IA et inégalités : le futur dépend de nous

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Smart City 2025 : l’IA pour une ville plus fluide et inclusiveIntelligence artificielle (IA) © DR

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Alors que l’intelligence artificielle s’impose dans notre quotidien, le nouveau Rapport sur le développement humain du PNUD alerte : les progrès technologiques ne suffisent pas à garantir un avenir meilleur. Tout dépend des choix collectifs. Loin des scénarios dystopiques ou utopiques, il s’agit d’un appel à construire un développement humain plus inclusif, à l’ère de l’IA.

L’IA fascine, inquiète, bouleverse. Présentée tour à tour comme une menace existentielle ou une solution miracle, elle reste surtout un miroir de nos sociétés. Le Rapport sur le développement humain 2025, intitulé « Une affaire de choix : individus et perspectives à l’ère de l’IA » propose une lecture inédite du moment technologique que nous traversons.

Loin des débats polarisés, il interroge, que pouvons-nous faire de cette nouvelle « électricité » pour élargir les libertés humaines ? Dans un monde marqué par des inégalités croissantes, des progrès en développement humain en perte de vitesse et des attentes immenses autour de l’IA, le rapport invite à recentrer les débats sur les choix que nous faisons, sur les personnes que nous voulons inclure et sur les institutions que nous voulons bâtir.

Un monde qui progresse… à deux vitesses

Le constat est sans appel, après des décennies d’amélioration continue, l’indice de développement humain (IDH) mondial ralentit fortement. Le rebond post-Covid, amorcé depuis 2021, semble s’essouffler. Plus préoccupant encore, les écarts entre les pays à IDH très élevé et ceux à IDH faible recommencent à se creuser, rompant avec une tendance historique de réduction des inégalités.

Lire aussi : L’intelligence artificielle au Maroc : opportunités, défis et perspectives pour 2025

L’ambition d’un monde à IDH très élevé à l’horizon 2030 semble désormais illusoire. Pour les pays en développement, les anciennes voies de croissance, fondées sur l’industrialisation, les exportations et la main-d’œuvre peu qualifiée, se ferment progressivement, piégées entre conflits, endettement, automatisation et repli protectionniste.

L’intelligence artificielle : risque ou levier de développement ?

L’IA entre dans ce paysage contrasté comme un facteur d’incertitude. Si elle est parfois perçue comme une menace pour l’emploi et les libertés, le rapport plaide pour une lecture plus nuancée, tout dépend des choix de conception, de déploiement et de régulation.

Lire aussi : Intelligence artificielle : appel à une législation éthique

En effet, les sociétés qui réussiront à mobiliser l’IA dans une logique de complémentarité, c’est-à-dire où humains et machines coopèrent, pourront en faire un formidable levier de développement. À l’inverse, une IA pensée dans une logique de substitution pourrait aggraver les inégalités, renforcer l’exclusion et affaiblir les capacités d’action individuelles.

Trois leviers pour un développement humain augmenté

Le rapport identifie trois grands domaines d’action pour orienter l’IA au service du développement humain :

• Bâtir une économie de complémentarité : il ne s’agit pas de remplacer les travailleurs humains, mais de les « augmenter » en utilisant l’IA pour améliorer leur productivité et créer de nouvelles tâches. Des exemples concrets existent, en radiologie, les outils d’IA n’ont pas éliminé les médecins, mais amélioré la qualité des diagnostics. Dans les centres d’appels ou la programmation informatique, les novices bénéficient particulièrement du soutien de l’IA.

• Stimuler l’innovation avec un but : l’IA peut accélérer la recherche scientifique et renforcer la créativité humaine si elle est orientée vers des objectifs de développement. Le rapport recommande d’élaborer des critères d’évaluation de l’IA fondés non seulement sur la performance technique, mais aussi sur la capacité à promouvoir les libertés et le bien-être.

Lire aussi : L’IA et le numérique au cœur de l’administration marocaine

• Investir dans des capacités qui importent : Il faut former, équiper et accompagner les individus pour qu’ils puissent pleinement tirer parti de l’IA. Cela passe par l’éducation (pensée critique, compétences numériques, personnalisation de l’apprentissage) et la santé (outils d’aide au diagnostic, accessibilité des soins). Sans cela, l’IA risque d’exacerber la fracture numérique et sociale.

Des attentes fortes… mais différenciées selon les contextes

Les données du rapport s’appuient sur une vaste enquête menée dans 21 pays représentant 63% de la population mondiale. On y apprend que près de deux personnes sur trois s’attendent à utiliser l’IA dans l’éducation, la santé ou le travail d’ici à un an, mais les usages et les perceptions varient fortement selon l’âge, le genre, le niveau de développement ou l’activité professionnelle.

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Par exemple, les jeunes s’attendent moins que les personnes âgées à perdre la maîtrise de leur vie à cause de l’IA, tandis que les femmes utilisent moins souvent l’IA générative dans le cadre professionnel, même à niveau d’éducation équivalent.

La technologie est politique

En filigrane, le rapport rappelle que l’IA n’est ni neutre ni inévitable. Elle est façonnée par des choix, ceux des gouvernements, des entreprises, des ingénieurs. Aujourd’hui, la majorité des citoyens n’a qu’un rôle passif, soumis à des conditions d’utilisation opaques et à des modèles culturels souvent éloignés de leurs réalités. Pour éviter un monde dominé par une minorité techno-décisionnelle, le rapport appelle à des politiques ambitieuses de coopération, de gouvernance éthique et de redistribution des capacités techniques.

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L’IA, une affaire de liberté

Le Rapport sur le développement humain 2025 refuse les récits fatalistes. L’IA n’est pas une fin en soi. Elle peut être un moyen de relancer la dynamique du développement humain, à condition d’être mise au service des individus, de leurs choix et de leurs capacités. Cela exige d’investir dans des systèmes éducatifs adaptés, des régulations inclusives et des modèles économiques centrés sur la dignité. L’avenir ne sera pas dicté par les algorithmes, mais par les valeurs que nous y projetons.

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