Parapente : les risques cachés de cette discipline
Moniteurs de parapente guidant son passager au-dessus des paysages spectaculaires @ depositphotos
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Au Maroc, les sites de parapente, nombreux et variés, attirent de plus en plus de pratiquants, qu’ils soient locaux ou internationaux. Cependant, la sécurité reste une préoccupation majeure, compte tenu des nombreux accidents qui surviennent chaque année.
Selon Ahmed Lahmidi, ancien président de la Fédération royale marocaine de l’aviation légère et sportive (FRMALS) et Abdelmajid Belaiche, ex-secrétaire général de la Fédération, plusieurs facteurs contribuent à ces incidents. Ces facteurs sont principalement humains et environnementaux, mais aussi liés à une insuffisance dans les formations et les infrastructures disponibles.
Ces facteurs clés qui mettent en danger les pratiquants de parapente
Le parapente est un sport de plein air exaltant, mais il comporte des risques en raison des diverses conditions météorologiques et aérologiques auxquelles les pilotes sont exposés. Un accident peut survenir à n’importe quelle phase du vol : au décollage, en plein vol ou à l’atterrissage. Ces risques sont souvent exacerbés par des erreurs humaines et un manque de préparation adéquate. Plusieurs facteurs expliquent les causes récurrentes d’incidents, tant chez les pilotes locaux que chez les étrangers.
Ahmed Lahmidi met en avant un facteur clé : la compétence des pilotes, qu’ils soient marocains ou étrangers. Le Maroc attire de nombreux parapentistes venus des quatre coins du monde, notamment pour des courts séjours d’une à deux semaines. Ces pilotes, généralement en quête de conditions parfaites, peuvent prendre des risques inconsidérés lorsqu’ils volent sur des sites difficiles comme Aguergour ou Legzira, réputés pour leurs courants thermiques.
Selon Lahmidi, bien que ces pilotes possèdent parfois un brevet de pilote délivré par des fédérations étrangères, ils ne sont pas toujours aptes à évoluer sur des sites exigeants. L’absence de formation adéquate sur des sites thermiques complexes peut conduire à des accidents graves, surtout lorsque la gestion des trajectoires et la priorité en vol sont ignorées. Cela a été le cas, par exemple, lors d’une collision entre deux pilotes tchèques à Aguergour.
Le phénomène du « tourisme aérien » joue également un rôle déterminant dans l’augmentation des accidents. Lorsque les conditions météorologiques sont incertaines, les pilotes étrangers, impatients de voler, profitent des fenêtres météorologiques favorables pour décoller, même s’ils ne sont pas toujours en mesure de gérer les risques associés. Ce comportement imprudent, combiné à un manque de compétences dans des sites techniques, est l’une des principales causes des accidents en parapente.
De son côté, Abdelmajid Belaiche insiste sur l’importance de la préparation avant chaque vol. Pour garantir la sécurité du vol, il faut commencer par une analyse aérologique approfondie. Cette analyse inclut l’observation de la direction et de la force du vent, la vitesse du vent, ses caractéristiques (rafaleux ou non), et une évaluation du profil du site de décollage et d’atterrissage. Ces éléments permettent au parapentiste de décider s’il est judicieux de décoller ou, au contraire, de renoncer à voler. La capacité à renoncer face à des conditions défavorables est essentielle, car elle constitue la première règle de sécurité.
Le gonflage de la voile est une autre étape déterminante pour un décollage sécurisé. Le parapentiste doit maîtriser cette étape pour éviter les accidents. Le gonflage consiste à faire gonfler la voile grâce au vent, puis à la stabiliser au-dessus de sa tête tout en maintenant un contrôle adéquat des commandes. Une erreur dans cette phase de préparation peut entraîner un décollage dangereux. Par conséquent, une formation de qualité, axée sur le gonflage et les premières étapes du vol, est indispensable pour prévenir les risques dès le début.
Une autre cause fréquente d’accidents est la mauvaise gestion des incidents en vol, comme les fermetures de voile. Ces situations se produisent lorsqu’une déformation de la voile ou un repli partiel affecte son fonctionnement optimal. L’expérience du pilote est cruciale pour résoudre rapidement ces incidents et éviter des conséquences graves. En outre, le respect des priorités en vol est essentiel pour prévenir les collisions. Sur des sites fréquentés, comme Aguergour, où l’espace aérien est souvent saturé, les risques de collision sont accrus, d’où la nécessité d’une vigilance constante et d’une gestion efficace de l’espace aérien.
