Alerte sur la santé mentale des futurs médecins

Avatar de Hajar Toufik
Temps de lecture :

Alerte sur la santé mentale des futurs médecinsPhoto d'illustration © DR

A
A
A
A
A

Visiblement, nos futures « blouses blanches » ne vont pas bien. Le suicide d’un jeune doctorant en médecine met en lumière la situation des médecins interne au Maroc et les risques psychosociaux qu’ils affrontent. Il relance surtout le débat sur les conditions de formation, le manque d’encadrement et le rythme de travail acharné de ces jeunes. Si le système de santé est déjà en souffrance, il en ressort aujourd’hui que certains futurs soignants se trouvent face à une escalade mortifère. Le point sur ce mal-être réel.

Le drame s’est produit il y a quelques jours. Yassine Rachid était un jeune médecin interne en urologie. Il était résident du Centre hospitalier universitaire (CHU) d’Ibn Rochd à Casablanca, avant de le quitter pour rentrer en France où il a été retrouvé mort dans sa chambre. Selon ses collègues, le défunt aurait subi des pressions et du harcèlement et aurait été privé de pratiquer la chirurgie pendant une longue durée, sur décision de ses supérieurs.

Suite à sa disparition, des étudiants en médecine, médecins internes et résidents du Maroc ont tenu un sit-in en hommage à leur confrère dans tous les hôpitaux universitaires du pays, en portant des brassards noirs. Un communiqué conjoint de la Commission nationale des médecins internes et résidents (CNIR) et de la Commission nationale des étudiants en médecine, médecine dentaire et pharmacie (CNEMEP) a été également publié pour exprimer l’indignation du secteur. Les deux organismes dénoncent surtout le silence des responsables et réclament la publication des résultats de l’enquête. De nombreux hommages ont été aussi rendus sur les réseaux sociaux.

Lire aussi : Les futurs médecins face à une situation sociale difficile

Injustice et humiliation

Le phénomène d’épuisement et parfois de harcèlement, dont les médecins internes sont victimes et qui pousse certains jusqu’au suicide, existe depuis toujours. D’ailleurs, La CNIR estime que Yassine Rachid a été victime, comme la plupart des médecins internes et résidents, d’intimidation systématique tout en étant soumis en permanence à une forte pression psychologique et émotionnelle négative.

«Nous exprimons notre profond regret pour ce qui nous a été dit de la situation difficile qu’il a vécue pendant sa formation, ainsi que les circonstances de son décès. Nous condamnons tous les actes et méthodes honteux qui entraînent une pression psychologique et une coercition physique pour les étudiants et les médecins pendant leur formation, ainsi que toutes les formes d’abus et d’extorsion à l’intérieur et à l’extérieur du lieu de travail», indique la CNEMEP. Selon ladite commission, ces pratiques entraînent des conséquences inimaginables, pouvant aller jusqu’au suicide.

La famille du défunt est aussi sortie de son silence, confirmant les pressions et les humiliations qu’a subies le jeune médecin, en plus des sanctions « non justifiées » dont il a fait l’objet au sein du CHU Ibn Rochd. Ses proches réclament aujourd’hui une enquête judiciaire. Selon eux, les responsables de sa mort ne doivent pas rester impunis. Et pour ce faire, des procédures sont déjà lancées pour que justice lui soit rendue.

Lire aussi : Les médecins du public en grogne contre Fouzi Lekjaa

Des données inquiétantes

Les études médicales sont connues pour être longues et pénibles, laissant peu de temps aux loisirs. Après avoir obtenu leurs diplômes, les médecins relèvent le défi d’internat et de résidanat. Une période qui s’avère être source de stress chronique élevée et de contraintes professionnelles susceptibles de dégrader l’état de santé? psychique pouvant conduire à des burnouts, troubles anxieux et dépressifs.

Il est donc temps de briser le tabou sur ces jeunes et futurs médecins, qui se trouvent souvent en position de devoir compenser les failles du système. La médiatisation de ce phénomène semble aujourd’hui plus que nécessaire pour éveiller les consciences. Cependant, peu d’études ont été réalisées sur ce sujet.

La dernière en date remonte à 2020. Une enquête intitulée « Les idées et les tentatives de suicide chez les étudiants en médecine au Maroc » a révélé que les idées et les tentatives de suicide sont une problématique sérieuse chez les étudiants en médecine au Maroc et les constats sont particulièrement inquiétants.

