Aéronautique au Maroc : quel manque à gagner face aux investissements ?
Lors de la 8e édition de l'aérospace meeting Casablanca, un panel de discussion a mis le point le potentiel du secteur de l'aéronautique au Maroc © LeBrief
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Lors d’une table ronde organisée en marge de l’Aerospace Meeting, les participants ont mis en évidence une culture industrielle et managériale désormais ancrée dans le secteur : celle de l’excellence opérationnelle. Dans un domaine où la sécurité, la qualité et la conformité réglementaire sont des impératifs vitaux, les entreprises installées au Maroc ont dû adopter des processus rigoureux, investir dans la formation continue et développer une capacité d’innovation permanente. Cette exigence s’est encore renforcée après la crise du Covid-19, qui a révélé la fragilité des chaînes d’approvisionnement mondiales et poussé les acteurs de la filière à repenser leur organisation pour gagner en résilience et en agilité.
Une industrie structurée autour de la culture d’excellence
L’industrie aéronautique ne se résume pas à la fabrication de pièces ou à l’assemblage de structures complexes. Elle repose sur une culture organisationnelle où l’excellence constitue un principe fondateur. Comme le souligne un responsable interrogé, « il ne s’agit pas seulement de vendre des outils, mais de développer une culture qui accompagne les utilisateurs vers l’amélioration continue du système de production ».
Le Maroc, qui a vu s’implanter dès 2001 des acteurs comme Boeing en partenariat avec Safran et Matis, a su bâtir un tissu industriel comptant près de 800 employés spécialisés dans la métallurgie et la production aéronautique. L’approche adoptée repose sur une vision à long terme : architecture des systèmes, définition claire des rôles en R&D et intégration progressive des nouvelles technologies de production.
Dans ce contexte, le lancement d’un nouveau projet de Pratt & Whitney au Maroc illustre clairement les priorités de l’industrie : sécurité, qualité, performance économique et conformité réglementaire. Ces quatre piliers, indissociables, sont intégrés dès la conception des sites de production.
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Ainsi, l’« excellence opérationnelle » est décrite par les dirigeants de l’entreprise comme la combinaison de trois éléments. Premièrement, une organisation structurée autour d’outils et de méthodes partagés à tous les niveaux. Deuxièmement, un leadership inspirant, capable de motiver et d’accompagner aussi bien les jeunes ingénieurs que les cadres expérimentés. Troisièmement, une compétence durable, nourrie par la formation continue et les programmes de développement des talents. L’objectif n’est pas seulement d’atteindre une performance ponctuelle, mais de faire émerger une génération capable de porter l’innovation.
L’exemple de Sabca Maroc et Boeing, l’essor des programmes internationaux
Le cas de Sabca Maroc, filiale belge implantée depuis 13 ans, illustre l’importance des transferts de technologie et de la coopération transnationale. L’entreprise participe au programme PC-12 de Pilatus, pour lequel elle a déjà livré 85 appareils, avec une cadence prévue de 30 avions par an.
Son directeur général, Mohamed Laghdaf, souligne que cette dynamique repose sur une main-d’œuvre locale de plus de 300 personnes, avec l’ambition de doubler les capacités industrielles d’ici trois ans. La stratégie prévoit également la création d’unités de maintenance et l’implantation de sites intégrés, confirmant le rôle du Maroc comme plateforme d’assemblage et de support pour l’Europe et l’Afrique.
Par ailleurs, Boeing, présent au Maroc depuis 2001, considère le pays comme un écosystème particulièrement attractif, grâce au soutien gouvernemental, à une main-d’œuvre qualifiée, à la diversité des formations, ainsi qu’à sa localisation géographique stratégique, aux portes de l’Europe et de l’Afrique.
Depuis 2016, un partenariat public-privé a instauré un mécanisme de développement pour les fournisseurs et sous-traitants, assurant une montée en compétences progressive. L’enjeu est désormais d’élargir les capacités dans la fabrication de structures secondaires et de composants métalliques, tout en renforçant la résilience de la chaîne d’approvisionnement.
Après la crise sanitaire : la quête de résilience et d’agilité
La pandémie de Covid-19 a révélé la fragilité des chaînes d’approvisionnement aéronautiques mondiales. Pour les constructeurs d’avions et les fournisseurs de rangs 1 et 2, l’heure est désormais à la diversification. L’expérience a démontré que la dépendance à un seul bassin de production ou à un nombre limité de fournisseurs constitue un risque majeur.
Les entreprises implantées au Maroc ont ainsi mis en place des plans B et C, intégrant davantage d’agilité et de flexibilité dans leur organisation. Comme l’explique un dirigeant : « Être agile, c’est aussi collaborer avec nos partenaires de rangs 1 et 2 pour qu’ils puissent absorber plus rapidement les changements technologiques ou de cadence ».
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Dans un autre volet, il ne faut pas oublier que le capital humain est au cœur de la réussite marocaine. Les industriels soulignent le rôle des académies spécialisées, notamment à Casablanca et Toulouse, qui accompagnent les ingénieurs dès leur entrée dans le métier. L’accent est mis sur l’Internet des objets (IoT) et les technologies émergentes.
Il ne faut pas oublier que la diversité constitue un autre atout stratégique. Au Maroc, le secteur aéronautique affiche une parité remarquable, avec 50% de femmes ingénieures, un niveau rarement atteint ailleurs. Cette mixité est perçue comme une source supplémentaire d’innovation et de créativité.
Les défis : fuite des cerveaux et compétitivité internationale
Malgré ces succès, l’industrie aéronautique marocaine doit faire face à un défi de taille : la fuite des cerveaux. Les investissements dans la formation et la montée en compétences exposent les talents à des sollicitations internationales, parfois difficiles à retenir pour les entreprises locales.
Pour y faire face, deux leviers semblent essentiels pour nos intervenants : créer un environnement propice à l’innovation, permettant aux ingénieurs d’exprimer leur créativité et de rester motivés, et développer des parcours de carrière clairs, incluant certifications et formations continues pour favoriser une progression rapide.
Certains responsables relativisent toutefois ce phénomène, soulignant que la mobilité internationale peut aussi bénéficier à l’écosystème local lorsque les talents reviennent avec une expérience enrichie.
Au final, l’industrie aéronautique marocaine illustre un modèle hybride : ancrée localement tout en restant connectée globalement. Sa force repose sur un équilibre subtil entre des partenariats stratégiques avec des leaders mondiaux (Boeing, Safran, Pratt & Whitney, Pilatus), un écosystème national structuré par des politiques publiques volontaristes et un capital humain diversifié, jeune et hautement qualifié.
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