Depuis des années, le processus onusien stagne. Mais le plan d’autonomie marocain se positionne aujourd’hui comme la voie pour rétablir le dialogue.

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L’histoire du Sahara est aussi complexe que longue. Tout commence dans les années 1960, bien avant l’arrivée des casques bleus. En 1963, l’ONU inscrit le Sahara espagnol sur la liste des territoires non autonomes. Cette décision marque le point de départ de l’intérêt de la communauté internationale pour le sort de ce territoire désertique, alors sous domination de Madrid.

Pendant plus d’une décennie, rien ne bouge. L’Espagne, affaiblie par la fin du franquisme, retarde toute décision. En 1975, face à la pression internationale, elle accepte finalement de se retirer. Mais au lieu de rendre le territoire à son propriétaire historique, le Maroc, Madrid évoque l’idée d’un référendum d’autodétermination.

Rabat refuse. Le roi Hassan II joue alors son coup de maître : la Marche verte. En novembre 1975, 350.000 civils marocains, des hommes, des femmes, des jeunes, marchent pacifiquement vers le Sahara, brandissant le Coran et le drapeau national. Pas d’armes. Pas de violence. Juste une conviction : le Sahara est marocain.

Cette démonstration de force populaire change la donne. Le 14 novembre 1975, l’Espagne signe les accords de Madrid avec le Maroc et la Mauritanie. Le territoire est partagé entre les deux pays. Pour Rabat, c’est un tournant historique. Mais la joie est de courte durée : l’Algérie, voisine et rivale, décide d’entrer dans le jeu. Elle soutient un mouvement séparatiste : le Polisario, qui proclame en 1976 la prétendue « RASD » (République arabe sahraouie démocratique) depuis les camps de Tindouf.

De la guerre à la recherche d’un cessez-le-feu

Dès 1976, la région s’enfonce dans la guerre. Pendant 16 ans, le Maroc affronte le Polisario dans un conflit armé épuisant. Les batailles d’Amgala marquent cette période de feu et de sang. Le Maroc dépense des milliards pour défendre son intégrité territoriale, tandis que des milliers de Sahraouis sont installés, souvent de force, dans les camps de Tindouf, sous contrôle algérien.

En 1979, la Mauritanie se retire du conflit, incapable de supporter la pression militaire du Polisario. Le Maroc récupère alors la totalité du territoire qu’elle contrôlait. Mais la guerre continue entre Rabat et les séparatistes.

Au fil des années 1980, les combats s’enlisent. Le Maroc construit un mur de défense de plus de 2.700 km, verrouillant la zone. Ce dispositif permet de stabiliser la situation militaire, mais pas de régler le conflit. L’ONU, qui suit l’affaire depuis New York, décide alors de s’impliquer directement.

Les prémices du processus onusien

En 1988, un plan de règlement est proposé par les Nations unies et l’Organisation de l’unité africaine. Le Maroc et le Polisario l’acceptent tous deux. Ce plan prévoit un cessez-le-feu, suivi d’un référendum d’autodétermination pour que la population du Sahara choisisse entre l’indépendance ou l’intégration au Maroc.

Le Conseil de sécurité approuve le plan par la résolution 621. Une étape historique : pour la première fois, l’ONU a une feuille de route claire. Une période transitoire doit permettre de préparer le vote et d’enregistrer les électeurs.

Mais sur le terrain, tout est plus compliqué. Les divergences apparaissent immédiatement : qui a le droit de voter ? Pour le Maroc le corps électoral doit être limité aux Sahraouis résidant sur place. Le Polisario exige que les réfugiés des camps de Tindouf soient inclus. Deux visions, deux réalités. Et aucune solution commune.

1991 : la création de la MINURSO

Pour superviser la mise en œuvre du plan, le Conseil de sécurité adopte la résolution 690 le 29 avril 1991. C’est la naissance de la MINURSO, la Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental. Son mandat est double : surveiller le cessez-le-feu et organiser le référendum promis.

Un espoir naît. En septembre 1991, les armes se taisent. Le cessez-le-feu est respecté. Mais rapidement, la MINURSO se heurte à la réalité du terrain. L’identification des électeurs tourne à la bataille administrative. Des milliers de recours, des contestations interminables, des accusations de manipulation.

Le référendum n’a jamais lieu. Trois décennies plus tard, il reste suspendu à des négociations sans fin. Entretemps, la mission onusienne continue de coûter des millions chaque année, sans parvenir à organiser le moindre vote.

Échecs, blocages et impasse durable

Les années 1990 et 2000 sont marquées par des tentatives de médiation. En 1997, le secrétaire général Kofi Annan nomme l’ancien secrétaire d’État américain James Baker comme envoyé personnel. Objectif : rapprocher les positions des deux camps.

Baker présente plusieurs plans successifs, combinant autonomie transitoire et référendum final. Mais à chaque fois, le Polisario refuse, craignant que tout processus conduise à une intégration de facto au Maroc. De son côté, Rabat rejette tout scénario pouvant aboutir à l’indépendance.

