Rapport du CESE : un Maroc en mutation sous l’impact de crises multiples

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Projet de loi sur la grève : le CESE dénonce un manque d’équilibre et de clartéConseil économique, social et environnemental (CESE) © DR

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Face aux défis économiques, sociaux et environnementaux intensifiés en 2022, le Maroc a dû adapter sa stratégie. Le rapport annuel du CESE détaille cette période complexe, marquée par la pandémie, les tensions géopolitiques et les crises climatiques, tout en mettant en lumière les réponses et réformes stratégiques déployées par le gouvernement.

L’année 2022 était difficile pour un Maroc confronté à une série de défis économiques, sociaux et environnementaux dans un contexte mondial en mutation rapide. Le Rapport Annuel du Conseil économique, social et environnemental (CESE), offre une perspective détaillée de ces épreuves. Il analyse ainsi les effets de la pandémie de la Covid-19, les fluctuations des marchés mondiaux et les répercussions de la guerre russo-ukrainienne. Ces facteurs externes, combinés à des problématiques internes, ont entravé l’essor du Royaume. Le rapport explore non seulement les difficultés rencontrées, mais aussi les stratégies déployées par le gouvernement pour y faire face. De plus, il s’attarde sur les réformes structurelles et les initiatives de développement durable.

Contexte économique global et impact sur le Maroc  

Il faut d’abord revenir sur le PIB mondial. Ce dernier a connu une croissance ralentie, passant de 6,3% à 3,4% l’année dernière. Cette décélération reflète l’ampleur des répercussions de la guerre russo-ukrainienne sur les prix des matières premières et des produits alimentaires. Elle affirme aussi l’exacerbation de l’inflation mondiale qui a grimpé de 4,7% en 2021 à 8,7% en 2022.

Ces conditions défavorables ont fortement affecté l’économie marocaine. En effet, le pays, en tant que partie intégrante de l’économie mondiale, n’a pas été épargné. La croissance économique du Maroc a ainsi subi un recul significatif, passant de 8% en 2021 à 1,3% en 2022. Cette chute illustre l’influence des perturbations globales, couplée aux défis internes. Il s’agit principalement d’une sécheresse persistante qui frappe de plein fouet le secteur agricole, affichant une baisse de 12,9% de sa valeur ajoutée.

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Une pression croissante

En outre, le déficit commercial du Royaume s’est aggravé en 2022, renforçant la pression sur l’économie nationale. De fait, la hausse des prix des matières premières et des produits énergétiques sur le marché mondial, aggravée par le conflit russo-ukrainien, a entraîné une augmentation des coûts d’importation. Cette situation a contribué à une inflation notable, qui est passée de 1,4% en 2021 à 6,6% en 2022. Cette progression a affaibli le pouvoir d’achat des citoyens, en particulier les segments de la population les plus vulnérables.

Le rapport du CESE évoque aussi le marché de l’emploi. Ce dernier a été bouleversé, mais révèle une légère baisse du chômage de 12,3% en 2021 à 11,8% en 2022 (chiffres HCP). Malgré cette faible évolution, une perte nette de 24.000 emplois a été observée au cours de l’année. Celle-ci souligne la nécessité de politiques efficaces pour stimuler la création d’emplois et la croissance économique.

Résilience et évolutions sectorielles  

En dépit d’une conjoncture délicate, l’économie a démontré une résilience remarquable. Et ce, grâce à la robustesse de certains secteurs clés et à des évolutions positives. Le secteur du tourisme est d’ailleurs un modèle en matière de résilience. Après une période de stagnation due à la pandémie de la Covid-19, il a connu une reprise impressionnante en 2022, avec une augmentation de 166% des recettes de voyages, dépassant ainsi les niveaux d’avant la crise. Cette amélioration a contribué de manière significative à l’essor de l’économie nationale, stimulant à la fois le secteur touristique et les industries connexes.

De même, les transferts des Marocains résidant à l’étranger (MRE) ont enregistré une croissance positive de 16,5%. Ils traduisent ainsi la force des liens diasporiques et leur importance pour le pays. Ces transferts ont joué un rôle crucial dans le soutien aux familles et communautés locales.

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Même constat du côté des IDE

S’agissant des investissements directs étrangers (IDE), ils ont maintenu une dynamique stable, avec un ratio avoisinant les 3% du PIB. Cette stabilité témoigne de la confiance des investisseurs internationaux dans l’économie marocaine et de son potentiel de croissance malgré les crises mondiales actuelles.

Cependant, certains défis structurels persistent, notamment en ce qui concerne la productivité du travail et l’efficience de l’investissement. Ces facteurs continuent d’affecter les performances économiques, relevant la nécessité d’adopter des réformes pour améliorer la productivité et l’efficacité de l’investissement. D’où l’importance de la nouvelle loi-cadre 03-22 formant la Charte de l’Investissement, adoptée en décembre 2022.