Enfin, l’atterrissage constitue une phase tout aussi critique que le décollage. Selon Belaiche, un atterrissage mal exécuté peut entraîner des blessures graves, notamment sur des terrains accidentés. La gestion de la vitesse de descente et la prise de décision en fonction du terrain sont des éléments clés pour un atterrissage sécurisé. Lorsque le site d’atterrissage présente un relief complexe, une bonne préparation et une anticipation sont nécessaires pour éviter des erreurs fatales.
Les défis liés aux sites de vol au Maroc
Le Maroc est réputé pour ses paysages spectaculaires et ses conditions idéales pour la pratique du parapente. Des sites montagneux comme Aguergour, près de Marrakech, aux zones côtières telles que Oulja de Salé, Moulay Bousselham, Legzira et Aglou Beach, les parapentistes du monde entier sont attirés par ces destinations de vol exceptionnelles. Cependant, malgré ce potentiel indéniable, de nombreux défis demeurent en ce qui concerne la sécurité, la gestion des sites et la conformité aux normes internationales.
Le Maroc offre donc une grande diversité de sites de parapente, chacun ayant ses particularités. Les sites côtiers, comme ceux de Tiznit, bénéficient de brises maritimes plus régulières et plus calmes, ce qui les rend globalement plus sûrs pour les vols. À l’inverse, les sites montagneux, tels qu’Aguergour, sont plus exigeants et comportent des risques accrus en raison des vents thermiques et des courants ascendants plus forts, surtout en période chaude. Ces sites nécessitent une grande expérience du pilote pour gérer les incidents, tels que les fermetures de la voile.
D’après Belaiche, peu de sites au Maroc sont aménagés avec des infrastructures de décollage adaptées. Certains sites, comme le Nid d’Aigle, disposent d’une véritable piste de décollage, mais la majorité des lieux de vol sont laissés à l’état naturel, sans aménagements spécifiques. Un autre problème majeur est l’absence de validation de ces sites par la Direction générale de l’aviation civile, ce qui laisse un vide en termes de réglementation et de contrôle.
Pour sa part, Lahmidi met en lumière un problème fondamental. Selon lui, aucun site au Maroc ne répond actuellement aux normes internationales en matière de sécurité et de gestion. L’absence d’une véritable analyse météo, d’une surveillance des conditions de vol et de gestion des sites par des clubs ou des personnes formées à cet effet est une lacune sérieuse. Il n’existe pas de système structuré pour avertir les pilotes en cas de conditions météorologiques défavorables, ce qui peut conduire à des accidents évitables.
Malgré ces défis, certains sites offrent un bon niveau de sécurité, en particulier ceux en bord de mer. Toutefois, les zones montagneuses, bien que très populaires auprès des parapentistes expérimentés, restent plus dangereuses. Les conditions météorologiques changeantes, combinées à la topographie des lieux, rendent ces sites plus propices aux incidents, surtout pour les pilotes moins expérimentés.
Par ailleurs, un autre facteur critique affectant la sécurité des parapentistes au Maroc est l’absence d’équipement de sécurité adéquat. Peu de pilotes disposent de radio talkie-walkie, ce qui complique la gestion de l’espace aérien et la communication entre pilotes. Ces radios permettent de prévenir les collisions en vol et facilitent la coordination avec les moniteurs, notamment pour les débutants. De plus, l’absence de parachutes de secours, qui pourraient sauver des vies en cas d’incident grave, est un autre élément préoccupant.
Face à ces problèmes, la FRMALS avait signé une convention avec la province de Boulemane pour mettre deux sites aux normes internationales. Un plan a été établi et soumis à la fédération, qui a formulé des remarques constructives pour améliorer la sécurité et l’infrastructure de ces sites. Cependant, ce projet ambitieux a été abandonné, en grande partie à cause de changements au sein de la fédération et de la perte de la commission chargée de l’évaluation et de la mise à jour des sites.
Des problèmes liés à la formation
La pratique du parapente au Maroc souffre de lacunes importantes en matière de formation. Si certains pilotes disposent de compétences solides, beaucoup apprennent sur le tas, ce qui compromet la sécurité des vols. Alors que les risques liés au manque de formation sont bien réels, des initiatives de formation existent, mais elles restent insuffisantes pour répondre aux besoins croissants de la discipline.
La majorité des pilotes n’ont pas suivi de formation structurée. Beaucoup se lancent dans cette activité en autodidactes, apprenant les bases du vol sans encadrement formel. Pire encore, certains se qualifient eux-mêmes comme moniteurs ou pratiquent le biplace sans disposer des qualifications nécessaires. Ce manque de professionnalisme peut poser de sérieux risques, tant pour les pilotes que pour les passagers. Le biplace, en particulier, qui permet à un pilote d’embarquer un passager, est souvent pratiqué sans assurance ni formation spécifique, exposant ainsi les pratiquants à des situations dangereuses.
