A Kénitra, l’eau trouble les portefeuilles

Avatar de Sabrina El Faiz
Temps de lecture :

A Kénitra, l’eau trouble les portefeuillesImage d'illustration, compteur au Maroc © DR

A
A
A
A
A

Depuis la mise en place des Sociétés régionales multiservices (SRM) en janvier 2024, de nombreux Marocains font face à une gestion chaotique de l’eau et de l’électricité. À Kénitra, les plaintes s’accumulent et la Fédération marocaine des droits du consommateur monte au créneau. Son président, Bouazza Kherrati, dénonce un système inéquitable et une arnaque, qui fait payer au citoyen les erreurs d’une réforme précipitée.

La sécheresse est bien là. On le saura. La sobriété hydrique est de mise. C’est un fait. Mais ce n’est pas une raison pour profiter de cette situation et faire payer les citoyens bien plus qu’ils ne devraient. Non pas à cause d’un excès d’eau gaspillée par les foyers, mais bien à cause de défaillances dans la gestion.

À Kénitra notamment, la colère gronde et monte de plus en plus. Depuis l’entrée en vigueur de la nouvelle réforme du secteur, confiée à des Sociétés régionales multiservices (SRM), les usagers se disent mal servis, voire maltraités. Factures fantaisistes, absence de relevés de compteurs, coupures arbitraires… La Fédération marocaine des droits du consommateur parle d’un « mépris organisé » à l’égard des usagers.

Jusqu’à fin 2023, la distribution de l’eau et de l’électricité au Maroc était assurée par plusieurs acteurs : régies autonomes, sociétés privées délégataires (Lydec, Amendis…) ou encore l’Office national de l’électricité et de l’eau potable (ONEE). Depuis janvier 2024, une réforme a uniformisé le système. Chaque région est désormais dotée d’une SRM, censée centraliser la gestion de l’eau, de l’électricité et de l’assainissement. Cette rationalisation administrative a vite tourné au cauchemar pour de nombreux usagers. « À Kénitra, la SRM n’a pas démarré comme il faut. Elle ne passe pas relever les compteurs. On facture au doigt mouillé, par estimation et ce sont les consommateurs qui payent les pots cassés », dénonce Bouazza Kherrati.

Cette estimation de la consommation (censée être une solution exceptionnelle) devient selon lui une norme abusive. Or, lorsqu’un relevé est manqué et que la consommation est estimée à la hausse, l’usager peut se retrouver à franchir une tranche tarifaire supérieure, avec des prix doublés à la clef. « C’est une méthode qui enrichit la société sur le dos des citoyens. C’est une arnaque à grande échelle », déclare Kherrati.

Coupures arbitraires et absence de dialogue

Les conséquences sont parfois dramatiques pour les ménages. Coupures d’eau ou d’électricité, blocage de paiements, absence de réponse des services clients… la relation entre les SRM et les consommateurs semble au point de divorce avant même d’avoir commencé. La fédération des consommateurs a pourtant saisi la SRM de Rabat-Kénitra à plusieurs reprises. Aucune réponse. La SRM couperait l’électricité à des foyers qui auraient payé, parce qu’il y aurait un litige sur une facture d’eau antérieure.

Selon les témoignages collectés par la fédération, certains consommateurs voient leurs paiements refusés parce qu’ils ne peuvent pas régler l’intégralité d’un ancien litige, qui ne serait pas de leurs faits, même s’ils sont à jour sur leur consommation mensuelle.

De Lydec à la SRM : ce qui va vraiment changer pour les habitants de Casablanca-Settat

Le cas de Kénitra n’est pas une première. Le même type de dysfonctionnement a déjà été observé à Agadir, première ville à expérimenter le système des SRM dans le cadre d’un projet pilote. Là-bas, les plaintes avaient afflué dès les premiers mois, avec les mêmes symptômes, à savoir des relevés absents, des estimations arbitraires, un service client injoignable, des coupures brutales… « Ce n’est pas la même société partout, mais c’est le même modèle. On a remplacé des régies plus ou moins anciennes par un système qui ne recrute pas, ne forme pas et n’écoute pas », analyse Kherrati.

