Achoura : une célébration aux multiples facettes

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Achoura : une célébration aux multiples facettesDes jeunes jouant avec le feu la nuit de Achoura © DR

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Chaque année, le Maroc célèbre Achoura, une fête profondément ancrée dans la culture et les traditions musulmanes. Cependant, cette période festive est souvent entachée par des pratiques dangereuses, notamment l’utilisation de pétards et de feux d’artifice. Malgré les efforts des autorités pour réglementer ces activités, les accidents se multiplient, causant de nombreux drames. Retour sur les origines de cette célébration, ses significations culturelles et religieuses, et les défis persistants pour garantir une fête sans risques.

Achoura, célébrée le dixième jour de Moharram, premier mois du calendrier musulman, revêt une importance particulière au Maroc. Cette fête est marquée par des pratiques de partage et de générosité. Pour les enfants, c’est un moment de joie où ils reçoivent des cadeaux et des vêtements neufs, tandis que les adultes s’adonnent à des actes de charité en distribuant des fruits secs et des aumônes aux plus démunis.

Cependant, derrière cette façade festive, Achoura est également synonyme de dangers et de heurts. Chaque année, les jours précédant la fête sont marqués par l’utilisation massive de pétards et de feux d’artifice, souvent importés clandestinement. Ces pratiques illégales, bien que réprimées par les autorités, entraînent de nombreux accidents, transformant ce moment de réjouissance en source de drames pour plusieurs familles.

Lire aussi : Achoura : Moroccan Nightmare

Aux origines de Achoura

Le nom Achoura est dérivé du nombre achara (dix en arabe), soulignant que cette fête est célébrée le dixième jour de Moharram, le premier mois du calendrier musulman. Cette célébration trouve ses racines dans une tradition instaurée par le Prophète Mohammed, inspirée par le jeûne de Yom Kippour (Jour du Grand Pardon) de la religion judaïque. Yom Kippour est un jour de jeûne et de repentir, marqué par la prière et la réflexion, au cours duquel les Juifs se purifient de leurs péchés et se réconcilient avec Dieu.

Le Prophète Mohammed, après avoir observé les Juifs jeûner le 10 du mois de Moharram à Médine, a voulu instaurer une pratique similaire parmi les Musulmans. Selon les récits, il a demandé aux Musulmans de jeûner ce jour-là pour commémorer la délivrance des enfants d’Israël de l’oppression de Pharaon, comme un acte de gratitude envers Dieu. Ainsi, le jeûne de Achoura est devenu une tradition pour les Musulmans, leur rappelant la miséricorde divine et la libération de l’oppression. Ce jeûne, bien que facultatif, est largement observé et est considéré comme une opportunité de purification spirituelle et de rapprochement avec Dieu.

Pour les sunnites, Achoura est une fête marquée par des festivités et des actes de générosité envers les démunis. Les familles se réunissent pour des repas spéciaux, échangent des cadeaux, et participent à des œuvres caritatives. C’est un moment de solidarité et de partage, où la communauté renforce ses liens et exprime sa gratitude. Quant aux enfants, ils reçoivent des jouets et des vêtements neufs, symbolisant le renouvellement et la joie de vivre.

En revanche, pour les Chiites, Achoura revêt une signification profondément différente. Pour eux, c’est un jour de deuil intense, où l’on commémore la mort tragique de Hussein, le petit-fils du Prophète Mohammed, qui a été décapité lors de la bataille de Kerbala le 10 Moharram de l’an 680. Hussein est vénéré pour son courage et son refus de céder à l’injustice, devenant un symbole de résistance et de sacrifice. La commémoration chiite est marquée par des cérémonies de deuil, des processions, et des actes d’auto-flagellation pour rappeler la souffrance de Hussein et des membres de sa famille. Ces rituels visent à exprimer la douleur et la solidarité avec les martyrs de Kerbala, tout en réaffirmant les valeurs de justice et de vérité pour lesquelles Hussein s’est battu.

Lire aussi : Achoura : près de 20.000 pétards saisis et cinq personnes interpellées 

Achoura au Maroc : entre joie et drame

Au Maroc, la fête de Achoura est célébrée chaque année dans la joie et l’allégresse. Les familles marocaines marquent cette occasion en achetant de nouveaux vêtements et des jouets pour les enfants. La fête est également associée à des actes de générosité, avec la distribution de la Zakat et des fruits secs (dattes, amandes, noix, raisins, figues et autres) aux plus démunis. En repas, c’est le couscous qui est le plat traditionnel préparé pour cette occasion.

En ce jour de Achoura, une pratique particulière appelée Zem-Zem consiste à asperger d’eau amis, voisins et passants, en référence au puits de Zem-Zem à La Mecque. Cette tradition ajoute une dimension ludique à la célébration, mais elle est également marquée par des excès dangereux.

En effet, pendant les jours précédant Achoura, les rues marocaines résonnent des détonations de pétards et de feux d’artifice, souvent importés clandestinement et vendus illégalement. Ces explosifs, principalement de fabrication chinoise, sont responsables de nombreux accidents chaque année. Les quartiers populaires sont particulièrement touchés. Des incidents graves, allant de brûlures à des amputations, sont signalés chaque année, transformant parfois cette fête en véritable cauchemar pour certaines familles.

Lire aussi : Achoura : croyances, traditions et pétards

Des mesures de prévention, mais…

Face aux dangers posés par ces pratiques, les autorités marocaines ont pris des mesures pour réguler l’usage des explosifs. Un projet de loi n° 22-16, adopté en juillet 2016, vise à encadrer strictement la vente et l’utilisation des explosifs à usage civil, des feux d’artifice et des équipements pyrotechniques.

Malgré ces efforts, la contrebande et la vente illégale de ces produits restent problématiques. En témoignent les saisies de grandes quantités de pétards et de feux d’artifice, qui montrent l’ampleur de ce commerce illicite. Par exemple, des milliers d’unités de ces produits sont régulièrement confisquées par les forces de l’ordre, illustrant la difficulté de contrôler leur circulation et leur utilisation.

Dans les hôpitaux et les services d’urgence, la vigilance est maximale chaque année, en prévision de l’augmentation des blessures causées par ces pratiques. Les médecins signalent une hausse des cas de brûlures et d’autres blessures graves. De leur côté, les associations de sensibilisation appellent à une prise de conscience et à une éducation des parents et des enfants sur les dangers des explosifs. Elles insistent sur la nécessité de campagnes de prévention plus efficaces pour limiter les incidents tragiques liés à l’usage imprudent de ces produits.

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