Face à ce manque de formation, quelques initiatives ont été mises en place pour améliorer la sécurité. Par exemple, la formation en simulation d’incidents de vol (SIV), qui permet aux pilotes de s’entraîner à gérer des situations d’urgence. Toutefois, ces formations restent limitées en nombre de participants et ne sont pas systématiques. Lahmidi évoque le fait que la formation SIV a déjà été organisée en 2024 en Turquie, à l’initiative de l’ancien bureau fédéral, pour former quelques pilotes. Cependant, en raison des événements survenus au sein de la fédération, ce programme n’a pas été étendu à un nombre suffisant de pratiquants.
L’absence d’une infrastructure adaptée pour ces formations au Maroc, comme un plan d’eau à proximité des sites de décollage pour simuler des incidents de vol, représente un obstacle majeur. Cette lacune empêche la formation de masse et la répétition des exercices nécessaires pour garantir une maîtrise totale des situations d’urgence.
La réalité est que, bien que des efforts aient été réalisés, le nombre de pilotes ayant suivi des formations spécialisées reste faible par rapport à la masse croissante de pratiquants. L’initiative de la Fédération royale marocaine de l’aviation légère et sportive a permis la formation de certains pilotes, mais cette approche reste trop ponctuelle. Selon Belaiche, la formation doit être régulière et s’adapter à différents niveaux : des formations de pilotes débutants aux formations plus avancées pour les pilotes confirmés ou les moniteurs. De plus, la formation pour les pilotes de parapente biplace, qui permet d’assurer des vols en tandem, doit être une priorité afin d’encadrer correctement cette activité en plein développement.
En plus des problèmes de formation, un autre défi majeur reste le manque de régulation et de suivi des pilotes au Maroc. La fédération et les autorités compétentes doivent mettre en place des mécanismes pour suivre la progression des pilotes et s’assurer qu’ils disposent des qualifications nécessaires pour voler sur certains sites. Le manque d’encadrement officiel et l’absence de contrôle sur la qualité des formations ne font qu’aggraver la situation.
Quelles solutions pour améliorer la sécurité du parapente ?
Pour améliorer la sécurité des pratiquants et réduire le nombre d’accidents, plusieurs mesures doivent être mises en place au Maroc. Ces mesures concernent la formation des pilotes, la maintenance du matériel, l’assurance des pratiquants, ainsi que la régulation des sites de vol. Si certaines initiatives existent déjà, elles demeurent insuffisantes face à la croissance rapide de cette activité.
L’une des premières mesures pour garantir la sécurité des parapentistes est l’instauration de cycles de formations diplômantes obligatoires. Actuellement, une grande majorité des pilotes débutent sans formation formelle, ce qui représente un danger considérable, tant pour eux que pour les autres. Il est donc impératif que tous les parapentistes possèdent au minimum un diplôme de pilote initial. Pour les pratiquants de parapente biplace, un diplôme de pilote de Biplace est obligatoire, Ces diplômes garantiraient le fait que chaque pilote possède les compétences de base nécessaires pour comprendre les conditions météorologiques, gérer les situations d’urgence et opérer dans un environnement sûr.
Belaiche insiste sur l’importance de cette formation, qui devrait être obligatoire pour tous les pratiquants, afin de prévenir les accidents dus à l’imprudence et à l’inexpérience. Les formations devraient s’étendre des pilotes débutants aux pilotes confirmés, ainsi qu’à ceux pratiquant en biplace, un domaine particulièrement sensible, car il implique un passager.
Autre aspect essentiel pour la sécurité des pilotes de parapente est le contrôle et l’entretien du matériel. Selon nos deux interlocuteurs, une grande partie des accidents est due à l’utilisation de matériel obsolète ou mal entretenu. «Beaucoup de parapentistes utilisent du matériel de récupération provenant d’associations à l’étranger, parfois obsolète et non adapté aux exigences du vol», disent-ils. La pratique du biplace, par exemple, est souvent réalisée avec des voiles et des harnais qui ne répondent plus aux normes de sécurité, mettant en danger aussi bien le pilote que le passager.
Enfin, la question de l’assurance est un autre point fondamental. Actuellement, une grande partie des pilotes, en particulier ceux qui pratiquent le biplace, n’ont ni assurance pour eux-mêmes ni pour leurs passagers. Cela représente un risque non seulement pour les pratiquants, mais aussi pour les tiers. Il est donc impératif de rendre l’assurance obligatoire pour tous les pilotes de parapente, incluant une couverture pour les accidents corporels et pour les préjudices causés à autrui.
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