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La conjoncture nationale et internationale actuelle a profondément affecté la situation des droits de l’Homme au Maroc. «Des circonstances assez spéciales qui ont constitué un énorme défi en termes de protection des droits humains en 2022, spécialement ceux sociaux et économiques», a déploré Amina Bouayach, présidente du Conseil national des droits de l’Homme (CNDH) lors du point de presse donné mercredi 10 mai 2023, au siège du Conseil à Rabat, pour présenter le rapport annuel sur la situation des droits de l’Homme au Maroc pour l’année 2022.
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Inflation, stress hydrique, équité fiscale, égalité homme-femme…, le document intitulé «Redéfinir les priorités pour consolider l’effectivité des droits» et portant sur 21 droits thématiques et cinq droits catégoriels, outre les droits des femmes et des filles, souligne en particulier les grands défis qui limitent encore le plein accès des citoyens marocains à leurs droits socio-économiques et environnementaux. Un constat appuyé par la lecture du nombre toujours croissant de plaintes reçues par le Conseil.
En effet, 3.245 requêtes ont été reçues en 2022, soit une hausse de 7,52% par rapport à l’année précédente. Dans les détails, 1.895 de ces plaintes ont été traitées par les Commissions régionales des droits de l’Homme, 70 par le mécanisme national de recours pour les enfants victimes de violation de leurs droits, et 47 par le mécanisme national de protection des droits des personnes en situation de handicap.
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«Une lecture du nombre toujours croissant de plaintes reçues par le CNDH confirme la prépondérance des questions liées aux droits socio-économiques. En effet, à côté des préoccupations liées au droit à l’eau et au stress hydrique, les problèmes d’accès à des services publics capables d’assurer la pleine jouissance des droits économiques, sociaux et environnementaux reste le défi majeur pour notre pays», a expliqué Amina Bouayach.
Le document propose par ailleurs 249 recommandations, thématiques ou générales, dont 87 recommandations émises par les trois mécanismes nationaux, et 41 recommandations structurées adressées aux pouvoirs publics et liées à la pratique conventionnelle de notre pays et son interaction avec le système international des droits de l’Homme, la cadre juridique et institutionnel, et les politiques publiques.
À l’origine, la Covid, la guerre en Ukraine et le stress hydrique
Présentant les conclusions du rapport, la présidente du Conseil a noté la gravité des séquelles découlant de la pandémie liée au Coronavirus et son impact persistant sur la situation socio-économique des citoyens. Après trois ans, les droits sociaux et économiques d’une grande partie de la population restent profondément affectés par cette crise, affirme le rapport. Le document désigne d’ailleurs la santé, l’éducation et l’emploi comme les secteurs les plus touchés par les répercussions de la pandémie.
En deuxième lieu, précise le Conseil, «l’année 2022 a été marquée par les effets géoéconomiques de la guerre en Ukraine». C’est, selon le CNDH, la cause principale de la flambée des cours du pétrole et par ricochet de la hausse de l’indice des prix à la consommation. «À l’instar de plusieurs pays, cette guerre a impacté négativement les droits économiques et sociaux des Marocains. L’inflation et la hausse des prix ont frappé de plein fouet le pouvoir d’achat», détaille Bouayach.
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Enfin, poursuit la présidente de l’institution, cette année s’est distinguée par un niveau sans précédent de stress hydrique, mettant au grand jour la vulnérabilité climatique du Maroc. Les changements climatiques restent, selon la présidente du Conseil, le plus grand danger pesant sur les droits de l’Homme, car menaçant son existence même.
Mineurs, personnes âgées, malades mentaux, le Conseil déplore par ailleurs la persistance de certaines contraintes qui entravent le plein accès de ces catégories vulnérables à leurs droits. Le document cite l’absence d’un cadre législatif garantissant la protection juridique de ces droits, comme dans le cas des personnes âgées, ou l’absence de politiques publiques fondées sur les droits de l’Homme, comme c’est le cas pour les personnes atteintes de maladies mentales ou des victimes de la traite des êtres humains, comme principaux défis.
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À cet égard, la présidente du Conseil a appelé à saisir la dynamique sociétale et le débat public autour de nombreuses questions vitales pour donner un nouvel élan à la promotion des droits humains au Maroc. Un Momentum à saisir considérant le virage décisif que vit la société marocaine dans son processus de Démocratie émergente. Pour le CNDH, «il nous est capital d’agir et d’initier une nouvelle phase de réformes qui réponde aux attentes exprimées des Marocains, aux obligations constitutionnelles et aux engagements conventionnels du Royaume».
Oui à la vie !
