Lecture jeunesse : l’essor du numérique au détriment des capacités mentales
Une étagère au coin partagée entre livre jeunesse et Manga, 12 novembre 2025, SILEJ Casablanca © LeBrief
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Sur le terrain, éditeurs, libraires et distributeurs décrivent une jeunesse attirée par de nouveaux formats, mais aussi une baisse préoccupante de la lecture chez les tout-petits — un phénomène alarmant au regard des données scientifiques sur le rôle essentiel du livre papier dans le développement cognitif, émotionnel et social.
Les tout-petits lisent moins : une tendance inquiétante
Pour Khadija Hakimi Améglio, représentante d’Uni-press au Maroc, le constat est sans appel : « Les enfants lisent moins qu’avant. Il y a peut-être un regain chez les adolescents, mais au niveau des tout-petits, non ».
La tendance ne serait pas liée au manque d’offres éditoriales ni à un déficit de compétences. Les éditeurs jeunesse se multiplient, et la familiarisation précoce avec le livre ne dépend pas de la capacité à lire : manipuler un album, regarder les images ou écouter une histoire constitue déjà une entrée dans la lecture.
Pour elle, la responsabilité repose surtout sur les habitudes familiales : « C’est plus facile de mettre son enfant devant un écran… plutôt que de pousser l’enfant à poser l’écran et à prendre un livre ».
Les études scientifiques confortent cette analyse. En effet, l’usage précoce du livre papier joue un rôle structurant dans le développement cognitif, notamment la mémoire, la concentration, le langage et même la créativité. La littérature montre que l’enfant qui manipule des livres dès deux ans et demi obtient de meilleurs résultats scolaires à l’adolescence. Surtout, cette exposition précoce crée un rapport affectif avec la lecture, déterminant pour l’entrée dans la littératie.
La baisse d’intérêt des plus jeunes survient donc au moment même où les neurosciences affirment la nécessité d’un contact régulier avec le livre physique, un support dont les bénéfices éducatifs ne sont pas reproductibles par les écrans.
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Mangas et lectures en anglais : une génération qui se réinvente
Du côté des plus grands, le paysage paraît beaucoup plus dynamique. Lina, responsable du rayon anglais et référente jeunesse chez Livremoi, observe une montée en puissance spectaculaire : « On a plus de lecteurs manga, surtout chez les collégiens et lycéens ».
Le manga semble s’imposer comme la porte d’entrée principale dans la lecture pour une partie de la jeunesse marocaine. Plus encore, la lecture en anglais gagne du terrain : « De plus en plus, il y a plus de lecteurs anglophones que francophones ».
Une tendance confirmée par Othmane Laraqui, fondateur du site Englishbooks, qui propose plus de 200.000 titres en anglais pour tous les âges. Selon lui, l’engouement dépasse les adolescentes : « C’est une tendance qui se confirme, pas seulement pour les jeunes mais aussi pour les adultes ».
Les parents, même ceux n’ayant pas grandi avec l’anglais, encouragent désormais leurs enfants à lire dans cette langue. Les lecteurs vont du « petit enfant aux amateurs de thrillers et de romance ».
Si aucun chiffre officiel n’existe, les professionnels parlent tous d’un phénomène massif, lié à l’impact des réseaux sociaux, de la culture pop et d’un système éducatif où l’anglais prend une place croissante.
Un public adolescent en plein essor, stimulé par les salons et les écoles
Le Salon du livre 2025 confirme cette progression. Mohamed Boudraa, exposant, décrit une édition marquée par une fréquentation nettement plus importante : parents, écoles et classes entières se déplacent. Et surtout : « Cette année, les plus grands sont particulièrement attirés par la lecture ».
Les adolescents se tournent vers des ouvrages plus volumineux, parfois complexes. Les familles s’étonnent même de voir leurs enfants s’enthousiasmer pour de « gros livres », un signe qu’une partie de la jeunesse cherche à renouer avec des formats plus exigeants.
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Là encore, les recherches dans ce domaine permettent de comprendre cette dynamique : à l’adolescence, la lecture sur support physique stimule l’attention, la réflexion et l’analyse, des compétences que l’usage des écrans tend à fragmenter. Le rapport souligne également le rôle de l’objet livre dans la construction de l’identité : posséder des ouvrages, se constituer une bibliothèque personnelle ou se reconnaître dans un genre littéraire contribue à l’édification du soi.
Le rôle crucial du livre papier face à l’omniprésence des écrans
Si les adolescents se tournent de nouveau vers certaines formes de lecture, les études rappellent que l’équilibre reste fragile. Le support numérique domine largement le quotidien des enfants, parfois au détriment de leur développement cognitif et émotionnel. Les recherches montrent que : la compréhension profonde est meilleure sur papier ; la mémoire à long terme est renforcée par la manipulation du livre ; la lecture physique favorise l’attention soutenue ; les écrans perturbent le sommeil et augmentent la fatigue visuelle ; le multitâche numérique nuit à l’apprentissage, même lorsque l’appareil n’est pas utilisé.
Dans un contexte où les adultes privilégient souvent la facilité des écrans, les professionnels du Salon du livre plaident pour un retour au rituel de la lecture partagée, notamment chez les plus jeunes. Selon les neurosciences, le livre papier reste l’outil le plus efficace pour développer l’empathie, la concentration et la pensée critique.
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