Scandale de la presse : l’affaire prend de l’ampleur
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L’affaire qui secoue actuellement le secteur de la presse, arrive en force au Parlement, suite à la succession de réactions. Du PJD au PSU, en passant par la Fédération de gauche, tous les partis d’opposition ont réagi avec une rare unanimité.
Le PJD, par voix de communiqué officiel, déclare que « le Secrétariat général du parti suit avec un profond regret les fuites concernant un enregistrement lié aux événements d’une réunion de la Commission des déontologies et des affaires disciplinaires, relevant de la commission provisoire chargée de la gestion du secteur de la presse et de l’édition, en lien avec le dossier du journaliste Hamid El Mahdaoui ».
Et de poursuivre, « malgré toutes les précautions éthiques et juridiques, et compte tenu de la gravité des propos contenus dans cet enregistrement ainsi que des déclarations attribuées au président et aux membres de la commission, laquelle, bien qu’étant une commission provisoire ayant perdu sa légitimité juridique et ayant dépassé sa durée légale depuis un certain temps, comme le Secrétariat général l’avait déjà souligné, reste néanmoins une commission exerçant, de facto, des compétences liées à des dispositions constitutionnelles et légales concernant la gestion autonome du secteur de la presse ».
Le PJD estime que « les propos injurieux, les dépassements de la loi et les partis pris très graves exprimés lors de cette réunion révèlent un caractère revanchard et non pas un cadre de réunion dédié à l’organisation autonome de la presse, qui nécessite sérieux, objectivité et respect », tout en exigeant « l’ouverture d’une enquête judiciaire ».
Le Parti socialiste unifié, suit, quant à lui « avec un vif intérêt le scandale (…). Ces révélations ont mis en lumière la manière dont cette commission a géré ses réunions, dans des conditions dépourvues des garanties d’un procès équitable des conseils disciplinaires, notamment le droit à la défense, l’impartialité, l’indépendance et l’intégrité de ses membres, la présence d’étrangers aux délibérations, et la tentative d’impliquer le président délégué du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire dans une affaire purement professionnelle, portant atteinte à l’indépendance de la justice ».
Face à ces faits le PSU déclare au public qu’il exprime sa solidarité totale avec le journaliste Hamid El Mahdaoui et demande l’annulation de toutes les décisions de la commission. Il exige l’ouverture d’une enquête urgente, indépendante et transparente, avec définition des responsabilités et sanctions, ainsi que la communication des détails au public.
Le parti réclame l’annulation de toutes les décisions prises depuis la création de la commission concernant la plupart des journalistes et leur retrait des dossiers afin de protéger leur carrière. Il appelle à la dissolution de la commission provisoire, malgré l’expiration de son mandat légal.
Le MP, de son côté, appelle à une enquête urgente afin de révéler les mécanismes, les motivations et les dépassements commis. « L’affaire ne se limite pas à la diffamation d’un journaliste ni à une erreur d’appréciation. Elle traduit un grave dysfonctionnement, un déficit de gouvernance et une mauvaise gestion d’un secteur aussi sensible que la presse, l’édition et la communication », peut-on lire sur le communiqué du parti.
« Plus inquiétant encore, les séquences vidéo, malgré leur caractère illégal, témoignent de pratiques anti-déontologiques au sein même d’une institution censée incarner l’éthique. Elles montrent que des décisions cruciales ont été prises concernant un dossier lié au « quatrième pouvoir »», poursuit le MP.
Toujours selon la même source, « il est nécessaire d’appeler de nouveau à un dialogue national sur la profession, impliquant tous les acteurs concernés, pour sortir de la crise actuelle et construire une vision commune fondée sur un nouveau cadre légal pour le Conseil national de la presse, conforme aux attentes des professionnels du secteur. Ce dialogue doit ouvrir la voie à une réforme législative complète du champ médiatique, garantissant les droits, les responsabilités, l’indépendance et la dignité des journalistes, ainsi que des mécanismes efficaces d’autorégulation ».
