Maroc : le marché de l’emploi survivra-t-il au Mondial 2030 ?
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Un rapport publié par le Centre africain pour les études stratégiques et la numérisation (CAESD) vient alerter sur cette fragilité. Intitulé « Marché du travail marocain : entre fragilité du présent et opportunités de demain », il met en évidence un double paradoxe : d’un côté, une dynamique sectorielle indéniable ; de l’autre, des risques structurels susceptibles de compromettre la pérennité des gains attendus.
Selon l’étude, la préparation du Mondial devrait générer près de 250.000 emplois temporaires dans le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP), ainsi qu’environ 100.000 postes semi-durables dans le tourisme et l’hôtellerie. Cet essor reflète l’ampleur des investissements engagés pour accueillir la compétition, qu’il s’agisse de nouvelles infrastructures sportives, d’hôtels ou de services liés à l’accueil des supporters.
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Toutefois, les auteurs mettent en garde contre une « prospérité circonstancielle ». Une fois les chantiers achevés, le secteur du BTP risque de se retrouver avec un excédent de main-d’œuvre, et si aucune stratégie durable n’est mise en place pour fidéliser les visiteurs, le tourisme pourrait rapidement perdre son élan. Le CAESD prévient ainsi d’un possible « choc post-Mondial » pouvant laisser des milliers de travailleurs sans alternatives.
Une dépendance risquée à l’Europe
Au-delà de l’effet Coupe du monde, le rapport pointe une fragilité plus profonde : la forte dépendance de l’économie marocaine à l’Europe. Plus de 80% des exportations automobiles sont destinées à l’Union européenne, ce qui rend le pays particulièrement exposé aux choix politiques et environnementaux de Bruxelles. La transition vers le véhicule électrique, l’instauration de taxes carbone ou encore les relocalisations industrielles constituent autant de menaces pesant sur la pérennité de dizaines de milliers d’emplois.
Le constat est similaire dans le secteur des centres d’appel, qui emploient environ 90.000 jeunes et dépendent à 80% du marché français. Or, dès 2026, une nouvelle loi limitant le « cold calling » en France pourrait fragiliser sérieusement l’activité de ces entreprises au Maroc. Cette concentration géographique et sectorielle est qualifiée par le centre de « talon d’Achille » du marché du travail.
Risque de bulle sociale après 2030
Le CAESD met en garde : si le pays ne planifie pas dès maintenant l’après-2030, le Maroc risque de faire face à une vague de chômage « historique ». Les travailleurs du BTP et du tourisme, mais aussi ceux des services externalisés, pourraient devenir les principales victimes de cette bulle conjoncturelle. La multiplication des emplois précaires et temporaires, sans perspectives de reconversion, pourrait même nourrir une crise sociale d’ampleur.
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Pour éviter ce scénario, le rapport appelle à une réaction rapide et coordonnée. Il recommande la création d’un comité national réunissant pouvoirs publics, acteurs privés et experts indépendants. Cette instance aurait pour mission d’organiser la réaffectation des travailleurs vers de nouveaux horizons, tels que la maintenance urbaine, les infrastructures vertes ou encore l’économie circulaire.
Parallèlement, l’étude insiste sur la nécessité de diversifier les débouchés internationaux. Le Maroc doit se tourner davantage vers l’Afrique, le Moyen-Orient et les Amériques afin de réduire sa dépendance à l’Europe. La mise en place d’un fonds de reconversion pour les salariés les plus exposés, notamment dans les centres d’appel, figure également parmi les pistes évoquées.
Miser sur l’éducation et l’innovation
Au-delà des urgences, le document plaide pour une réforme en profondeur du Code du travail afin de l’adapter à la diversité croissante des formes d’emploi et de garantir des droits sociaux transférables. La modernisation de la formation professionnelle est jugée prioritaire : l’enseignement des compétences digitales, de la pensée critique et des métiers liés à l’économie verte devrait être généralisé dès le cycle scolaire.
Le rapport propose aussi des pistes audacieuses pour l’avenir : expérimenter un revenu de base ciblé pour certaines catégories vulnérables, réduire la semaine de travail à quatre jours afin de mieux partager les gains de productivité, ou instaurer un système national d’apprentissage tout au long de la vie.
L’organisation du Mondial 2030 apparaît ainsi comme un catalyseur puissant mais éphémère. Elle peut renforcer la visibilité internationale du Maroc et stimuler des secteurs stratégiques, mais elle ne saurait constituer une solution durable en soi. Comme le souligne le CAESD, « l’élan est bien réel, mais il ne saurait durer » sans une stratégie claire de diversification économique et de reconversion des compétences.
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