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Hafid El Jaï Publié le 22/12/25 à 10:31
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Le pari football

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Ce n’est pas une Coupe d’Afrique des Nations comme les autres qui s’est ouverte dimanche soir au stade Prince Moulay Abdellah de Rabat. Derrière le cérémonial, les hymnes et les premiers coups de sifflet, la CAN 2025 ressemble davantage à un manifeste. Celui d’un Maroc qui a fait du football bien plus qu’un sport : un levier stratégique de développement, de rayonnement et d’affirmation nationale.

Depuis une décennie, le Royaume avance ballon au pied, avec méthode. Le secteur sportif est désormais une composante essentielle des stratégies de développement global du pays. Les investissements consentis ne relèvent plus du symbole mais d’une politique structurée : stades ultramodernes, centres de formation performants, montée en compétence de l’encadrement technique. Longtemps cantonné au rang de simple divertissement, le sport a changé de statut. Il est aujourd’hui pensé comme un droit fondamental du citoyen et un levier du développement humain et durable.

Cette transformation profonde commence à produire ses effets. L’épopée historique des Lions de l’Atlas jusqu’en demi-finales de la Coupe du monde 2022 a marqué un basculement, sportif mais aussi psychologique. Elle a repositionné le Maroc sur l’échiquier footballistique mondial et redonné au continent africain une ambition longtemps contenue. Le sacre, en octobre dernier, au Mondial des moins de 20 ans est venue confirmer que ce succès n’était ni un accident ni un feu de paille, mais le fruit d’une vision de long terme.

La CAN 2025 dépasse toutefois largement l’enjeu des résultats. Elle est pensée comme une répétition générale avant la Coupe du monde 2030, que le Maroc coorganisera avec l’Espagne et le Portugal. À travers cet enchaînement inédit de compétitions majeures, le Royaume veut démontrer sa capacité à organiser des événements d’envergure mondiale, à gérer des flux massifs de supporters et à se conformer aux standards internationaux les plus exigeants.

Les chiffres donnent la mesure de cette ambition. Près de 21 milliards de dirhams ont été investis pour la seule Coupe d’Afrique des Nations. À plus long terme, les projets liés à la CAN et au Mondial 2030 représentent une enveloppe globale représentant l’équivalent du PIB annuel moyen du Maroc sur les cinq dernières années. Derrière ces montants, un cap assumé : accélérer l’aménagement du territoire. Lignes à grande vitesse, réseaux autoroutiers, transports urbains, infrastructures touristiques, hôpitaux… Le football agit ici comme un accélérateur de transformation économique et spatiale.

Cette stratégie est aussi diplomatique. En accueillant ces compétitions, le Maroc cherche à renforcer son influence sur le continent africain. À l’international, le Royaume cultive son image de passerelle entre l’Afrique, l’Europe et le monde, utilisant le sport comme un instrument de soft power efficace et lisible.

Au Maroc, le coup d’envoi de la CAN 2025 résonne ainsi bien au-delà des tribunes. Chaque match, chaque organisation réussie, chaque image diffusée s’inscrit dans un récit plus large : celui d’un pays qui a fait du sport un pilier de son développement et un marqueur de sa modernité. Ici, le football ne se contente plus de faire vibrer. Il structure une ambition nationale sans pour autant reléguer au second plan les priorités du développement humain.

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