Ce qui est inquiétant là, c’est une forme de privatisation déguisée. Même si les SRM sont censées être publiques, leur mode de fonctionnement semble s’inspirer du secteur privé, avec un objectif de rentabilité maximale et une réduction drastique des charges, au détriment du service rendu.

Dernier articles
Les articles les plus lu
Barrages : hausse des réserves d’eau après les pluies

Société - Plusieurs barrages à travers le Maroc ont connu une hausse de leurs volumes, confirmant l’impact direct des pluies sur les réserves d’eau.

Rédaction LeBrief - 14 novembre 2025
L’OMS reconnaît le Maroc comme pays maîtrisant l’hépatite B

Société - Reconnu par l’OMS comme pays maîtrisant l’hépatite B, le Maroc franchit une étape sanitaire majeure, fruit d’efforts soutenus en prévention, dépistage et prise en charge.

Hajar Toufik - 14 novembre 2025
Criminalité au Maroc : quelle évolution ?

Société - Entre 2002 et 2022, la criminalité au Maroc s’est intensifiée et diversifiée : violence, fraude, corruption et nouvelles formes de délinquance numérique.

Hajar Toufik - 14 novembre 2025
SPARKS de la FST Fès remporte le prix « Sustainability in Action » au Caire

Société - La FST Fès se distingue au Caire lors de la YEC 2025, récompensée pour son engagement en faveur du développement durable.

Mouna Aghlal - 14 novembre 2025
Transavia inaugure sa nouvelle ligne Amsterdam–Rabat

Société - Découvrez la nouvelle liaison Transavia entre Amsterdam et Rabat, qui répond à une demande croissante pour cette destination.

Mouna Aghlal - 14 novembre 2025
Mise en service de la nouvelle branche du nœud autoroutier de Sidi Maarouf

Société - La nouvelle branche du nœud autoroutier de Sidi Maarouf ouvre ses voies, offrant sécurité, fluidité et modernité aux usagers en direction de l’aéroport et Marrakech.

Hajar Toufik - 14 novembre 2025
Voir plus
Manifestations de la « GenZ 212 » : 60 personnalités marocaines exhortent le Roi à engager des réformes profondes

Société - Soixante figures marocaines appellent le roi Mohammed VI à lancer des réformes profondes en phase avec les revendications de la jeunesse.

Hajar Toufik - 8 octobre 2025
Travaux : les Casablancais n’en peuvent plus !

Dossier - Des piétons qui traversent d’un trottoir à l’autre, des voitures qui zigzaguent… À croire que les Casablancais vivent dans un jeu vidéo, sans bouton pause.

Sabrina El Faiz - 12 avril 2025
Manifestations de la « GenZ 212 » : appel à boycotter les entreprises liées à Akhannouch

Société - Les manifestations de la « GenZ 212 », poursuivent leur mobilisation à travers un appel au boycott des entreprises liées à Aziz Akhannouch.

Ilyasse Rhamir - 7 octobre 2025
Mariages marocains : l’amour au prix fort

Société - Au Maroc, on peut rater son permis de conduire, son bac… Mais rater son mariage ? Inenvisageable !

Sabrina El Faiz - 23 août 2025
La classe moyenne marocaine existe-t-elle encore ?

Dossier - Au Maroc, pour définir le terme classe moyenne, nous parlons de revenus. Cela ne veut pourtant plus rien dire.

Sabrina El Faiz - 5 juillet 2025
Faux et usage de faux, la dangereuse fabrique de l’illusion

Dossier - Un faux témoignage peut envoyer un innocent en prison ou blanchir un coupable. Un faux diplôme casse la méritocratie. Un faux certificat peut éviter une sentence.

Sabrina El Faiz - 24 mai 2025
pub

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée Champs requis marqués avec *

Poster commentaire