Flambée des prix de la volaille : ce qu’en dit la FISA

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La FISA dément les rumeurs de «suspensions d’importations» de volailles marocaines par la ChineProduits avicoles © DR

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Les prix de la viande blanche ont flambé ces dernières semaines. Cette augmentation est le résultat de plusieurs facteurs, notamment l’explosion de la demande, la baisse de l’offre et l’envolée des cours des aliments sur les marchés internationaux. Une situation qui a enclenché une véritable polémique sur les réseaux sociaux. Le point avec Youssef Alaoui, président de la Fédération interprofessionnelle du secteur avicole (FISA).

Le secteur avicole constitue l’une des activités agricoles les plus dynamiques au Maroc. Il génère un chiffre d’affaires de 32,4 milliards de DH et permet la création d’environ 465.000 emplois directs et indirects.

Très prisée par les Marocains, en particulier ceux à revenu modeste, la volaille voit ses prix s’envoler depuis plusieurs semaines. Actuellement, le kilogramme de viande blanche coûte 24 DH, dans la majorité des points de vente du Royaume.

Cette flambée des prix n’a pas laissé de marbre les consommateurs qui ont vu leur pouvoir d’achat mis à mal. Le désarroi des citoyens s’est d’ailleurs manifesté par des appels au boycott de la viande de poulet, notamment sur les réseaux sociaux. Une situation qui pousse à s’interroger sur les véritables raisons de cette hausse.

LeBrief s’est entretenu avec Youssef Alaoui, président de la Fédération interprofessionnelle du secteur avicole (FISA), reconnue par le ministère de l’Agriculture en tant qu’interprofession agricole de la filière avicole au Maroc.

LeBrief : Comment peut-on qualifier la situation actuelle du secteur avicole ?

Youssef Alaoui : La situation du secteur avicole est très difficile compte tenu des difficultés qu’ont connues les opérateurs du secteur depuis 2020 suite à la baisse des prix des viandes de volaille et des œufs de consommation sur le marché, consécutive à la baisse de la demande sur ces produits en relation avec les mesures d’urgence sanitaires entreprises par l’État pour lutter contre la Covid-19 (la fermeture des frontières, des écoles, des restaurants, des salles de fêtes, des traiteurs… le confinement obligatoire des ménages à domicile, la restriction de la circulation des personnes et la limitation des horaires d’ouverture des commerces). Cela résulte aussi de la hausse des coûts de production suite à la flambée des prix des matières premières, notamment du maïs et des tourteaux de soja sur le marché international suite à la crise russo-ukrainienne.

À noter que ces deux matières entrent dans près de 80% de la formulation des aliments composés destinés à l’alimentation des volailles. Les charges relatives à l’alimentation des volailles représentent plus de 80% du coût de production des produits avicoles. Cette situation s’est traduite par des pertes financières importantes pour les éleveurs et s’est vite répercutée sur l’ensemble des maillons de la filière, à savoir les couvoirs, les abattoirs industriels avicoles et les usines de fabrication d’aliments composés, a contraint plusieurs éleveurs à arrêter leur activité d’élevage ou du moins à réduire substantiellement leur activité.

Et là, je voudrais préciser un point essentiel : les augmentations de prix ne veulent nullement dire augmentation des marges pour les éleveurs. Je le répète : ce sont les coûts de revient qui augmentent, ajoutées à cela les marges des grossistes, demi-grossistes et détaillants. Et si vous prenez la moyenne des marges de 2020 à 2023, celle-ci reste négative.

LeBrief : Quid de l’offre et la demande dans ce secteur ? Le marché est-il bien approvisionné ?

Youssef Alaoui : Malgré la baisse de l’offre des produits avicoles suite aux difficultés citées plus haut, obligeant les éleveurs à réduire leur activité, les marchés restent normalement approvisionnés à travers tout le Royaume.

D’ailleurs, vous aurez pu remarquer que le marché est régulièrement approvisionné en œufs et volailles.

LeBrief : Comment peut-on expliquer l’actuelle flambée des prix des volailles ?

Youssef Alaoui : Il faut savoir que les prix de vente des volailles (poulets de chair et dindes) et des œufs de consommation sont libres et obéissent à la loi de l’offre et de la demande. L’augmentation des prix enregistrée ces dernières semaines était prévisible. Elle est la conséquence directe des difficultés qu’a connues le secteur depuis 2020 et des pertes financières cumulées par les éleveurs qui ont fini par arrêter ou réduire leur activité d’élevage, ce qui s’est traduit par une baisse de l’offre sur le marché.

En effet, la flambée du coût de l’aliment n’aura pas permis à certains éleveurs de s’approvisionner auprès des fabricants qui ont réduit leurs encours clients, d’autant plus que les banques n’ont pas suivi les besoins en trésorerie des éleveurs.

LeBrief : Quel rôle joue la FISA pour réglementer le secteur et lutter contre les techniques de fraude, de monopole, de spéculation et de manipulation des prix dans le secteur ?

Youssef Alaoui : La FISA joue un rôle important dans le secteur avicole au Maroc. Elle travaille en collaboration avec les pouvoirs publics et les acteurs de la filière pour améliorer la productivité, la qualité et la compétitivité du secteur avicole, ainsi que pour garantir la sécurité et la souveraineté alimentaire des produits avicoles.

On ne peut pas parler de monopole dans le secteur avicole dans la mesure où il se caractérise par une concurrence féroce entre les opérateurs compte tenu de la surcapacité de production existante à tous les niveaux des différents maillons de la chaine de valeur de la filière. D’ailleurs, nous nous félicitons pour l’ouverture du secteur à l’export, ce qui a permis d’absorber une partie de cette surcapacité.

On ne peut pas non plus parler de manipulation des prix dans le secteur puisque les prix de vente des produits avicoles sur le marché sont libres, mais cadrés aussi par la forte concurrence existante entre les commerçants. Le prix de vente du poulet de chair au détail au consommateur ne dépasse guère, dans la majorité des cas, 3 DH par rapport au prix de vente à la ferme, ce qui est admissible vu les charges d’exploitation des grossistes et des détaillants. La seule obligation des commerçants des volailles est l’affichage du prix de vente au consommateur.

LeBrief : À votre avis, une baisse des prix de la volaille est prévisible ?

Youssef Alaoui : Il est difficile de prévoir l’évolution des prix des produits avicoles à court terme. Nous espérons une baisse des prix des matières premières sur le marché international (maïs et tourteaux de soja en particulier) qui se traduira forcément par une baisse des coûts de production et par conséquent une diminution des prix de vente au consommateur. Notre souhait est la stabilisation du prix de vente des volailles à un niveau d’équilibre qui sauvegarde les intérêts des éleveurs pour assurer la pérennité de la production et ceux du consommateur en relation avec son pouvoir d’achat.

Lire aussi : Sécurité alimentaire : Aziz Akhannouch répond à ses détracteurs

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