Cover chronique METRONOME
Hafid El Jaï Publié le 03/11/25 à 10:35
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Game changer

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Le défunt Souverain serait fier de son fils. Le concepteur de la Marche verte n’aurait sans doute jamais imaginé que 50 ans plus tard, le Conseil de sécurité des Nations Unies soutiendrait un plan d’autonomie du Sahara, sous souveraineté marocaine, comme la solution « la plus réaliste et réalisable » à un conflit figé depuis des décennies.
De 1975 à 2025, le Maroc a traversé batailles diplomatiques, compromis politiques et incertitudes. Une constante, pourtant, n’a jamais vacillé : la détermination à défendre son intégrité territoriale. Vendredi soir, juste après l’adoption de la résolution 2797 du Conseil de sécurité, le Roi a pris la parole. Dans son discours à la Nation, il a salué « un nouveau chapitre victorieux dans le processus de consécration de la marocanité du Sahara, destiné à clore définitivement le dossier de ce conflit artificiel ». Et d’ajouter : « Désormais, il y aura un avant et un après 31 octobre 2025 ». Ce moment marque un tournant : le Royaume entre dans une phase de consolidation politique et institutionnelle, celle de la souveraineté pleinement assumée sur ses provinces du Sud.

Longtemps sur la défensive, la diplomatie marocaine agit aujourd’hui en position d’assurance. Il ne s’agit plus de convaincre, mais de consacrer. Calme, cohérente et constante, elle s’impose comme l’une des plus lisibles du continent. Au cœur de cette stratégie, la proposition d’autonomie présentée à l’ONU en avril 2007 : un projet pragmatique qui accorde au Sahara des institutions propres — gouvernement, Parlement, justice — tout en maintenant les prérogatives régaliennes du Royaume. Ce modèle, qui conjugue souveraineté et autonomie, est désormais reconnu par la communauté internationale comme la voie d’un règlement durable.

Rabat entend désormais actualiser son Plan d’autonomie. L’initiative présentée à l’ONU en 2007 ne contenait pas de détails et est aujourd’hui dépassée par les réformes institutionnelles majeures qu’a connues le Royaume entretemps. Sa mise à jour permettra de mieux définir la « véritable » autonomie des provinces du Sud. La proposition de 2007 doit en effet être adaptée aux principes de la Constitution de 2011, aux mécanismes de la Régionalisation avancée lancés en 2015 et aux recommandations du Nouveau modèle de développement de 2022.

Sans doute, faudra-t-il aussi passer par une nouvelle réforme constitutionnelle pour intégrer les règles de l’autonomie. C’est une évidence, le Sahara porte aussi une réflexion interne sur la modernisation de l’État. L’autonomie n’est pas une concession : c’est une forme avancée de décentralisation, un prolongement de l’unité nationale par la participation et la proximité. Mais chaque chose en son temps…

Revenons à la soirée du vendredi, dans tout le Royaume, les scènes de ferveur rappelaient celles de 1975. Les plus âgés — ceux de la génération Al Massira notamment — témoins de la Marche verte, observaient ce moment avec une émotion contenue : celle de voir, un demi-siècle après leur épopée, le rêve de la souveraineté s’ancrer dans la réalité.
À quelques jours du cinquantième anniversaire de la Marche verte, cette décision referme de facto la page du référendum d’indépendance. L’ONU considère que cette option ne correspond plus ni aux réalités régionales, ni à l’esprit de compromis inscrit dans sa charte. 50 ans plus tard, la nouvelle résolution du Conseil de sécurité prolonge l’héritage diplomatique et symbolique de la Marche verte.

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