Sur sa page Facebook, la députée Fatima Tamni (FGD), a publié une lettre officielle qu’elle adresse au ministre de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication, ainsi qu’au président de la Chambre des représentants. Elle y exprime une profonde inquiétude à la suite de la diffusion d’un enregistrement vidéo attribué à deux membres influents de la commission provisoire chargée de gérer le secteur de la presse et de l’édition.
La députée souligne que ces faits compromettent la crédibilité des institutions, nuisent à l’image du Maroc en matière de respect des droits et libertés, et portent atteinte à la liberté de la presse. Elle demande au ministre de clarifier la position de son département concernant l’implication d’une instance placée sous sa tutelle dans de telles pratiques. Elle appelle également à l’ouverture d’une enquête approfondie afin d’établir les responsabilités, d’imposer les sanctions nécessaires, et de garantir la protection des journalistes contre toute forme de chantage ou d’exploitation d’influence.
La question qui fâche
Le PPS a décidé de réagir via une question écrite destinée à Bensaïd, par la député Nadia Thami. Selon elle, « la gravité des éléments divulgués, ainsi que leur impact sur l’image de notre pays et sur la confiance des professionnels comme du public envers les institutions chargées de superviser le secteur, impose l’ouverture d’une enquête ».
Dans le document, la député interpelle le ministre, au regard de ses responsabilités professionnelles dans ce secteur, en lui posant les questions suivantes :
« – Quelle est la position de votre ministère concernant le contenu de ces enregistrements et les faits qui y sont rapportés ?
– Quelles mesures avez-vous prises, ou envisagez-vous de prendre, afin de vérifier leur authenticité et d’en élucider les circonstances ?
– Comment votre ministère compte-t-il agir pour garantir les principes de transparence et d’indépendance dans la régulation du secteur de la presse et des médias ? ».
La parole au secteur
La Commission provisoire chargée de la gestion du secteur de la presse et de l’édition a tenu une réunion le 21 novembre 2025 pour examiner le contenu diffusé par Hamid El Mahdoui sur sa chaîne YouTube. Selon la commission, le montage d’extraits d’une réunion interne de la Commission de la déontologie, présente ces éléments de manière à tromper le public, à porter atteinte aux membres de la commission et à les diffamer.
La commission rappelle que la diffusion de délibérations internes constitue un acte illégal, en vertu du règlement intérieur du Conseil national de la presse, qui impose la confidentialité des réunions. Elle souligne également que la publication d’images ou de propos de personnes sans leur consentement n’a aucun lien avec la liberté d’expression. Selon la commission, cette vidéo s’inscrit dans une série d’attaques menées depuis plusieurs mois par El Mahdoui, qui publie régulièrement des contenus visant ses membres.
Face à la gravité des faits, la commission annonce qu’elle engagera des poursuites judiciaires contre Hamid El Mahdoui et toute personne impliquée dans la diffusion de ces contenus illégaux.
Les journalistes, quant à eux, ne restent pas bras croisés. Ils sont plus de 230, lundi 24 novembre 2025 à 12h00. Des journalistes de tous horizons, de tous âges, de tous médias. Et ils ont signé une pétition sans équivoque : « Nous condamnons avec la plus grande fermeté les pratiques graves attribuées à la Commission d’éthique ». Dans leur appel, publié il y a quelques jours, « ils dénoncent un système où les règles sont bafouées, où les procédures disciplinaires sont détournées pour régler des comptes, et où la dignité des journalistes est piétinée ».
La presse internationale : le Maroc sous les projecteurs
D’Al Quds Al Arabi à Rai Al Youm, en passant par RT Arabic, la presse arabophone a largement relayé le scandale. Les termes sont sans appel : « scandale moral et juridique », « crise de confiance », « atteinte à la dignité de la profession ». Pour ces médias, l’affaire El Mahdaoui est révélatrice des tensions qui traversent le secteur de la presse marocaine. La couverture médiatique internationale a d’ailleurs amplifié la pression sur les autorités.
