Prix des carburants : l’offre et la demande?

Avatar de Manal Ben El Hantati
Temps de lecture :

Prix carburants : quand le pétrole met le feu à l'économieImage d'illustration © DR

A
A
A
A
A

Après avoir enregistré une flambée record depuis le début du conflit armé entre la Russie et l’Ukraine, les cours du pétrole sont désormais en baisse. À la pompe, le litre de diesel a reculé de près de 1 DH. Idem pour l’essence. Néanmoins, cette baisse est loin de satisfaire les citoyens. Comment peut-on donc expliquer cette baisse de prix des carburants ? Et à quoi faut-il s’attendre dans les prochains jours ? Explications d’Abdelghani Youmni, économiste et spécialiste des politiques publiques.

Après plusieurs semaines de hausses successives, les prix des carburants à la pompe ont enregistré une baisse de (plus ou moins) 1 DH le litre. Ainsi, le prix du litre de l’essence a baissé de 1 à 1,15 DH, tandis que celui du diesel a enregistré un recul atteignant 0,90 à 1,04 DH, selon l’enseigne.

Lire aussi : Transport routier : un soutien exceptionnel supplémentaire pour les professionnels du secteur

Comment expliquer cette baisse ? Et pourquoi est-elle si minime ?

Contacté par LeBrief, Abdelghani Youmni, économiste et spécialiste des politiques publiques, nous explique tout sur cette baisse des prix des carburants au Maroc. Selon lui, «la baisse de 1 DH en moyenne n’est pas si minime si elle se poursuit en respectant la baisse tendancielle du cours du baril de pétrole. Celle-ci est animée par les inquiétudes de récession et par la volonté américaine de faire baisser l’inflation, en faisant baisser le prix de l’énergie».

De plus, il explique que «les pétroliers marocains et autres achètent à terme et stockent du carburant. Une baisse brutale de 3 ou 4 DH sur des prix d’achat à prix élevés entraînera des pertes pour les sociétés de distribution et pour les petits propriétaires de stations d’essence».

Faut-il s’attendre à d’autres baisses dans les semaines à venir ?

Notre intervenant souligne que tout le monde espère une baisse des prix des carburants dans les mois à venir, «surtout avec l’éventuel ralentissement de la mobilité des gens à la fin des vacances estivales. Ce ralentissement entraînera notamment une baisse de la consommation».

D’après l’économiste, cette tendance devrait aboutir à une baisse des cours du pétrole et on pourrait s’attendre à des prix à la pompe autour de 12 à 13,50 DH le litre pour l’essence et le gasoil.

«Les consommateurs marocains doivent savoir que les prix à 7,50 et 9 DH sont dépassés. Désormais, le Maroc s’approvisionne en produits finis pour les carburants et ne dispose plus ni d’unité de raffinage ni d’unités suffisantes de stockage. Il subit les prix du marché dictés à la fois par les pays producteurs de pétrole, des cartels des marchés spéculatifs, du coût de transport entre villes et régions, mais surtout du coût du fret. Ce dernier a explosé ces deux dernières années. Le coût unitaire du transport a été multiplié par sept», avance-t-il.

Pourquoi cette baisse des prix n’est-elle pas appliquée par toutes les sociétés de distribution ?

En réponse à cette question, Abdelghani Youmni précise que les compagnies n’ont pas le même poids ni les mêmes capacités pour s’approvisionner et pour stocker les carburants. «Deux grandes compagnies au Maroc ont le leadership dans ce secteur, la force de frappe financière et logistique quasi mondiale et des politiques commerciales flexibles, car elles sont capables de stockage et de déstockage quasi immédiat», indique l’expert.

Ainsi, poursuit-il, «leurs fournisseurs sont diversifiés et on peut même les considérer comme à la fois grossistes, demi-grossistes et détaillants. Les pertes d’aujourd’hui rentrent dans la stratégie marketing de demain pour attirer une future clientèle et fidéliser l’existante».

Et d’ajouter : «quant aux sociétés de taille intermédiaire et les propriétaires de station d’essence, les stocks les obligent à maintenir les prix d’hier pour éviter des pertes colossales. Leur bénéfice par litre ne dépasse pas 0,40 DH par litre, alors que pour lesdits grossistes, ce bénéfice atteint souvent 1,50 DH le litre».

Lire aussi : Prix des carburants : le diesel et l’essence enregistrent une baisse d’environ 1 DH

Les Marocains revendiquent un retour à la normale

Un mouvement de contestation contre la hausse du prix des carburants a envahi les réseaux sociaux ces derniers jours, allant jusqu’à réclamer le départ du chef du gouvernement, Aziz Akhannouch.

En plus d’exiger le départ d’Akhannouch, plusieurs milliers d’internautes marocains, acteurs politiques et de la société civile, appellent le gouvernement à fixer les prix de l’essence et du diesel à 7 DH et 8 DH, afin de soulager les ménages.

Ces appels se multiplient notamment sur Twitter à travers les hashtags « Gasoil à 7 DH », « Essence à 8 DH » ou encore « Dégage Akhannouch ». Le nombre d’utilisateurs desdits hashtags a atteint plus de 235.000.

Plusieurs représentants de partis politiques se sont joints à cette campagne alors que d’autres ont manifesté leur réticence, voire leur opposition.

