Climat : comment le Maroc fait face à la rareté des pluies ?
Image d’illustration. © DR
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L’un des principaux phénomènes qui influencent cette dynamique est l’anticyclone des Açores. Ce système de hautes pressions atmosphériques, situé dans l’Atlantique Nord, s’étend fréquemment jusqu’au Maroc, repoussant les perturbations pluvieuses vers l’Europe et le Moyen-Orient. « La présence persistante de cet anticyclone en hiver favorise un temps stable, calme et généralement sec », précise Youaabed. Résultat : les précipitations, essentielles à la recharge des nappes phréatiques et à l’irrigation des sols agricoles, sont détournées vers d’autres régions. Le dérèglement climatique mondial, en modifiant la circulation atmosphérique, accentue encore cette irrégularité des pluies.
Un climat structurellement aride
Pour Abdellatif Khattabi, ex-professeur à l’École Nationale Forestière d’Ingénieurs et chercheur associé à l’Institut Royal des Études Stratégiques, la rareté des pluies n’est pas un phénomène nouveau mais une caractéristique structurelle du climat marocain. « Le climat du Maroc se caractérise par une aridité structurelle liée à sa position géographique entre influences atlantiques, méditerranéennes et sahariennes », souligne-t-il.
Les chaînes de montagnes, notamment l’Atlas, jouent un rôle dans la répartition des précipitations : elles freinent l’arrivée des masses d’air humides vers l’intérieur du territoire. De ce fait, la majorité des pluies se concentre sur la façade nord-ouest, tandis que les zones sahariennes et intérieures connaissent des conditions nettement plus sèches.
Cette inégalité spatiale s’accompagne d’une irrégularité temporelle, les précipitations surviennent de manière aléatoire, souvent concentrées sur quelques épisodes intenses séparés de longues périodes sèches. Ces fortes pluies ponctuelles, loin d’être bénéfiques, provoquent parfois des ruissellements rapides et une faible infiltration dans les sols, aggravant le déficit hydrique.
L’agriculture pluviale en première ligne
Les conséquences de cette aridité se font particulièrement sentir dans le secteur agricole, pilier de l’économie nationale. L’agriculture pluviale, dépendante des précipitations, couvre près de sept millions d’hectares, principalement dédiés aux céréales. Elle représente une part essentielle de la sécurité alimentaire et fait vivre environ 80% de la population rurale.
Mais cette dépendance rend le secteur extrêmement vulnérable. « Dans un pays où une grande partie des terres cultivées repose sur les précipitations, un déficit pluviométrique entraîne immédiatement une baisse des rendements », avertit Khattabi. Les mauvaises saisons se traduisent par des récoltes médiocres, une perte de revenus pour les ménages ruraux et, souvent, un endettement accru. Dans certaines régions, la situation pousse même à l’exode rural ou à un pompage excessif des nappes souterraines, aggravant la crise hydrique.
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Les effets de la sécheresse se répercutent également sur les sols : privés d’humidité, ils se dégradent et perdent leur fertilité. Le stress hydrique répété affaiblit les arbres fruitiers et réduit la qualité des productions. Ainsi, au-delà de la simple question de pluie, c’est l’ensemble du système agricole et social rural qui vacille.
La déforestation : un facteur aggravant
La rareté des pluies n’est pas uniquement une conséquence du changement climatique ; elle est aussi amplifiée par certaines pratiques humaines. Khattabi met en lumière un lien souvent sous-estimé : celui entre la déforestation, la dégradation des sols et la baisse des précipitations locales.
Les forêts, explique-t-il, jouent un rôle clé dans le cycle de l’eau. En transpirant, les arbres relâchent de la vapeur d’eau qui contribue à la formation des nuages. La destruction du couvert forestier interrompt ce processus, réduisant la capacité du territoire à régénérer son propre microclimat. De plus, les sols nus et compactés retiennent moins l’eau, provoquant un ruissellement rapide et limitant la recharge des nappes phréatiques.
« La déforestation et la dégradation des sols ne sont pas seulement des conséquences de la sécheresse, mais aussi des facteurs aggravants du manque d’eau », insiste Khattabi. Ces phénomènes, combinés à l’urbanisation et à la surexploitation agricole, affaiblissent les écosystèmes naturels qui régulent le climat local.
Barrages, dessalement et autoroute de l’eau : les réponses du Maroc
Depuis plusieurs décennies, le Maroc déploie une stratégie ambitieuse pour sécuriser ses ressources hydriques. La politique des barrages constitue l’un des piliers de cette approche. Le pays en compte aujourd’hui plus de 150, et une vingtaine d’autres sont en projet. Cette politique a permis d’assurer une partie des besoins en irrigation et en eau potable, mais ses limites deviennent aujourd’hui évidentes.
Au 6 octobre 2025, le taux de remplissage moyen des barrages n’est que de 32,4%. Certaines zones sont dans une situation critique : le bassin de Oum Er-Rbia affiche un taux de 10%, tandis que celui de la Moulouya atteint à peine 29%. D’autres régions, comme le Loukkos (47,1%) ou le Sebou (42,5%), s’en sortent mieux. Ces disparités régionales reflètent la diversité des régimes pluviométriques et la pression différenciée sur les ressources en eau.
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Face à cette situation, le Maroc mise également sur le dessalement de l’eau de mer, dont plusieurs unités sont déjà opérationnelles ou en construction. Cette solution apporte une bouffée d’oxygène, notamment pour les villes côtières, mais elle reste coûteuse en énergie et en financement. La réutilisation des eaux usées traitées pour l’irrigation et le projet d’autoroute de l’eau, destiné à transférer les excédents hydriques du nord vers le centre, complètent le dispositif national.
Les limites d’une approche sectorielle
Si ces initiatives traduisent une volonté forte, elles ne suffisent pas à elles seules. « Elles sont confrontées à plusieurs défis : pertes par évaporation dans les barrages, coûts élevés, surexploitation des nappes, et inégalités d’accès entre territoires », observe Khattabi. Le chercheur plaide pour une gouvernance intégrée et une coordination plus étroite entre agriculture, énergie, urbanisme et environnement.
Selon lui, seule une approche fondée sur le concept de Nexus, liant eau, énergie, agriculture et écosystèmes, permettra d’assurer une gestion durable. « Agir isolément sur un seul secteur crée des déséquilibres qui fragilisent l’ensemble du système », avertit-il. Une vision holistique favoriserait au contraire les synergies, réduirait les tensions sur les ressources et renforcerait la résilience nationale face aux sécheresses répétées.
Au-delà des infrastructures, la solution passe aussi par la restauration des écosystèmes : reboisement, lutte contre la dégradation des sols, modernisation des réseaux d’irrigation et sensibilisation des citoyens à la sobriété hydrique. Ces actions de long terme sont essentielles pour rétablir l’équilibre du cycle de l’eau et garantir la sécurité hydrique du pays.
Le Maroc, à l’instar de nombreux pays du sud méditerranéen, se trouve donc face à un tournant historique : celui d’adapter son modèle de développement à une réalité climatique de plus en plus contraignante. L’aridité n’est plus une anomalie ; elle devient la norme. Pour y faire face, il ne suffira plus d’espérer la pluie : il faudra repenser la manière de vivre avec sa rareté.
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