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Achoura : la fête explosive est de retour

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Comme chaque année, à l’approche de la fête de Achoura, les pétards et feux d’artifice réinvestissent les rues du Maroc. «Chitane», «saroukh» ou encore «touma» … Si ces produits pyrotechniques dernière génération ravissent les enfants, ils peuvent affliger de graves atteintes physiques. Les citoyens appellent les autorités sécuritaires à effectuer un contrôle strict. Dans les hôpitaux, les médecins craignent une hausse des cas de blessures. De leur côté, les associations appellent à la prudence et la sensibilisation.

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Chaque année, en cette période, les Marocains célèbrent Achoura, la veille du 10ᵉ jour du mois hégire de Moharram. Si l’heure est à la piété, un ensemble de manifestations de joie inspirées par les courants wahhabites, historiquement pro-Mouaouiya, sont apparues. Zemzem, carnavals ou encore jeux avec le feu, persistent encore. Mais au fil des ans, cette fête populaire commence à inspirer plus de crainte que de joie pour les citoyens.

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Les marchés, eux, croulent sous une offre toujours plus diversifiée et dangereuse de pétards et feux d’artifice via des réseaux de contrebande bien organisés. Si la loi interdit pourtant l’utilisation des matériaux pyrotechniques, force est de constater qu’ils envahissent déjà les rues des grandes villes. «Ces produits rentrent illicitement sur le marché marocain par le biais de la contrebande. Ils sont cachés dans des camions, avec d’autres produits déclarés. Ces engins sont contrôlés par scanner aux frontières (Sebta, Melilia et Guergarat par exemple), lorsque nous avons un doute», précise à Médias24 Lhassan Hellou, directeur de la facilitation et de l’informatique à l’Administration des douanes et des impôts indirects (ADII).

Mais s’ils amusent les jeunes et les moins jeunes, les habitants, eux, se plaignent depuis quelque temps du vacarme causé par ces petites charges d’explosifs, souvent tard dans la nuit. Dans un article écrit par nos confrères du Matin, l’on découvre que les pétards sont vendus de façon très discrète par des enfants en âge de scolarité à des prix variant entre 5 et 600 DH. «Batterie», «chitane», «warda», «bouta», «saroukh», «touma», «XD», «cigarre», «mich», «samta», «granada», «malinoua»… Chaque nom renseigne sur les caractéristiques et le degré de gravité du produit, précise le média.

«On s’attend à la même rengaine chaque année à l’approche de Achoura. Certes, les jets de pétards et de feux d’artifice se font depuis des années, mais c’était sans incident grave. Nous constatons que ces objets explosifs deviennent de plus en plus effrayants. Ce qui est inadmissible», alertait déjà en 2021 Ouadie Madih, président de la Fédération nationale des associations du consommateur (FNAC), dans les colonnes de L’Opinion.

Plus d’un million d’unités saisies à Casablanca

«Certains de ces produits présentent un extrême danger et sont utilisés pour commettre de graves agressions physiques», affirme la Direction générale de la sûreté nationale (DGSN) dans ses communiqués. Dernière actualité du genre : un adolescent de 13 ans est décédé suite à un tir délibéré d’un feu d’artifice qualifié de «dangereux», à Mohammedia.

Dans la seule région de Casablanca-Settat, les autorisés ont procédé à la saisie de plus de 1.634.593 unités de pétards et de feux d’artifice en moins d’un mois. Le profil des utilisateurs est bien défini : «Ce sont des enfants, inconscients de la dangerosité de ces objets, avançant un argument de plaisir et de divertissement», expliquait il y a deux ans Ouadie Madih.

Lire aussi : Achoura, croyances, traditions et pétards

Les actions déployées par les forces de l’ordre s’inscrivent dans le cadre des efforts constants pour lutter contre le trafic de matériaux explosifs, dont l’usage représente un grave danger pour la sécurité des personnes et de leurs biens. Toutefois, «les vendeurs ne cessent d’innover pour trouver les moyens d’importer et de vendre illicitement les pétards, comme c’est le cas aussi pour la drogue», a expliqué au Matin un marchand ambulant à Derb Omar.

La même source indique qu’une dizaine de jeunes ont été admis ces derniers jours au service d’ophtalmologie pédiatrique de l’Hôpital 20 août de Casablanca. Les atteintes au visage et particulièrement les yeux sont en effet les principales blessures observées. Et les médecins contactés par le média s’attendent à une augmentation des cas dans les jours à venir.

«Ceci pourrait entraîner une perte de la vue, des lésions de la cornée ou encore des hémorragies intra-oculaires», explique Dr Tayeb Hamdi, médecin chercheur en politiques et systèmes de santé, interrogé par nos confrères. Et d’ajouter que dans d’autres cas, l’amputation des doigts ou de toute la main devient une urgence quand la personne est touchée aux mains ou àl’avant-bras. À cela s’ajoutent, selon l’expert, des brûlures thermiques qui risquent de devenir plus compliquées à cause de la chaleur.

… malgré l’interdiction

La loi n°22.16 portant sur la réglementation des produits explosifs à usage civil, des artifices destinés au divertissement et des matériels contenant des substances pyrotechniques est pourtant très claire. Le texte prévoit une «peine d’emprisonnement de 2 à 5 ans, en plus d’une amende oscillant entre 50.000 et 500.000 DH» contre toute personne impliquée dans l’importation ou la fabrication clandestine de matériaux pyrotechniques, ou en possession de produits explosifs ou de feux d’artifice, sans y être légalement habilitée.

Lire aussi : Achoura, 17 personnes interpellées dans plusieurs villes marocaines

Ces artifices de divertissement sont classés en quatre catégories :

  1. Catégorie C1 : artifices de divertissement qui présentent un danger très faible et un niveau sonore négligeable et qui sont destinés à être utilisés dans des espaces confinés, y compris les artifices de divertissement destinés à être utilisés à l’intérieur d’immeubles d’habitation ;
  2. Catégorie C2 : artifices de divertissement qui présentent un danger faible et un faible niveau sonore et qui sont destinés à être utilisés, à l’air libre, dans des zones confinées ;
  3. Catégorie C3 : artifices de divertissement qui présentent un danger moyen, qui sont destinés à être utilisés, à l’air libre, dans de grands espaces ouverts et dont le niveau sonore n’est pas dangereux pour la santé humaine ;
  4. Catégorie C4 : artifices de divertissement qui présentent un danger élevé et qui sont destinés à être utilisés uniquement par des personnes ayant des connaissances particulières, normalement désignés par l’expression «artifices de divertissement à usage professionnel» et dont le niveau sonore n’est pas dangereux pour la santé humaine.

Cette loi, entrée en vigueur en juillet 2018, n’est cependant pas appliquée de manière rigoureuse. «Il ne suffit pas d’avoir des lois et les garder dans les tiroirs. Elles doivent avoir leurs outils de déploiement sur le terrain, ainsi que des agents de contrôle», soulignait en 2021 le président de la FNAC.

Dans un appel lancé via Le Matin, le président de l’Association casablancaise des pédiatres privés (ACPP), Dr Saïd Afif, incite les parents à plus de vigilance, du fait que les utilisateurs sont les personnes les plus à risque. Pour lui, «les enfants subissent les conséquences de leur insouciance et de la non-surveillance des parents».

Mais «les efforts de la société civile restent insuffisants face au manque d’une réelle politique pour endiguer ce phénomène», déplorait Madih, avant de souligner que les citoyens ont leur part de responsabilité dans la propagation de cette «guerre» sans fin.

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