La Fédération marocaine des éditeurs de journaux (FMEJ) a réagi avec fermeté suite aux révélations de Hamid El Mahdaoui. Dans un communiqué, la Fédération dénonce un « grave manquement éthique » et exige la fin de toute tentative de mainmise sur le secteur. Elle condamne « une atteinte manifeste aux droits humains, aux principes déontologiques du journalisme, à l’indépendance de la justice et à l’autorégulation ».
Les vidéos publiées par El Mahdaoui, selon la FMEJ, révèlent « ignorance, déclin moral et juridique, langage indigne et esprit vindicatif » au sein du Comité d’éthique professionnelle. Elles mettent également en évidence « des violations flagrantes de la justice disciplinaire », affectant la dignité, les droits de défense et les garanties légales de Hamid El Mahdaoui, ainsi que d’autres confrères sanctionnés.
Lire aussi : Ce que propose le CNDH pour garantir la liberté et l’indépendance de la presse
Face à ces révélations, la FMEJ appelle à « l’ouverture immédiate d’une enquête judiciaire et administrative approfondie » sur le traitement réservé à El Mahdaoui et aux autres journalistes concernés, ainsi que sur le fonctionnement du comité intérimaire. Elle réclame également l’application de sanctions légales contre les responsables et la publication des conclusions de l’enquête pour informer le public et les professionnels.
Par ailleurs, la Fédération demande la suspension du processus législatif à la Chambre des conseillers sur le projet de loi de réorganisation du Conseil national de la presse, estimant que ce texte s’inscrit dans la même logique dénoncée par les vidéos. Elle exhorte le gouvernement et le ministère concerné à proposer des solutions administratives et juridiques pour combler le vide actuel et à élaborer une nouvelle vision de l’organisme d’autorégulation, basée sur un dialogue sérieux avec toutes les organisations professionnelles légitimes.
Le communiqué rappelle que le mandat légal du comité provisoire a pris fin début octobre, conformément à l’article 2 de la loi qui l’a institué.
Par ailleurs, adoptant une position opposée à celle de la commission provisoire, le Syndicat national de la presse marocaine a publié un communiqué exprimant son indignation face au contenu des enregistrements divulgués. Selon le syndicat, ces enregistrements révèlent des « faits d’une extrême gravité portant atteinte à la dignité humaine » et mettent en lumière des « dérives sans précédent » impliquant certains membres de la commission provisoire. Il considère également que ces enregistrements témoignent d’une « manipulation dangereuse » de l’esprit d’autorégulation de la profession. Le syndicat demande l’ouverture d’une enquête urgente, indépendante et approfondie afin de faire toute la lumière sur cette affaire et d’engager les responsabilités juridiques et disciplinaires nécessaires.
L’AMDH sonne l’alarme
L’Association marocaine des droits humains (AMDH) condamne à son tour le contenu des vidéos attribuées à la Commission provisoire chargée de la gestion du secteur de la presse et exprime sa solidarité totale avec le journaliste Hamid El Mahdaoui.
Le Bureau central de l’AMDH suit avec inquiétude ces enregistrements « visant à empêcher Hamid Mahdaoui d’exercer son métier, par des méthodes dégradantes et contraires aux normes professionnelles. Ces comportements portent atteinte aux institutions chargées de la régulation de la presse ainsi qu’au système judiciaire », peut-on lire dans le communiqué de l’AMDH.
« Les vidéos contiennent des propos injurieux, des descriptions humiliantes et des tentatives d’ingérence dans la justice, laissant entendre une volonté d’influencer des dossiers judiciaires impliquant le journaliste. L’AMDH dénonce ces pratiques comme immorales et inacceptables, portant gravement atteinte à l’image de la Commission provisoire, censée garantir neutralité, indépendance et respect des règles professionnelles ».
