Quand le marché noir gâche l’inauguration du Stade Moulay Abdellah

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Quand le marché noir gâche l’inauguration du Stade Moulay AbdellahTicket du match Maroc-Niger © DR

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L’inauguration du nouveau stade Moulay Abdellah à Rabat, présentée comme une grande fête du football à l’occasion du match Maroc–Niger, est assombrie par la flambée des prix sur le marché noir. Des billets vendus officiellement à 100 dirhams se revendent jusqu’à 700 dirhams, suscitant colère et indignation.

Vendredi 5 septembre, les Lions de l’Atlas affrontent le Niger pour un match crucial des éliminatoires de la Coupe du monde 2026. Au-delà de l’enjeu sportif, cette rencontre devait marquer un moment symbolique : l’inauguration du nouveau Complexe Moulay Abdellah de Rabat, modernisé et agrandi pour accueillir près de 70.000 spectateurs.

Mais au lieu d’une fête populaire, l’événement vire à la frustration. Quelques heures seulement après l’ouverture de la billetterie, les places disparaissent des circuits officiels pour réapparaître à des prix exorbitants sur internet. Une spéculation qui ternit l’image d’un rendez-vous historique et met en lumière la faiblesse des mécanismes de contrôle.

Une billetterie saturée dès les premières heures

Le matin du 26 août, la plateforme Webook, désignée comme unique canal de vente, a été prise d’assaut. Des dizaines de milliers de supporters ont tenté d’obtenir un précieux sésame. En un temps record, de nombreuses catégories affichaient complet. Plus de 69.500 places ont ainsi trouvé preneurs, confirmant l’engouement pour ce match inaugural.

Pourtant, de nombreux supporters ont vite déchanté. Sur les réseaux sociaux, les témoignages se multiplient. « Très mauvaise expérience avec Webook, seulement quelques places dispersées, et au final obligé de passer par le marché noir. Déception totale », témoigne un internaute. D’autres dénoncent des files d’attente interminables et instables. « Comment expliquer qu’on soit renvoyé à la 4.000 e place dans la file d’attente après avoir été 500e ?? @webook, qu’est-ce qui ne va pas avec votre plateforme ??? J’ai attendu plus de 70 minutes… Honte à vous », écrit un autre utilisateur.

Ces expériences renforcent le sentiment d’injustice. Pour beaucoup, il est quasiment impossible d’acheter un billet par les voies officielles.

Lire aussi : Lions de l’Atlas : le match Maroc–Niger se jouera à guichets fermés

La flambée des prix sur le marché noir

À peine la billetterie close, les premières annonces fleurissent sur les plateformes de revente et les réseaux sociaux. Des billets de troisième catégorie, initialement proposés à 100 dirhams, apparaissent à 250, 500, voire 700 dirhams. Les places de catégories supérieures suivent la même tendance, avec des prix qui explosent à des niveaux inabordables pour le public populaire.

Cette pratique, connue sous le nom de « scalping », n’est pas nouvelle. Elle accompagne désormais chaque grande rencontre des Lions de l’Atlas, mais prend ici une ampleur exceptionnelle. La logique est simple : acheter en masse dès l’ouverture, puis revendre avec une marge vertigineuse.

Les supporters dénoncent unanimement cette spéculation. « Si vous n’avez pas obtenu vos billets sur le site officiel, ne les achetez pas auprès des revendeurs. Si nous ne combattons pas ce marché noir dès maintenant, le chaos sera encore plus grand lors des matchs de la CAN. Qu’ils gardent leurs billets », prévient un internaute sur X.

Pour de nombreux passionnés, assister au match devient un luxe. Les familles et les jeunes supporters, qui attendaient avec impatience ce moment historique, se retrouvent exclus.

Le stade Moulay Abdellah inauguré le 5 septembre à l’occasion de Maroc–Niger

Une colère populaire grandissante

Sur les réseaux sociaux, la réaction est vive. Les internautes parlent d’un « détournement des billets au profit de quelques individus cupides ». Certains accusent de véritables réseaux organisés, capables d’accaparer des lots entiers grâce à des failles du système de vente.

Les critiques visent aussi la transparence du processus. Le fait que la plateforme officielle ait connu des dysfonctionnements nourrit la suspicion. « Résultat : temps perdu et toujours obligé de passer par le marché noir », résume un supporter.

Cette indignation dépasse la simple frustration individuelle. Elle traduit une inquiétude plus large : le sentiment que les instances du football, malgré des promesses récurrentes, ne parviennent pas à protéger les supporters contre la spéculation.

Quelles réponses face à un fléau récurrent ?

Le phénomène du marché noir des billets ne touche pas seulement le Maroc. Partout, les grands événements sportifs ou musicaux deviennent des terrains de spéculation. Mais certains pays ont adopté des mesures strictes : billetterie nominative, limitation du nombre d’achats par personne, contrôles d’identité renforcés aux entrées, sanctions judiciaires contre les revendeurs.

Au Maroc, la nécessité d’agir devient urgente. Les supporters redoutent que la situation ne s’aggrave lors des prochains rendez-vous. L’organisation de la Coupe d’Afrique des Nations 2025 représente un test majeur. Si les autorités n’anticipent pas, la spéculation pourrait atteindre des proportions incontrôlables.

Au-delà des mesures techniques, il s’agit aussi de défendre une vision : celle d’un football populaire, accessible à tous. Car un stade flambant neuf n’a de sens que s’il est rempli de vrais supporters, et non de revendeurs ou de spectateurs contraints de payer des prix faramineux.

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Des billets du match Maroc x Niger vendu sur les réseaux sociaux © DR

Ce qui devait être une célébration sportive et populaire se transforme en scandale. L’inauguration du nouveau Stade Moulay Abdellah restera associée, pour beaucoup, non pas à la victoire des Lions de l’Atlas ou à la beauté du spectacle, mais à la spéculation effrénée autour des billets. Le football marocain, pourtant en plein essor sur la scène internationale, se heurte encore à cette plaie récurrente.

Les supporters, eux, attendent une réponse claire : des règles strictes, une billetterie transparente et une volonté ferme de protéger l’accès équitable aux stades. Faute de quoi, la fête du football continuera d’être confisquée par une minorité, au détriment de ceux qui lui donnent tout son sens : les passionnés.

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