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Conseil de la concurrence : l’état de la concurrence dans les marchés des fruits et légumes

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Le Conseil de la concurrence dévoile les dessous du marché des fruits et légumes. Manipulations de prix par des intermédiaires tout-puissants, ententes informelles entre détaillants, stockages spéculatifs illégaux et marchés de gros opérant dans l’ombre… Plongée dans les failles d’un secteur essentiel.

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Le Conseil de la concurrence a récemment mis en lumière une série de dysfonctionnements affectant les marchés de gros de fruits et légumes au Maroc, dans un avis rendu public le vendredi 26 avril. L’analyse couvre l’ensemble de la chaîne de valeur, de la production à la commercialisation, en passant par la distribution.

Un problème important identifié est l’absence d’un cadre juridique spécifique régissant l’organisation et le fonctionnement de ces marchés. Actuellement, la réglementation est fragmentée et se limite principalement à des dispositions obsolètes de la loi du 7 février 1962 concernant les charges des mandataires. Selon le Conseil, cette loi attribue des agréments gratuits, délivrés par l’État à des mandataires désignés par le ministre de l’Intérieur, dont une part provient de personnes ayant joué un rôle dans le mouvement de résistance nationale. «Ce régime, souvent jugé archaïque, s’avère limité et ne répond plus aux exigences actuelles des marchés de gros», précise l’avis du Conseil.

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Un aperçu des enjeux logistiques, réglementaires et de diversification

L’avis du conseil met en lumière les défis du secteur agricole, révélant que 96% de l’offre alimentaire provient de la production locale, le reste étant importé. Le document souligne un écart marqué entre le prix à la production et le prix de vente final, un phénomène souvent attribué aux inefficacités des réseaux de distribution actuels.

Le rapport indique que la multiplication des intermédiaires, couplée à un manque de régulation adéquate, rallonge les chaînes de distribution et ouvre la porte à la spéculation. La diversité et la périssabilité des produits, ainsi que la nature saisonnière de la production, compliquent également la gestion des stocks et des flux logistiques, exacerbant les problèmes liés aux circuits de distribution étendus, y compris les marchés parallèles et les grandes surfaces.

De surcroît, le cadre juridique vieillissant, contribue à cette complexité réglementaire. Sur le terrain, le fractionnement excessif des terres agricoles limite l’adoption de méthodes de culture plus modernes et efficaces.

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Le rapport met également en évidence des tendances préoccupantes dans l’utilisation des terres, avec une augmentation des surfaces dédiées aux cultures fruitières au détriment des terres maraîchères. Cette évolution pose des questions sur la stratégie de diversification des cultures.

Par ailleurs, la dépendance aux importations de fruits, qui représentent environ 60% de la consommation nationale, accentue la vulnérabilité du pays aux fluctuations des marchés internationaux. Ce constat appelle à une réflexion sur la nécessité de promouvoir davantage la production locale pour améliorer la sécurité alimentaire et réduire cette dépendance.

Défis structurels des marchés de gros

Selon l’avis du Conseil de la concurrence, les marchés de gros sont confrontés à d’importants défis structurels. Parmi ces derniers, on note une répartition régionale inégale, la présence de quelques acteurs dominants en raison de leur taille, ainsi qu’une coordination déficiente entre les zones de production et de consommation. Le rapport met également en lumière le modèle de gestion obsolète qui entrave l’efficacité de ces marchés. En effet, seulement 30% de la production nationale transite par ces marchés, une situation compliquée par l’essor de circuits parallèles et informels qui remettent en question leur pertinence et leur efficacité.

Le Conseil pointe aussi les difficultés spécifiques auxquelles font face les producteurs, notamment les petits exploitants. Ces derniers sont souvent contraints de planifier la vente de leurs produits avant même la récolte pour garantir des revenus constants. Toutefois, ils se trouvent dans l’obligation de jongler entre la maximisation de leurs revenus et la pérennité de leurs exploitations. Le coût de production est ainsi un élément essentiel de leur stratégie de prix. Par ailleurs, des facteurs tels que les conditions météorologiques et un accès limité aux services financiers constituent des barrières supplémentaires à leur succès.

