Tourisme : 16 MMDH de foncier public, pour quelle relance réelle ?

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Tourisme : 16 MMDH de foncier public, pour quelle relance réelle ?Locaux de l’Agence nationale de la conservation foncière, du cadastre et de la cartographie, à Rabat © DR

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En 2024, près d’un quart du foncier public mobilisé a été dédié au tourisme, soulignant son rôle stratégique dans la relance post-pandémie. Mais la répartition régionale et la nature des projets montrent un usage très contrasté du domaine public de l’État.

La Direction des Domaines de l’État (DDE) a publié son rapport sur la mobilisation du foncier public pour l’investissement au titre de l’exercice 2024. Cette année, 242 projets ont été approuvés, couvrant une superficie totale d’environ 48.900 hectares et représentant un investissement global de 56,4 milliards de DH (MMDH).

Le secteur du tourisme se distingue parmi les principaux bénéficiaires. En 2024, il a profité de 450 hectares de foncier pour 33 projets d’investissement, d’une valeur globale de 16,184 MMDH, devant générer 3.170 emplois à terme. Ces projets concernent principalement des infrastructures hôtelières, balnéaires et de loisirs.

Pourtant, la répartition de ces investissements reste inégale. Elle soulève des questions clés : où va réellement le foncier touristique, et à qui profite-t-il ?

Combien de foncier pour le tourisme en 2024 ?

Selon le rapport, le tourisme a absorbé près de 25% de la superficie totale mobilisée pour les secteurs productifs. En valeur d’investissement, cette part atteint plus de 43% dans certaines régions. Cette orientation traduit la volonté de renforcer l’offre nationale en hébergement et en infrastructures touristiques.

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Au total, le foncier destiné au tourisme a permis la validation de plusieurs dizaines de projets : stations balnéaires, complexes écologiques ou installations sportives intégrées. Ces projets s’inscrivent dans la stratégie nationale du tourisme, relancée après la crise sanitaire, qui vise à diversifier les destinations au-delà de Marrakech et Agadir.

Cependant, la dynamique reste inégale. Certaines régions concentrent l’essentiel du foncier touristique, tandis que d’autres peinent à transformer leurs réserves publiques en projets concrets.

Quelles régions profitent le plus de la mobilisation touristique ?

La région de Casablanca-Settat figure parmi les grandes gagnantes. En 2024, elle a enregistré 18 projets sur 864 hectares, pour un investissement de 17,3 MMDH et la création prévue de 8.430 emplois.

Le tourisme et l’industrie représentent 75,8% de la superficie mobilisée. Cette orientation accompagne la revalorisation urbaine et littorale, notamment sur la façade atlantique, où plusieurs projets visent à renforcer l’offre balnéaire et d’affaires.

Plus au sud, Dakhla-Oued Eddahab s’impose comme un nouveau pôle d’attraction. Entre 2024 et le premier semestre 2025, la région a absorbé 54,9% du foncier touristique national, 26% des investissements et 23% des emplois créés dans le secteur.

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Cette concentration illustre les ambitions du gouvernement pour faire de Dakhla une vitrine du tourisme durable et un levier de diplomatie économique. Plusieurs projets hôteliers, zones nautiques et complexes de loisirs y sont programmés dans le cadre de la stratégie d’aménagement du Sud.

La région de Souss-Massa confirme, elle aussi, sa place historique dans la carte touristique nationale. En 2025, 2.470 hectares y ont été mobilisés pour 12 projets liés à l’habitat et au tourisme, pour 2,86 MMDH d’investissement et 1.714 emplois. Le tourisme y représente plus de 67% de la superficie mobilisée, confirmant le rôle d’Agadir dans la diversification de l’offre balnéaire et écologique.

Les projets privilégiés

Les projets soutenus s’inscrivent dans la stratégie nationale du tourisme, alliant modernisation urbaine et développement territorial. Parmi les principales initiatives, figure la mobilisation de terrains pour les stations du Plan Azur : Mogador (Essaouira), Lixus (Larache) et Immi Ouddar (Agadir). Ces zones, longtemps freinées par des blocages fonciers et réglementaires, bénéficient aujourd’hui d’une reprise des procédures domaniales.

En parallèle, plusieurs projets de moindre envergure ont été validés : maisons d’hôtes, campements écologiques et centres de loisirs régionaux.
Ces projets sont portés par la gestion déconcentrée de l’investissement, qui représente 94% des dossiers approuvés en 2024. Ce mode de gestion rapproche la décision du terrain et accélère la valorisation du patrimoine public local.

Le rapport mentionne aussi la mobilisation de foncier pour des projets structurants : zones balnéaires intégrées, aires de loisirs et infrastructures sportives. Ces opérations traduisent une convergence entre politique foncière et développement territorial, même si leur impact social et environnemental reste à évaluer.

Dakhla, Casablanca, Souss-Massa : trois modèles d’usage du foncier touristique

Les chiffres du rapport mettent en lumière trois approches régionales distinctes :

  • Dakhla-Oued Eddahab : le foncier sert la création d’une destination internationale axée sur l’écotourisme, les sports nautiques et l’investissement étranger
  • Casablanca-Settat : le foncier public devient un outil de requalification urbaine. L’État y cède ou loue des terrains pour des projets hôteliers, marinas et centres de congrès
  • Souss-Massa : la logique est mixte, entre tourisme côtier classique et projets intégrés liés à l’habitat, avec une forte dimension régionale.

Ces contrastes montrent l’absence d’une vision unifiée de la mobilisation foncière touristique. Certaines régions bénéficient d’une concentration des efforts publics, tandis que d’autres, notamment celles de l’intérieur, restent à l’écart des grandes dynamiques d’investissement.

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Quelles perspectives et quels défis pour 2025 ?

Au premier semestre 2025, la tendance se poursuit. 59 hectares ont été mobilisés pour 23 projets touristiques, pour un investissement de 1,3 MMDH et 1.060 emplois prévus. Dakhla conserve sa position dominante, avec plus de 27% des projets et plus de la moitié des superficies mobilisées.

Cette évolution confirme la priorité accordée au tourisme comme vecteur d’emploi et de valorisation territoriale. Elle pose cependant la question de la soutenabilité foncière : comment éviter la surconcentration dans certaines zones et garantir une répartition équilibrée entre régions littorales et intérieures ?

Un autre défi majeur concerne le suivi effectif des projets. Le rapport note la récupération de 2.755 hectares en 2024 auprès d’investisseurs défaillants. Ce chiffre illustre la difficulté à transformer le foncier attribué en projets réellement réalisés. La DDE prévoit de renforcer le contrôle contractuel et la réaffectation rapide des terrains non exploités, mais l’enjeu reste important.

La mobilisation du foncier public pour le tourisme en 2024 a atteint une ampleur inédite, tant par les superficies allouées que par la diversité des projets. Pourtant, cette politique reste marquée par des déséquilibres territoriaux et une dépendance aux régions déjà attractives.

Dakhla, Casablanca et Agadir concentrent à elles seules la majorité du foncier touristique, au détriment de régions à fort potentiel mais moins visibles, comme Drâa-Tafilalet ou Béni Mellal-Khénifra.

Au-delà des chiffres, la question essentielle demeure : le foncier public mobilisé pour le tourisme contribue-t-il réellement à un développement territorial équilibré, ou renforce-t-il les écarts régionaux existants ?

C’est autour de cette interrogation que devrait s’articuler la réflexion sur la stratégie foncière nationale pour l’horizon 2025-2027.

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