Parmi 600 étudiants participant à l’enquête, répartis sur les sept facultés de médecine et de pharmacie au Maroc, 5% avaient fait au moins une tentative de suicide et 31% avaient eu des idées suicidaires. Ces idées étaient associées d’une façon statistiquement significative à la consommation de substances psychoactives et à la mauvaise santé psychique. Les auteurs de l’étude avaient d’ailleurs alerté sur l’urgence de prendre des mesures de prévention et de soutien afin de limiter ce phénomène.

Lire aussi : Réforme de la santé : une démarche historique, selon Aït Taleb

Enfin, les solutions doivent émerger d’un travail de réflexion, se basant sur les revendications syndicales du secteur. En l’état actuel, les mesures de changement nécessitent des expertises multiples et se doivent d’être au service des patients, des étudiants, futurs médecins et, in fine, de la société.

Dernier articles
Les articles les plus lu
Manifestations de la « GenZ 212 » : calme relatif au 6e jour, incidents isolés à Casablanca

Société - Après des journées marquées par des violences, la mobilisation de la « GenZ 212 » s’est déroulée globalement dans le calme, malgré quelques incidents isolés à Casablanca.

Hajar Toufik - 2 octobre 2025
Fake news : aucun ordre d’évacuation ou de fermeture à Casablanca

Société - Aucun ordre de fermeture des commerces ou d’évacuation des lieux de travail n’a été donné à Casablanca, démentant les rumeurs circulant sur les réseaux sociaux.

Rédaction LeBrief - 2 octobre 2025
Leqliaâ : le parquet ouvre une enquête après l’attaque du centre de la gendarmerie royale

Société - Trois morts et plusieurs blessés après l’assaut du centre de la gendarmerie de Leqliaâ, le parquet ouvre une enquête pour identifier les responsables.

Hajar Toufik - 2 octobre 2025
Manifestations de la « GenZ 212 » : l’Intérieur dénonce des « actes criminels » commis par une minorité de fauteurs de troubles

Société - Le ministère de l’Intérieur alerte sur des actes criminels commis lors de manifestations, attribués à une minorité de fauteurs de troubles, dont une majorité de mineurs.

Hajar Toufik - 2 octobre 2025
Affaire Escobar du Sahara : le procès reporté au 9 octobre

Société - Le procès de Said Naciri, ancien président du Wydad, est de nouveau fixé au 9 octobre. Détails sur les accusations en cours.

Mouna Aghlal - 2 octobre 2025
Manifestation de la « GenZ 212 » : forte implication de mineurs et graves actes de violence

Société - Les récentes manifestations au Maroc ont été marquées par des actes de violence impliquant des mineurs, révélant de fortes tensions sociopolitiques.

Mouna Aghlal - 2 octobre 2025
Voir plus
Travaux : les Casablancais n’en peuvent plus !

Dossier - Des piétons qui traversent d’un trottoir à l’autre, des voitures qui zigzaguent… À croire que les Casablancais vivent dans un jeu vidéo, sans bouton pause.

Sabrina El Faiz - 12 avril 2025
Mariages marocains : l’amour au prix fort

Société - Au Maroc, on peut rater son permis de conduire, son bac… Mais rater son mariage ? Inenvisageable !

Sabrina El Faiz - 23 août 2025
La classe moyenne marocaine existe-t-elle encore ?

Dossier - Au Maroc, pour définir le terme classe moyenne, nous parlons de revenus. Cela ne veut pourtant plus rien dire.

Sabrina El Faiz - 5 juillet 2025
Faux et usage de faux, la dangereuse fabrique de l’illusion

Dossier - Un faux témoignage peut envoyer un innocent en prison ou blanchir un coupable. Un faux diplôme casse la méritocratie. Un faux certificat peut éviter une sentence.

Sabrina El Faiz - 24 mai 2025
Le Maroc des voisins qu’on n’a pas choisis

Dossier - Les voisins ont bien changé. Les balcons étaient les réseaux sociaux d’antan. On y partageait les breaking news du quartier et les hommes étaient aussi bien surveillés que les enfants !

Sabrina El Faiz - 12 juillet 2025
Casablanca : les malls en perte de vitesse, sauf exceptions

Société - Les mails de Casablanca traversent une période de transformation, entre défis liés à l’entretien, évolution des attentes et adaptation à un nouveau contexte économique.

Hajar Toufik - 8 août 2025

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée Champs requis marqués avec *

Poster commentaire