Chronique CADENCE
Sabrina El Faiz Publié le 07/11/25 à 10:42
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La littérature marocaine est-elle morte ?

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Ca a donc été officialisé par le médecin légiste, la littérature marocaine serait morte. C’est du moins ce qu’on a laissé entendre, au détour d’une conférence organisée par le BookClub Le Matin, où le mot « cadavre » a été répété avec la tendresse d’un coroner. On aurait dit une autopsie nationale.

Sur la table froide, le roman marocain, la poésie, les revues disparues, la critique littéraire agonisante. Autour du corps, les critiques, les universitaires, les journalistes culturels. Chacun avec sa lampe frontale et son jargon, à chercher un battement de cœur.

Disséquons, analysons, théorisons. Le corps refroidit. Ce n’est pas la mort de la littérature, non, c’est l’enterrement de la passion. La critique littéraire ne respire plus. L’université parle dans sa tour, la presse parle dans la sienne et les écrivains, eux, murmurent entre eux, à huis clos. Les membres censés se développer dans un même corps se dissipent, poussant le lecteur à se désintéresser de la culture nationale.

On dit que la critique littéraire, autrefois, éclairait les œuvres. Aujourd’hui, elle les éteint à force de méthodologie. Elle s’est changée en nécrologie savante, on parle d’auteurs comme on parle de morts illustres. Les vivants, eux, n’ont plus voix au chapitre. Et quand un journaliste ose écrire sur un livre, on lui rappelle qu’il n’est « pas universitaire ». Et vice-versa. Comme si lire et ressentir n’étaient plus suffisants.

Mais peut-être qu’elle n’est pas morte, cette fameuse littérature marocaine. Peut-être qu’elle s’est simplement réfugiée ailleurs, sur les réseaux, dans les cafés, dans les petites librairies tenues à bout de bras par des passionnés. Peut-être qu’elle attend juste qu’on la regarde autrement, sans gants, sans jargon, sans morgue !

Car ce qui tue la littérature, ce ne sont pas tant les lecteurs absents. Ce sont les vivants qui parlent comme des fossoyeurs. Ceux qui confondent « analyse » et « autopsie », « langage savant » et « langage mort ».

La littérature marocaine n’est pas morte. Ce sont ceux qui devraient la faire vivre qui l’ont mise sous perfusion de théories.

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