Le rapport souligne également le rôle prépondérant des intermédiaires dans la fixation des prix. Ces derniers, en couvrant les coûts de collecte, de transport et de distribution, renforcent leur position dominante dans la chaîne d’approvisionnement. Cette asymétrie de pouvoir génère des déséquilibres dans les négociations, au détriment des producteurs et des consommateurs. Par ailleurs, la volatilité inhérente aux marchés de fruits et légumes s’est intensifiée depuis le deuxième semestre de 2022, exacerbée par la nature saisonnière et les conditions de marché exogènes des produits. Malgré une certaine stabilité structurelle des prix entre producteurs, distributeurs et commerçants, les prix réellement perçus par les producteurs ne représentent en moyenne que 30% à 40% des prix finaux de vente, laissant ainsi une marge brute conséquente aux intermédiaires.

Les recommandations du Conseil de la concurrence

Face aux défis de la distribution des fruits et légumes, un ensemble de recommandations stratégiques a été formulé pour optimiser ce secteur. Primo, il est proposé d’établir trois circuits de distribution (ultra-court, court et long) adaptés aux différentes exigences du marché. Cette diversification permettrait une meilleure réponse aux besoins spécifiques des consommateurs et des producteurs.

Secundo, une refonte du cadre juridique régissant la chaîne d’approvisionnement s’avère nécessaire pour garantir la transparence et la légalité des transactions. Il est impératif de redéfinir les conditions d’exploitation des infrastructures commerciales et de clarifier le statut juridique des grossistes. De plus, une précision des rôles des collectivités territoriales dans la gestion des marchés de gros contribuerait à une meilleure structuration du marché.

Parmi les autres recommandations, on note l’importance de combattre les pertes et le gaspillage, d’améliorer la traçabilité des produits via des technologies avancées, et de renforcer les normes de qualité. La promotion de la contractualisation des transactions entre les différents acteurs de la chaîne est également suggérée, de même que la mise en place d’un système d’information intégré pour le suivi et l’analyse du marché.

Sur le plan de la production, il est conseillé d’encourager le regroupement des producteurs et de stimuler l’intégration des technologies digitales dans l’agriculture. L’enrichissement de l’offre bancaire et assurantielle destinée aux agriculteurs est aussi préconisé pour soutenir efficacement le secteur.

En termes de distribution, il est urgent d’accélérer la réforme des marchés de gros et de promouvoir la transformation et la valorisation des produits agricoles. Pour la commercialisation, une réforme des espaces de vente et la promotion des circuits courts sont recommandées, ainsi que la digitalisation des circuits de commercialisation pour faciliter et moderniser les échanges.

Ces mesures, si appliquées, pourraient grandement améliorer l’efficacité et la durabilité du secteur des fruits et légumes, tout en répondant mieux aux attentes des consommateurs et en soutenant les producteurs locaux.

Vers une gouvernance renforcée pour garantir la sécurité alimentaire

Dans son analyse, le Conseil souligne des déficiences dans la gestion des marchés de gros, attribuables à la complexité des interactions entre une multitude d’acteurs : autorités gouvernementales, collectivités territoriales, autorités de régulation, entités de gestion telles que les régies directes, les délégataires, les sociétés de développement local, les groupements professionnels et les opérateurs commerciaux.

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Cette multiplicité des parties prenantes engendre des chevauchements de compétences et des zones de responsabilité peu claires, affectant négativement la gouvernance et la régulation du secteur. Cette situation menace non seulement la viabilité économique de la filière mais pose également des risques pour la sécurité alimentaire du pays.

Face à ces enjeux, le Conseil recommande vivement la création d’une structure nationale dédiée spécifiquement à la supervision des marchés de gros de fruits et légumes. Cette entité aurait pour mission d’assurer une coordination et une supervision efficaces, consolidant ainsi le rôle important de ces marchés dans la distribution et la disponibilité des produits alimentaires frais.

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