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La Cour d’appel de Fès vient de relancer l’un des dossiers les plus sensibles et les plus anciens du paysage judiciaire marocain : l’affaire Aït El Jid. Plus de trois décennies après la mort violente de l’étudiant de gauche Benaïssa Aït El Jid, tué en 1993 lors d’affrontements universitaires à Fès, la justice décide une nouvelle fois de rouvrir le débat.

La décision intervient dans un climat politique chargé, tant cette affaire n’a cessé, au fil des années, de raviver les tensions entre mouvances étudiantes, formations politiques et acteurs institutionnels.

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Cette réouverture remet au premier plan le rôle de plusieurs étudiants condamnés dans le dossier, dont le plus médiatisé reste Abdelali Hamieddine, cadre historique du Parti de la Justice et du Développement (PJD). Condamné en juillet 2023 à trois ans de prison ferme pour « participation à un homicide volontaire », l’ancien parlementaire a toujours nié toute implication directe dans le meurtre. Sa condamnation avait déjà marqué un tournant, tant elle venait clore, provisoirement, une affaire que beaucoup pensaient définitivement enterrée.

Un meurtre qui a marqué les années 1990

L’histoire remonte au 25 février 1993. Ce jour-là, l’université Dhar El Mehraz de Fès est le théâtre d’affrontements violents entre étudiants d’extrême gauche et étudiants appartenant à des groupes islamistes. Au cœur de ces tensions idéologiques exacerbées, les affrontements dégénèrent. Le jeune militant de gauche Benaïssa Aït El Jid est grièvement blessé. Il succombera à ses blessures quelques jours plus tard.

La mort de l’étudiant provoque un séisme dans le monde universitaire et un émoi national. Rapidement, plusieurs étudiants sont arrêtés et poursuivis. Certains seront condamnés, d’autres acquittés. Le dossier, pourtant, ne se referme jamais vraiment.

Pendant des années, les proches de la victime, soutenus par des organisations de gauche et des associations des droits de l’homme, réclament la vérité et un procès jugé trop incomplet. De leur côté, les étudiants appartenant à des groupes islamistes dénoncent une instrumentalisation politique.

Un dossier qui ressurgit sans cesse

L’affaire connaît un premier rebondissement en 2012 lorsque la famille d’Aït El Jid demande la réouverture du dossier, arguant de nouveaux éléments. En 2018, la justice décide finalement de relancer les poursuites contre Abdelali Hamieddine, à l’époque parlementaire et figure montante du PJD.

Après plusieurs années de procédure, sa condamnation en 2023 relance les débats autour du rôle réel des protagonistes, mais aussi de la responsabilité politique des formations impliquées.

Aujourd’hui, la nouvelle décision de la Cour d’appel de Fès relance, encore une fois, les interrogations. Pourquoi rouvrir l’affaire maintenant ? De nouveaux éléments ont-ils émergé ? La justice estime-t-elle que certaines responsabilités n’ont pas encore été établies ?

Trente-deux ans après les faits, l’affaire Aït El Jid demeure un symbole : celui des années de violence universitaire, des fractures idéologiques profondes et d’une quête de justice qui dépasse largement le cadre judiciaire.

La réouverture du dossier, loin de le clore, rappelle que cette affaire n’a pas livré toutes ses vérités.

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