Problématiques structurelles et réformes économiques  

Par ailleurs, le Maroc continu de contrer le ralentissement de la productivité du travail depuis la crise financière mondiale de 2008 et une détérioration de l’investissement, comme en témoigne l’indice ICOR (Incremental Capital-Output Ratio). Ce dernier mesure le nombre d’unités d’investissement nécessaire pour générer une unité supplémentaire de sortie. Et en raison des facteurs précités, il est resté élevé, indiquant une lourde baisse des financements. Le redressement de cette situation repose désormais sur une meilleure allocation des ressources et une gestion optimale des investissements.

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Environnement et changement climatique  

Sur le plan environnemental, le Maroc s’adapte au mieux aux changements climatiques, mais reconnait leur incidence sur le développement durable du pays. Le CESE met, en ce sens, en lumière les initiatives ambitieuses pour aborder ces enjeux globaux avec une approche proactive et intégrée.

Une des priorités a été le développement des énergies renouvelables, afin de réduire la dépendance aux combustibles fossiles et de minimiser les émissions de gaz à effet de serre. Le Royaume s’est aussi engagé dans des projets d’envergure, comme la construction de centrales solaires et éoliennes. Celles-ci visent à augmenter la part des énergies renouvelables dans son mix énergétique. Ces efforts s’inscrivent dans le cadre de l’objectif national d’atteindre 52% de la production d’électricité à partir de sources renouvelables d’ici 2030.

Le rapport souligne également l’importance de la gestion durable des ressources en eau, face à la sécheresse et la surexploitation des ressources hydriques. Le gouvernement a mis en œuvre des politiques de gestion de l’eau, comprenant la modernisation des infrastructures d’irrigation, le développement de nouvelles sources d’eau, dont le dessalement et la sensibilisation à l’utilisation rationnelle de l’eau.

Pour ce qui est de ses engagements internationaux, le Maroc a activement participé à des manifestations mondiales, telles que la COP27. Par ces participations, il affirme son rôle de leader dans la lutte contre le changement climatique, notamment en Afrique. Le pays cherche toujours à valoriser ses politiques et ses réalisations en matière de préservation de la biodiversité et de la promotion de l’économie verte.

Dans son rapport, le CESE souligne en outre l’urgence de l’adoption d’une approche intégrée pour aborder les questions environnementales, incluant l’éducation, la sensibilisation du public et la coopération intersectorielle.

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Initiatives stratégiques

Par ailleurs, le gouvernement a lancé plusieurs initiatives pour stimuler l’économie et améliorer la compétitivité nationale. Au cœur de ces efforts, l’adoption de la nouvelle charte d’investissement et la mise en place du Fonds Mohammed VI pour l’investissement. Ces mesures consolident l’environnement des affaires afin d’attirer davantage d’IDE et d’investissement privé. De plus, le gouvernement a accentué la diversification économique, en se concentrant sur des secteurs à haute valeur ajoutée. Cela concerne, entre autres, les domaines de la technologie, des énergies renouvelables, du tourisme et de l’agriculture.

Sur le volet social, une avancée notable a été réalisée avec l’accélération de la généralisation de l’Assurance maladie obligatoire (AMO). Cette réforme de la protection sociale a pour but l’expansion de la couverture sanitaire à toute la population. Un pas crucial dans un contexte de crise sanitaire. Parallèlement, le secteur de la santé a connu une refonte importante. Le gouvernement mise ainsi sur l’amélioration des infrastructures de santé et la formation du personnel médical. Ces actions sont primordiales pour renforcer le système de santé national face aux pandémies et pour le préparer à de futures crises sanitaires.

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Développement du capital humain et égalité des chances 

Le rapport du CESE a aussi abordé la question de l’éducation nationale. En 2022, souligne-t-il, des réformes importantes ont été entreprises pour moderniser et améliorer le système éducatif. La feuille de route 2022-2026 élabore un plan d’action stratégique pour transformer ce secteur en souffrance depuis plusieurs années. Ce projet ambitionne de fournir une meilleure qualité de l’éducation, en se focalisant sur l’adéquation des compétences enseignées avec les besoins du marché du travail.

Un autre plan national est aussi prévu pour accélérer la transformation de l’écosystème de l’enseignement supérieur, de la recherche scientifique et de l’innovation. Sa réalisation a été élaborée avec un horizon fixé à 2030. Ce plan ambitieux vise à aligner ce système sur les standards internationaux. Pour ce faire, il prévoit de favoriser l’innovation, la recherche appliquée et le développement technologique.

Enfin, le gouvernement assure que l’autonomisation économique des femmes et la réduction des inégalités de genre sont cruciales. Le CESE recommande ainsi de soutenir l’éducation des filles, l’emploi féminin et l’entrepreneuriat féminin, ainsi que de renforcer les cadres légaux en faveur de l’égalité des sexes. Il suggère aussi l’adoption de politiques monétaires et fiscales prudentes. Des mesures spécifiques, telles que le contrôle des prix de certains produits de base et la subvention de produits essentiels, ont été déterminées pour atténuer l’impact de l’inflation sur les populations vulnérables et préserver leur pouvoir d’achat.

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