L’AMDH rappelle que toute tentative de cibler des journalistes à travers des instances illégitimes constitue un abus grave et un climat d’intimidation, contraire à la liberté de la presse et à la protection des droits des journalistes. L’Association souligne également que ces enregistrements portent atteinte à la fonction des avocats et à l’autorité judiciaire, institutions clés pour la protection des droits et libertés.
Face à cette situation, le Bureau central « réaffirme son soutien total à Hamid El Mahdaoui et son droit à la défense et à la dignité, appelle à l’ouverture d’une enquête indépendante et transparente pour identifier les responsabilités et éviter la répétition de tels abus, demande au président délégué de l’autorité judiciaire de clarifier la situation et de protéger l’intégrité du système judiciaire, insiste sur la nécessité de protéger la liberté de la presse, la dignité des journalistes et le droit d’accès à l’information ».
Pour les défenseurs des droits humains, l’affaire El Mahdaoui est bien plus qu’un simple scandale. C’est le symbole d’une répression plus large contre les voix critiques.
Les avocats ne sont pas en reste
Les fuites révélées par le journaliste ont conduit à une intensification des protestations de la part de l’Association nationale des avocats du Maroc, qui a publié un communiqué demandant une enquête urgente sur ce qu’elle considère comme de graves manquements professionnels et éthiques de la part des membres du Comité provisoire chargé de la gestion du secteur de la presse.
Le communiqué précise que les enregistrements contiennent des propos humiliants à l’égard des avocats, tels que : « avocats dégénérés », « avocat comme un djinn dans des toilettes » et « avocat Boughrara », des termes qui portent directement atteinte à la dignité de la profession et compromettent la confiance dans le système judiciaire. Il insiste sur le fait que ces déclarations constituent une violation flagrante des principes de l’éthique professionnelle et menacent l’indépendance des avocats dans l’exercice de leurs fonctions.
Le communiqué a également souligné que la profession d’avocat n’est pas une simple fonction technique, mais une mission fondée sur des valeurs éthiques et des droits, tirant son inspiration des principes des Nations unies (1990) sur la protection des avocats contre toute ingérence, diffamation ou abus, garantissant leur indépendance et préservant leur statut, tout en interdisant tout discours diminuant les droits des justiciables ou portant atteinte à l’image de la défense.
Dans le cadre de ses demandes, l’association a appelé à l’ouverture d’une enquête urgente et transparente pour déterminer les responsabilités liées aux propos humiliants, protéger l’indépendance des avocats et considérer toute violation de la profession comme une atteinte à la justice elle-même. Le communiqué a également alerté sur la gravité des propos insultants émanant de toute instance institutionnelle censée protéger les valeurs professionnelles.
L’organisation a par ailleurs exprimé sa solidarité avec le journaliste Hamid El Mahdaoui, tout en réaffirmant la garantie des droits des journalistes conformément aux chartes internationales, et en appelant à l’application stricte des règles de responsabilité et de reddition de comptes afin d’éviter la répétition de manquements portant atteinte aux professions juridiques et médiatiques.
L’association a mis en garde contre le fait que la poursuite de ces abus pourrait affaiblir la confiance dans le système judiciaire et les institutions légales, réduire la capacité à garantir aux justiciables le droit à un procès équitable et porter atteinte à l’indépendance de la défense. Elle a également souligné que la protection de la dignité des avocats fait partie intégrante de la sauvegarde de la justice et du maintien de la confiance dans les institutions.
Enfin, l’association a insisté sur le fait qu’elle suit l’affaire de près et qu’elle prendra toutes les mesures légales et institutionnelles appropriées pour protéger les avocats et préserver l’indépendance de la justice, en réaffirmant que toute atteinte à la profession constitue une atteinte à la justice et à l’ensemble de la société.
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