Charte de l’investissement : un cadre ambitieux, mais difficile d’accès pour les TPE
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Sur le papier, ces textes marquent l’entrée en phase opérationnelle d’un cadre censé stimuler la productivité et corriger les déséquilibres territoriaux. Mais sur le terrain, les représentants des petites structures tirent la sonnette d’alarme : jugé trop ambitieux, ce mécanisme risque de creuser davantage le fossé entre grandes et petites entreprises.
Un cadre réglementaire précis et structuré
Récemment, le gouvernement a précisé, à travers quatre arrêtés, les critères d’éligibilité, les zones bénéficiaires, les secteurs prioritaires ainsi que la procédure d’accès aux aides. Les entreprises souhaitant bénéficier du dispositif doivent investir entre un et 50 millions de dirhams, créer au moins 1,5 emploi permanent par million de dirhams investi et mobiliser 10% de fonds propres.
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Trois primes cumulables, plafonnées à 30% du montant total de l’investissement, sont prévues : une prime à l’emploi (de 5% à 10%), une prime territoriale (de 10% à 15% selon la province) et une prime dédiée aux activités prioritaires (10 %). Quatorze secteurs clés et cinquante-quatre branches d’activité ont été identifiés, parmi lesquels l’industrie manufacturière, l’agroalimentaire, la chimie et les énergies renouvelables.
Les démarches sont désormais digitalisées : les dossiers doivent être déposés auprès des Centres régionaux d’investissement (CRI), accompagnés d’un ensemble de pièces administratives allant des statuts aux attestations fiscales. Les aides sont versées en deux tranches, après vérification du respect des engagements. Pour l’État, ce cadre vise à renforcer la compétitivité et la justice spatiale, tout en soutenant la croissance et l’emploi.
Un dispositif excluant pour les TPE, selon Abdellah El Fergui
Mais pour Abdellah El Fergui, président fondateur de la Confédération marocaine des TPE-PME, ce dispositif ne répond pas aux réalités du terrain. Selon lui, « le nouveau cadre de la Charte de l’investissement, bien qu’ambitieux, ne répond pas pleinement aux besoins des très petites entreprises ». Le seuil minimum d’investissement fixé à un million de dirhams « demeure hors de portée pour 99,99% des TPE marocaines », qui représentent pourtant plus de 98,4% du tissu entrepreneurial national.
Selon El Fergui, ces entreprises souffrent d’un manque de capitalisation, d’un accès difficile au financement, d’une fiscalité défavorable et d’un accompagnement insuffisant. Il dénonce un traitement inégalitaire : alors que l’impôt sur les sociétés des TPE passera à 20% en 2026, celui des grandes entreprises a été réduit de 35% à 20%. Cette évolution illustre, selon lui, une orientation gouvernementale favorable aux grands groupes, « loin des slogans politiques et politiciens ».
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Le gouvernement mise sur les primes à l’emploi, territoriale et sectorielle pour stimuler la compétitivité. Sur ce point, El Fergui reconnaît leur potentiel, notamment pour les PME capables d’investir dans les régions enclavées ou dans les secteurs prioritaires. Cependant, il estime que les TPE ne disposent ni de la structure ni des ressources nécessaires pour en bénéficier.
Les aides risquent même, selon lui, de reproduire des déséquilibres connus : « Certaines PME ouvrent des antennes dans les régions défavorisées pour bénéficier des subventions, puis les ferment aussitôt après ». Il cite à l’appui l’expérience des années 1990 avec le programme de développement du Nord.
Ainsi, si les primes peuvent renforcer la trésorerie et encourager l’investissement, elles ne résolvent pas les obstacles structurels : difficultés d’accès au crédit, manque de formation, lenteurs administratives et délais de paiement trop longs. Pour l’économiste associatif, « ces dispositifs d’aide devraient s’accompagner d’un accès facilité pour les TPE, d’une sécurisation des relations commerciales et d’un accompagnement technique renforcé ».
Une communication et un accompagnement encore défaillants
Un autre point de divergence majeur concerne la communication institutionnelle. Même si les quatre arrêtés présentent une procédure claire et encadrée, El Fergui souligne que l’information sur les dispositifs reste opaque et inégale. De nombreux entrepreneurs confondent « aide à l’investissement » et « financement direct », ce qui génère des malentendus et une sous-utilisation des dispositifs existants.
Pour pallier ce déficit, El Fergui a lancé une initiative personnelle originale : utiliser TikTok et d’autres réseaux sociaux pour vulgariser les critères d’éligibilité, expliquer les démarches et dialoguer en direct avec les porteurs de projets. Selon lui, ces formats « courts et accessibles » permettent de toucher un public jeune, souvent éloigné des canaux institutionnels. Il appelle l’État à s’inspirer de cette approche participative en multipliant les partenariats entre l’administration, la Confédération des TPE-PME, les chambres professionnelles et les acteurs du numérique.
La prime territoriale : une ambition sociale à nuancer
Le dispositif gouvernemental prévoit une prime territoriale pouvant atteindre 15% dans les zones les plus défavorisées, dans le but de stimuler l’investissement dans les provinces enclavées. Mais pour El Fergui, cette mesure pourrait produire l’effet inverse : elle « risque d’accentuer les inégalités » en profitant davantage aux entreprises extérieures, mieux structurées, qu’aux acteurs locaux.
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Sans un accompagnement spécifique pour les TPE des régions concernées — en matière de formation, de financement et de mise en réseau — cette prime pourrait « renforcer la domination économique des nouveaux entrants sur les acteurs locaux ». Pour atteindre son objectif de dynamisation locale inclusive, elle doit être complétée par des politiques de développement régional cohérentes.
Au-delà des critiques, Abdellah El Fergui formule plusieurs propositions. Il plaide pour la création d’une banque d’État dédiée aux TPE, PME, startups et auto-entrepreneurs, inspirée de la Bpifrance. Cette institution offrirait des financements à taux réduits, des garanties publiques ainsi qu’un accompagnement technique et numérique.
Il appelle également à simplifier les démarches administratives, à digitaliser l’accès au financement via une plateforme unique et à développer des alternatives telles que le crowdfunding ou le capital-risque.
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