Au milieu du XXᵉ siècle, le Maroc vivait encore sous le double joug du Protectorat français et espagnol, chaque puissance contrôlant une partie du territoire. Le Sultan Mohammed V, exilé à Madagascar depuis 1953, incarnait alors l’espoir d’un peuple entier en quête de retour et de Souveraineté. Face à cette situation, les nationalistes marocains, surtout ceux du parti de l’Istiqlal, multipliaient les initiatives politiques, diplomatiques et parfois clandestines, pour accélérer la marche vers l’indépendance. Immersion.

Temps de lecture :
A A A A A

A cette époque, le bannissement du Sultan Mohammed V ne fit qu’attiser la colère, surtout dans le Nord, déjà meurtri par la guerre du Rif des années 1920. Cette tension ouvrit la voie à une résistance armée plus structurée. C’est dans ce contexte que naquit l’idée de l’Armée de libération nationale (ALN), conçue comme le bras militaire du combat anticolonial, en complément de la lutte politique.

Plusieurs éléments préparèrent le terrain de l’insurrection. D’une part, la population du Nord subissait une profonde frustration face aux injustices foncières, tracasseries administratives, inégalités… Un ressentiment qui ne cessait de s’amplifier. D’autre part, des réseaux clandestins avaient déjà commencé à acheminer des armes. En mars 1955, le navire Dina, venu du monde arabe, accosta discrètement à Ras Al Maa, à l’Est de Nador et permit d’équiper les groupes de résistants en matériel essentiel.

4 juillet 1956 : 5.000 hommes de l’Armée de libération à disposition du Sultan

Dans certaines tribus rifaines, comme les Igzenayen, des figures locales, à l’image de Mohand ben Messaoud Ababou, lièrent leur autorité traditionnelle à la dynamique de la lutte armée. L’attaque, soigneusement préparée dans le secret, fut pensée comme une opération coordonnée destinée à surprendre l’armée coloniale dans son sommeil.

La nuit du 1er au 2 octobre 1955

A la tombée de la nuit, ce 1er octobre, l’ALN lança son offensive dans le Rif, visant les postes avancés français dans une zone vite surnommée le « triangle de la mort ». Les résistants mirent en place des attaques simultanées contre des bureaux indigènes et des postes militaires à Aknoul, Tizi Ouasli et Boured. Ils avaient pour stratégie de couper les lignes de ravitaillement, désorienter l’adversaire et donner un nouvel élan au moral des combattants locaux.

L’offensive fut conduite par des leaders de poids comme Abbas Messaâdi, originaire du Rif et membre influent de l’ALN, organisateur des attaques d’Aknoul, Tizi Ouasli et Boured. Mohand ben Messaoud Ababou, chef respecté des Igzenayen, joua aussi un rôle important dans la mobilisation locale.

Lire aussi : Le 5 juin 1943 : le Maroc tourne la page Vichy

C’est donc un peu après minuit, aux premières lueurs du  2 octobre que les assauts éclatèrent en même temps sur trois fronts : Boured, Tizi Ouasli et Imouzzer Marmoucha. Le relief accidenté compliqua l’intervention des blindés et des avions français, incapables de frapper efficacement des maquisards dispersés dans les montagnes. Certains témoignages évoquent près de 2.000 combattants marocains mobilisés cette nuit-là. L’attaque d’Imouzzer Marmoucha est d’ailleurs restée l’un des épisodes les plus sanglants de cette insurrection.

La presse coloniale baptisa alors la zone touchée « le triangle de la mort », en référence à la violence des combats et aux pertes subies.

La riposte coloniale

La réaction française fut immédiate et brutale. Des renforts venus de Taza, Fès et Meknès convergèrent vers Marmoucha et le triangle de la mort. Les troupes coloniales menèrent des opérations de répression contre les populations soupçonnées de soutenir l’ALN, allant jusqu’à commettre des représailles meurtrières.

A Boured, la maison du cheikh Ababou fut incendiée, ses biens détruits, une tentative d’intimidation dirigée contre la résistance locale. Par ailleurs, la France accusa l’Espagne d’avoir fermé les yeux, voire facilité les mouvements des résistants dans les zones frontalières. Malgré la férocité de la riposte, l’ALN réussit à conserver certaines positions, démontrant sa capacité réelle à tenir tête à l’armée coloniale.

Les soulèvements des 29, 30 et 31 janvier 1944

En effet, cette offensive fit basculer la résistance d’un combat politique vers une véritable lutte armée organisée. Elle galvanisa les populations du Nord, surtout dans le Rif, en prouvant que l’occupant n’était pas intouchable. L’évènement contraignit aussi la France à reconnaître qu’elle n’avait pas la mainmise totale sur le territoire. Il inspira d’autres foyers de résistance dans le pays. Enfin, il renforça la légitimité du mouvement nationaliste marocain sur la scène internationale, rendant l’indépendance inévitable.

Souvent qualifiée de « deuxième guerre du Rif », l’offensive du 1er au 2 octobre ouvrit une nouvelle ère de guérilla qui allait se poursuivre jusqu’à l’indépendance de 1956. Contrairement à un simple soulèvement spontané, elle fut le fruit d’une mobilisation locale, logistique solide et coordination entre cadres nationalistes.

Après l’indépendance, l’ALN fut intégrée aux nouvelles Forces Armées Royales, créées officiellement le 14 mai 1956. L’épisode reste commémoré comme un moment d’unité nationale, où les sacrifices des résistants du Rif sont honorés dans la mémoire collective.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée Champs requis marqués avec *

Poster commentaire