pays et surtout en milieu rural pour différentes raisons (manque d’accès à l’eau potable, absence de dispensaires et d’écoles, enclavement, etc), en criminalisant des mouvements sociaux légitimes et en refusant de reconnaître la portée symbolique de la jeunesse, il accentue un fossé déjà profond entre institutions et citoyens. Dès lors, la question devient inévitable : peut-on se permettre de laisser ce même exécutif gérer le pays jusqu’aux élections de 2026 ?

Pourquoi ne pas envisager une alternative en conformité avec les dispositions de la Constitution et en finir avec cette mauvaise gouvernance qui met à mal la prospérité du Royaume ? L’histoire nous offre un précédent. Fin 1983, le défunt Souverain avait mis en place un « gouvernement de coalition et de transition ». Ce cabinet, chargé d’organiser les législatives de février 1984, comptait sept dirigeants des principaux partis politiques, nommés ministres d’État – à l’exception du PPS – parmi lesquels le premier secrétaire de l’USFP, principal parti d’opposition à l’époque. Une formule exceptionnelle, mais qui avait un objectif clair : restaurer un climat politique apaisé et garantir la tenue d’élections crédibles.

Cette formule n’est peut-être pas adaptée au Maroc d’aujourd’hui. Mais ce qui est sûr, c’est que la question se pose avec acuité : faut-il maintenir un gouvernement affaibli, qui peine à répondre aux urgences sociales et qui pousse les citoyens à manifester dans l’espace public, ou bien envisager une transition politique capable de rétablir la confiance et d’accompagner le pays vers les urnes dans un climat plus serein ?

Quoi qu’il en soit, la Gen Z – celle du prince héritier – qui réclame l’éducation, la santé, la justice sociale et la lutte contre la prévarication, n’est pas en train de demander l’impossible. Elle appelle à préserver les bases mêmes de l’État social voulu par le Roi.

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