Abolir la peine de mort dans le Code pénal ! Voilà la sixième recommandation que le Conseil considère urgent d’appliquer. Pour le CNDH, comme pour plusieurs ONG, il faut une annulation pure et simple de cette sentence irréversible.
En effet, le CNDH déplore le fait que les tribunaux marocains continuent de prononcer des sentences de mort, malgré la présence de dispositions constitutionnelles appelant clairement au respect du droit à la vie et la non-atteinte à l’intégrité physique ou morale d’autrui.
Selon les données du CNDH, trois nouvelles condamnations ont été enregistrées cette année. «En 2022, les tribunaux ont continué à prononcer des peines de mort malgré le fait que la Constitution consacre le droit à la vie. Le nombre de personnes qui ont été condamnées à la peine capitale s’élève, durant cette période, à 83», a déclaré Amina Bouayach.
Elle a toutefois noté que 213 détenus condamnés à mort ont bénéficié d’une Grâce Royale de 2000 à fin 2022, une sentence commuée en prison à vie. Il faut rappeler que malgré le maintien de la peine capitale dans le Code pénal marocain, celle-ci n’est pas mise à exécution depuis 1994, faisant de facto du Maroc un pays abolitionniste.
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La présidente a relevé par ailleurs que le Conseil menait toujours ses enquêtes et suivait de près l’action de la justice s’agissant des allégations de torture ou de mauvais traitements infligés à des détenus. Le Mécanisme de prévention de la torture et le mauvais traitement a pu s’enquérir de la situation dans 17 centres de garde à vue (relevant de la police et de la Gendarmerie royale), a précisé Amina Bouayach, révélant par là même la surpopulation carcérale. Ce sont 100.000 personnes qui sont emprisonnées.
Elle a ainsi spécifié que certaines plaintes, qui sont traitées par la justice ou ayant fait l’objet de mesures administratives, n’étaient pas liées à des traitements cruels, mais plutôt à des doléances relatives à des droits ou services au sein des établissements pénitentiaires. La présidente a salué au passage la Direction générale de la sûreté nationale (DGSN), qui a décidé d’améliorer les conditions de garde à vue des personnes appréhendées. «90% des recommandations du CNDH ont été prises en compte», a souligné la cheffe de l’institution.
Oui à l’eau !
Le premier défi majeur est celui du stress hydrique, soulignait-on plus haut. Une contrainte qui limite, de façon considérable, le droit d’accès à l’eau. Le CNDH a indiqué, dans son rapport annuel, que la grave sécheresse qui a caractérisé l’année 2022, a contribué à l’exacerbation d’un stress hydrique sans précédent depuis 40 ans, rendant le problème de l’approvisionnement en eau l’une des priorités pour l’action publique durant l’année en cours où la pluviométrie moyenne n’a pas dépassé 199 mm jusqu’à fin mai 2022, soit une baisse de 44% par rapport à 2021.
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Pour la présidente du CNDH, il est profondément préoccupant de noter le recul alarmant de la disponibilité de cette ressource vitale. Une «situation préoccupante» qui est, selon le document, principalement due à la baisse importante des ressources en eaux de surface et des nappes phréatiques en raison de la baisse importante des précipitations et des chutes de neige.
Malgré la présence, depuis décembre dernier, d’une stratégie d’urgence pour faire face aux problèmes de stress hydrique – citons le recours à la coupure d’eau pour rationaliser sa consommation, suite à la baisse importante du taux de remplissage des barrages, qui n’a pas dépassé les 32,7% en mars 2022 – le Conseil a appelé à une évaluation de l’expérience marocaine dans la gestion des risques liés à la rareté de l’eau afin de trouver des solutions durables pour garantir le droit à l’eau pour tous.
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L’institution souligne l’urgence de mettre en place une nouvelle politique, hydrique, globale et intégrée, qui érigerait la sécurité alimentaire et la protection du droit des générations futures en priorité absolue.
À cet effet, le CNDH propose quatre voies intégrées et complémentaires comme base pour l’élaboration d’une politique d’eau capable de résister aux menaces qui pèsent sur la sécurité de l’eau au Maroc :
- faire du changement climatique un facteur structurel de la politique de l’eau ;
- explorer les possibilités de renforcer le droit à l’eau en influençant le modèle de consommation domestique et en modifiant la culture de consommation des individus, déterminée par le prix et la valeur ;
- adopter un modèle économique prenant en compte le coût de l’eau dans l’évaluation de la faisabilité des activités économiques, en faisant de la sécurité alimentaire une priorité de la politique de l’eau et enfin ;
- reconsidérer les mécanismes de gouvernance adoptés au niveau de la planification et de la mise en œuvre pour faire face au stress hydrique et renforcer la capacité des citoyens à accéder au droit à l’eau.
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