Le Parti socialiste unifié (PSU) a pris part à cette campagne en publiant un message joint au hashtag susmentionné, sur sa page Facebook. «Ce n’est pas la première fois que les prix du pétrole chutent par rapport aux niveaux du début de la guerre russo-ukrainienne. Cela n’a aucun effet sur les prix du carburant dans notre pays, bien au contraire ; ils ont continué à augmenter avec la complicité et le parrainage du gouvernement de Aziz Akhannouch», a fustigé le parti de gauche.

De son côté, le secrétaire général du Parti du progrès et du socialisme (PPS), Nabil Benabdellah, a appelé le gouvernement à prendre «une décision souveraine» de redémarrer l’activité de «la Samir». Selon lui, cette mesure permettra de reprendre le contrôle sur la distribution et le prix du carburant. «Aujourd’hui, les prix ont baissé dans le monde» et «les responsables marocains regardent en spectateurs», a fustigé Benabdellah. La baisse mondiale «ne s’est reflétée ni sur le prix du carburant au Maroc, ni sur celui des autres matières premières et de base», a-t-il déploré. Et de lancer : «Si vous êtes vraiment un gouvernement politique, alors intervenez immédiatement pour stopper l’inflation des prix».

Toutefois, le secrétaire général du Parti de la justice et du développement (PJD), Abdelilah Benkirane a exprimé son opposition à cette campagne lancée contre le chef de l’exécutif. «Je ne suis pas d’accord avec ces appels qui demandent à ce gouvernement de dégager maintenant. (…) Ce gouvernement doit rester et doit bénéficier du temps nécessaire afin de démontrer ce dont il est capable», a-t-il estimé.

Lire aussi : Prix des carburants : les vacances d’été compromises ?

In fine, ce recul des prix des carburants a été attendu eu égard à la tendance baissière des prix du baril du pétrole au cours des dernières semaines. Le prix du Brent est passé sous la barre des 100 dollars. Comme le marché national est libéralisé, les prix des carburants restent strictement dépendants des variations du pétrole sur le marché international.

Dernier articles
Les articles les plus lu
Royal Air Maroc transporteur officiel de la Biennale de Sao Paulo

Économie - Royal Air Maroc est le transporteur officiel de la 36ᵉ Biennale de Sao Paulo, du 6 septembre 2025 au 11 janvier 2026.

Mbaye Gueye - 28 août 2025
Record historique pour les exportations d’oignons marocaines

Les exportations marocaines d’oignons atteignent un niveau inédit pour la saison 2024-2025, marquant un tournant vers les marchés d’Afrique de l’Ouest.

Mouna Aghlal - 28 août 2025
Marsa Maroc affiche une forte croissance au premier semestre 2025

Découvrez la progression du groupe Marsa Maroc avec un chiffre d'affaires consolidé de 2,84 MM de DH au premier semestre 2025.

Mouna Aghlal - 27 août 2025
Dakhla : interdiction de récolte et de vente de coquillages dans plusieurs zones

Économie - À Dakhla, la pêche et la vente de palourdes, moules et huîtres issues de certaines zones sont temporairement interdites.

Ilyasse Rhamir - 27 août 2025
Hausse des voitures de tourisme dédouanées au Maroc

Économie - En 2024, 151.755 voitures de tourisme ont été dédouanées au Maroc, en hausse de 6% par rapport l’année passée, selon l’ADII.

Mbaye Gueye - 27 août 2025
Conseil de la concurrence : 174 décisions rendues en 2024, dont 155 autorisations de concentration

En 2024, le Conseil de la concurrence a rendu 174 décisions, dont 155 autorisations de concentration, démontrant une activité intense.

Mouna Aghlal - 26 août 2025
Voir plus
Visa Schengen : le cauchemar européen à prix d’or

Dossier - Entre les délais interminables, les coûts exorbitants et les parcours semés d’embûches, obtenir un visa Schengen c’est devenu…

Sabrina El Faiz - 26 juillet 2025
Coût, impact… tout savoir sur la nouvelle LGV Kénitra-Marrakech

Économie - Le Maroc lance l’extension de sa LGV vers Marrakech, un projet structurant qui transformera durablement la mobilité, l’économie et la connectivité entre les grandes villes.

Hajar Toufik - 25 avril 2025
Où en est l’avancement du gazoduc Nigeria-Maroc ?

Économie - Le projet de gazoduc Nigeria-Maroc progresse : 13 pays engagés, signature intergouvernementale à venir et lancement d’un premier tronçon entre Nador et Dakhla.

Hajar Toufik - 14 juillet 2025
BTP : le Maroc bétonne ses règles

Dossier - Pas d’attestation, pas de chantier. C’est simple, non ? Pas de couverture décennale, pas de livraison. N'y réfléchissons pas trop !

Sabrina El Faiz - 19 juillet 2025
Ces Marocains qui s’endettent pour les vacances

L’endettement pour les vacances est devenu, chez beaucoup, une évidence presque banale. On ne s’en vante pas forcément, mais on ne s’en cache plus.

Sabrina El Faiz - 2 août 2025
Télécoms : en route vers un duopole ?

Dossier - Un accord entre Télécoms c’est toujours bon à prendre, mais qu’est-ce que cela engendre pour le consommateur final ?

Sabrina El Faiz - 28 juin 2025

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée Champs requis marqués avec *

Poster commentaire