Résultat : le conflit gèle. La MINURSO surveille un cessez-le-feu qui tient, mais le processus politique s’enlise. L’ONU multiplie les consultations, les rapports, les résolutions… sans succès. L’impasse devient structurelle.

Les divergences sur le corps électoral, les tensions régionales et l’implication de l’Algérie bloquent toute avancée. La communauté internationale, divisée, ne parvient pas à imposer un compromis. Le référendum reste un mirage.

2007 : le tournant du plan d’autonomie marocain

Les dessous de la carte

Face à ce blocage, le Maroc change de stratégie. En 2007, le Royaume présente à l’ONU un plan d’autonomie pour le Sahara, considéré depuis comme « sérieux et crédible » par le Conseil de sécurité dans plus de 18 résolutions successives.

Ce plan repose sur un principe clair : offrir aux Sahraouis une large autonomie locale tout en maintenant la souveraineté marocaine. Une formule comparable à celle du Québec ou de l’Écosse : un Parlement régional, un gouvernement local, mais dans le cadre de l’unité nationale.

L’idée est simple : permettre aux Sahraouis de gérer eux-mêmes leurs affaires internes (éducation, santé, culture, développement), tout en laissant à l’État marocain les domaines régaliens : diplomatie, défense et sécurité.

Sur le plan juridique, le Maroc propose que ce statut soit inscrit dans la Constitution, garantissant aux habitants du Sahara des droits politiques, économiques et culturels étendus. Pour Rabat, il s’agit d’un modèle qui respecte le droit international et les principes des Nations unies.

Mais le Polisario refuse. Pour le mouvement séparatiste, seule l’indépendance totale est acceptable. Le fossé reste donc béant.

L’impasse diplomatique et les résolutions récentes

Depuis 2007, le processus politique est au point mort. Le Conseil de sécurité renouvelle chaque année le mandat de la MINURSO. En octobre 2024, la résolution 2756 prolonge la mission jusqu’au 31 octobre 2025. Son mandat reste inchangé : surveiller le cessez-le-feu et encourager les négociations politiques.

Mais sur le terrain, rien ne bouge vraiment. Le Polisario, soutenu par Alger, continue de boycotter les propositions marocaines. Le Maroc, lui, poursuit le développement du Sahara, y investissant massivement dans les infrastructures, l’énergie et le tourisme.

De plus en plus de pays, notamment en Afrique et en Amérique latine, ouvrent des consulats à Laâyoune et Dakhla, reconnaissant de facto la souveraineté marocaine. Parallèlement, plusieurs puissances, dont les États-Unis en 2020, reconnaissent la Marocanité du Sahara et soutiennent ouvertement le plan d’autonomie comme la base la plus crédible de solution.

Un processus onusien à bout de souffle

30 ans après la création de la MINURSO, le constat est amer. Le référendum promis en 1991 n’a jamais eu lieu. L’ONU se retrouve prisonnière d’un cadre dépassé. Les rapports annuels se succèdent, les résolutions s’empilent, mais aucune avancée politique concrète ne voit le jour.

Le Maroc, de son côté, a fait évoluer son approche. Il mise désormais sur la diplomatie proactive, la coopération régionale et le développement économique du Sahara. Pour Rabat, l’autonomie reste la seule issue possible.

Le Polisario, lui, semble enfermé dans une logique figée. Ses dirigeants, installés en Algérie, continuent de réclamer un référendum devenu irréalisable. Pendant ce temps, des milliers de Sahraouis vivent encore dans les camps de Tindouf, dépendants de l’aide humanitaire et privés de liberté de mouvement.

Le 31 octobre 2025 : Résolution 2797, un tournant historique pour le Sahara

Puis est venu le 31 octobre 2025, jour où le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté la résolution 2797, consacrant le plan marocain d’autonomie pour le Sahara. Cette décision historique, soutenue par onze pays, marque un moment sans précédent dans l’évolution du conflit autour de ce territoire. La résolution représente la reconnaissance internationale du plan marocain, présenté comme « la solution la plus réalisable » pour la paix et la stabilité dans la région.

Le vote a été marqué par 11 votes pour, dont les États-Unis, la France, le Royaume-Uni, la Corée du Sud et plusieurs autres pays. Trois pays se sont abstenus (la Russie, la Chine et le Pakistan),  tandis que l’Algérie n’a pas participé au vote. Aucun pays n’a voté contre.

La résolution prévoit également la prolongation d’un an du mandat de la MINURSO, la mission de maintien de la paix de l’ONU dans la région, jusqu’au 31 octobre 2026. Cette mesure vise à assurer la continuité de la stabilité et à faciliter la mise en œuvre de l’autonomie sous souveraineté marocaine, tout en maintenant le dialogue avec les différentes parties concernées.

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