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Protection sociale : ce que le Maroc a changé en 2023-2024

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Protection sociale : ce que le Maroc a changé en 2023-2024Image d'illustration © DR

Le Maroc poursuit sa mue vers un État social à travers une série de réformes ambitieuses dans le domaine de la protection sociale. Du chantier de l’unification des régimes de retraite à l’élargissement de l’assurance maladie obligatoire, en passant par la rationalisation des aides sociales, le Royaume redessine peu à peu les contours de son modèle social.

Depuis le discours royal d’octobre 2020 annonçant la généralisation progressive de la protection sociale, le Maroc a engagé une série de réformes profondes visant à garantir un filet de sécurité à l’ensemble de sa population. Trois ans plus tard, le rapport 2024 de la Commission économique et sociale des Nations Unies pour l’Asie occidentale (ESCWA) témoigne de l’ampleur des transformations en cours.

À travers des mesures structurantes touchant la retraite, l’assurance santé et les transferts sociaux, Rabat affiche sa volonté de rompre avec l’approche fragmentée et inégalitaire de la protection sociale, au profit d’un système plus universel, intégré et durable. Tour d’horizon des principales avancées signalées dans ce rapport.

Unifier les régimes de retraite : un chantier complexe mais nécessaire

Parmi les évolutions notables mentionnées dans le rapport de l’ESCWA figure l’initiative du gouvernement marocain visant à réformer en profondeur le système de retraite. Celui-ci souffre depuis plusieurs années d’un morcellement institutionnel entre le régime des fonctionnaires civils (géré par la Caisse marocaine des retraites – CMR), le régime des agents contractuels (géré par le RCAR), et les régimes du privé (CNSS notamment).

Akhannouch détaille le renforcement de la protection sociale au Maroc

En 2023, un comité de pilotage a été institué pour coordonner l’unification progressive des régimes publics de retraite dans un système contributif unique. Cette réforme structurelle poursuit deux objectifs : d’une part, renforcer la soutenabilité financière du système face au vieillissement de la population, d’autre part, améliorer l’équité entre les différentes catégories de cotisants. Le projet inclut également la création d’un régime national de retraite dédié aux travailleurs non-salariés, dont une grande majorité reste aujourd’hui exclue de toute couverture vieillesse.

Cette démarche s’inscrit dans une volonté plus large de mettre fin aux inégalités de traitement entre les différentes strates socio-professionnelles. En concentrant les efforts sur la simplification et l’harmonisation des règles de cotisation et de prestation, le Maroc espère construire un socle commun de droits à la retraite, tout en garantissant la viabilité financière du système.

L’AMO généralisée : une couverture santé en voie d’universalisation

Autre pilier de la réforme sociale marocaine : l’élargissement de l’assurance maladie obligatoire (AMO) aux travailleurs non-salariés. À travers une série de décrets et d’accords interinstitutionnels, l’État a progressivement intégré plusieurs catégories de professionnels : agriculteurs, artisans, commerçants, transporteurs, professions libérales… Selon l’ESCWA, cette extension représente une avancée majeure dans la construction d’un système de santé plus inclusif.

Ce processus, amorcé dès 2021, a été marqué par la mise en place d’un système de cotisation adapté aux revenus irréguliers de ces populations. Le recours à la digitalisation a également permis de faciliter l’enregistrement des bénéficiaires via des plateformes centralisées. L’enjeu est double : garantir l’accès aux soins à des millions de Marocains jusque-là exclus du système, et asseoir un modèle de financement viable pour la couverture maladie universelle.

Maroc : l’aide sociale directe, entre ambitions et défis

Toutefois, le rapport souligne certains défis persistants, notamment la nécessité d’améliorer l’adhésion effective des indépendants au dispositif, ainsi que la qualité et la disponibilité des prestations de santé sur l’ensemble du territoire. L’intégration des travailleurs informels, qui représentent encore une part significative de l’économie marocaine, reste également une priorité.

Vers un ciblage plus juste des aides sociales

Au-delà des assurances sociales contributives, le Maroc a également entrepris une réforme de son système d’assistance sociale. L’un des exemples emblématiques est le programme Tayssir, initialement conçu comme un dispositif de transfert monétaire conditionnel pour lutter contre l’abandon scolaire. En 2023, ce programme a été intégré dans une nouvelle plateforme nationale de protection sociale, dans le but de centraliser et rationaliser les aides versées aux ménages vulnérables.

Le rapport de l’ESCWA met en lumière cette réorganisation comme une étape vers un système plus équitable, reposant sur un registre social unifié. Ce dernier permet de mieux identifier les populations éligibles à l’aide publique, de limiter les erreurs d’exclusion ou d’inclusion, et de fluidifier le processus d’octroi. Cette réforme s’appuie sur un principe fondamental : orienter les ressources de manière plus ciblée pour maximiser leur impact social.

Cette évolution est en cohérence avec la philosophie de l’État social promue par le Maroc : passer d’une logique de subventions généralisées à des mécanismes d’aide directe, transparents et traçables. Dans ce sens, les autorités ont également annoncé une réforme des subventions à la consommation (notamment pour le gaz butane et certains produits de base), qui seront progressivement remplacées par des compensations monétaires ciblées.

Protection sociale : enjeux et défis d’un projet royal

À travers les différentes mesures recensées dans le rapport de l’ESCWA, le Maroc confirme son engagement à refonder son système de protection sociale sur des bases plus solides, plus inclusives et plus efficaces. Si le chemin vers une couverture universelle et intégrée reste semé d’embûches, les avancées réalisées depuis 2020 traduisent une volonté politique affirmée de placer le social au cœur des priorités nationales.

La réussite de cette transition dépendra toutefois de la capacité de l’État à garantir une gouvernance rigoureuse, une coordination interinstitutionnelle efficace, et une mobilisation durable des ressources financières. Elle dépendra aussi de la confiance des citoyens dans les réformes engagées. Dans un contexte marqué par des vulnérabilités économiques et sociales croissantes, la mise en place d’un véritable État social pourrait constituer l’un des leviers les plus puissants pour renforcer la cohésion et la résilience du pays.

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