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Au-delà de la langue, le Royaume s’éloigne du français

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Les administrations, ainsi que les établissements publics, sont tenus d’utiliser les langues officielles de la Nation. Tous leurs contrats, correspondances, documents officiels ou les opérations menées avec leurs parties prenantes doivent se faire en arabe ou en amazighe «afin de préserver les droits des citoyens». Plus qu’une obligation constitutionnelle, cette décision a récemment fait l’objet d’un jugement de la part du Tribunal administratif de Rabat, confirmé par la Cour d’appel. Une mesure qui rappelle l’illégitimité de l’utilisation du français au sein de l’administration marocaine, dans un contexte plus large de réorientation linguistique du Royaume.

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Il n’y a rien de nouveau sous le soleil. La ministre de la Transition numérique et de la réforme de l’administration, Ghita Mezzour, qui intervenait en réponse à une question parlementaire, a simplement rappelé que l’administration publique et les établissements publics sont dans l’obligation d’utiliser les langues officielles du Royaume sur tous les documents et correspondances «afin de préserver les droits des citoyens».

Lire aussi : Administration publique, un système archaïque

En réponse à la question portant référence n° 10063, la ministre a souligné que la Constitution marocaine stipule clairement dans son article 5 que la langue arabe demeure la langue officielle de la Nation. Et, de rappeler qu’une circulaire du chef du gouvernement, datant du 30 octobre 2018, impose l’utilisation de l’arabe et de l’amazighe par les administrations publiques et les collectivités locales.

Mais, plus qu’une obligation constitutionnelle, cette mesure fait suite à un jugement du Tribunal administratif de Rabat, confirmé par la Cour d’appel, déclarant l’usage du français par les administrations publiques comme non réglementaire. Un choix politique qui s’inscrit dans une politique de valorisation des langues nationales et de l’identité culturelle marocaine.

Un simple rappel

Les précisions de la ministre sont intervenues suite à l’interpellation du député de l’USFP, Abdelkader Taher. Ce dernier avait fait remarquer que des entités publiques et économiques continuent de s’adresser aux citoyens dans une langue étrangère. Or, précise-t-il, beaucoup ne la maîtrisent pas, ce qui peut conduire à la perte de leurs droits en tant que citoyens.

En ce sens, Ghita Mezzour a rappelé les mesures déployées par l’État œuvrant à la protection et au développement de la langue arabe en plus de l’amazighe, deux langues officielles de la Nation. L’obligation de l’usage de la langue arabe, comme langue officielle, trouve son essence dans les dispositions de l’article 5 de la Constitution. Plus que cela, le Tribunal administratif de Rabat a statué sur l’utilisation de la langue française par l’Administration marocaine. Dans ce jugement, l’usage du français par les administrations publiques a été considéré comme non réglementaire. Une décision qui a d’ailleurs été appuyée en appel.

Lire aussi : La langue amazighe sera désormais intégrée dans l’administration publique

Il s’agit notamment de la publication de la loi organique 04.16 relative au Conseil national des langues et de la culture marocaine. Il s’agit aussi de la publication de la loi 54.19 faisant office de Charte des services publics. Mais également la circulaire du chef de gouvernement (le 30 octobre 2018) par laquelle il oblige les administrations publiques et collectivités territoriales ainsi que les établissements publics à utiliser la langue arabe ou amazighe, ou les deux à la fois, dans toutes leurs démarches, décisions, contrats, correspondances et tous documents, qu’ils soient internes ou adressés au grand public.

Toutefois, l’usage de la langue française et d’autres langues étrangères continue de s’imposer. La ministre insiste sur la possibilité du recours à une langue étrangère dans les cas où il s’agit de communication avec des parties externes ou d’usage de documents techniques difficilement traduisibles vers l’arabe.

Une langue en déclin

Le rappel portant sur l’usage des langues officielles dans les procédures et documents administratifs dans le giron de l’administration publique s’inscrit dans une politique de valorisation des langues nationales et de l’identité culturelle marocaine. Ce choix politique intervient dans un contexte plus large de réorientation linguistique au Maroc.

Il y a un mois, le pays avait annoncé une réforme éducative majeure pour élargir l’enseignement de l’anglais au niveau du collège. Le ministère de l’Éducation envisage d’augmenter progressivement le taux de couverture de l’Anglais dans les établissements scolaires, avec pour objectif une couverture de 100% en deuxième année d’ici à 2024-2025.

Autant de mesures qui constituent une remise en question de la place du français au Maroc. Ces transformations ne sont pas seulement symboliques, mais témoignent d’un revirement linguistique qui pourrait avoir des conséquences significatives sur l’importance et l’influence de la langue française au Maghreb.

Lire aussi : Maroc-France, fini l’interdépendance !

Alors que 13,5 millions de Marocains sont francophones, soit un taux de 36%, un «éloignement» de la langue française est en train de se faire sentir au profit d’autres langues comme l’anglais ou l’espagnol. Ce constat, révélé par le portail de données mondial spécialisé Statista, sur la base des chiffres de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), est corroboré par les experts.

En effet, depuis un moment déjà, nombre de chercheurs et d’experts en langues et linguistique observent un «déclin progressif», en quantité et en qualité, de la présence de la langue française au Maroc et dans plusieurs pays africains autrefois colonisés par la France.

Cette baisse s’accompagne d’indices politiques forts et d’un refroidissement des relations entre la France et ses anciennes colonies. C’est notamment le cas du Maroc où une «crise silencieuse» est observée entre Rabat et Paris. Les problèmes tels que la restriction arbitraire des visas, la campagne médiatique et le harcèlement judiciaire sont couramment cités comme points de discorde. Ces tensions sont d’autant plus évidentes qu’elles expliquent l’annulation de la visite au Maroc, initialement prévue pour le 26 juin, du président du Mouvement des entreprises de France (Medef), Geoffroy Roux de Bézieux.

Regarder aussi : Dans le bras de fer entre le Maroc et la France, l’économie est-elle la grande perdante ?

Malgré la tentative de la France de nier l’existence de toute tension entre les deux pays qui pourrait conduire à la détérioration de ses intérêts dans le Royaume, la fissure est bien là, même si elle ne dit pas son nom.

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Un commentaire

  1. Bonsoir

    Merci d’avoir fait votre chronique en Français sinon je n’aurais pas pu la lire, par ailleurs cela risque d’être difficile dans les années ou mois à venir d’accéder à l achat d’un bien titré , ..
    Merci de vos réactions et de vos remarques, en espérant que je que je trompe j’aime à le penser

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