Cover chronique HARMONIE
Anass Hajoui Publié le 18/12/25 à 10:29
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Discipline intérieure

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Il y a ceux qu’on dit exigeants. On les décrit comme rigoureux, pointilleux, voire difficiles. On confond souvent leur exigence avec une posture, un trait de caractère… un besoin de contrôle. En réalité, chez beaucoup, l’exigence n’est pas un choix, mais un refuge.

Quand l’environnement est instable, flou ou imprécis, l’exigence devient une manière de tenir. Être clair, structuré, rigoureux permet de créer un cadre là où il n’existe pas. Ce n’est pas une recherche de perfection, mais une tentative d’équilibre. Le désordre semble coûter plus cher que l’effort nécessaire pour l’éviter.

Ceux qui fonctionnent ainsi ne cherchent pas à briller. Ils cherchent à réduire l’incertitude. Ils anticipent, vérifient, reprennent, corrigent. Non pas par obsession, mais parce qu’ils savent qu’un détail négligé finit toujours par devenir un problème à gérer plus tard. Leur exigence est une économie de fatigue différée.

Dans le monde professionnel, ce mécanisme est souvent mal interprété. On y voit de la pression là où il y a de la prévention. On y voit de la dureté là où il y a une volonté de fluidité. Pourtant, ce sont souvent ces profils qui absorbent les dysfonctionnements, qui stabilisent les équipes, qui maintiennent la continuité quand le reste vacille.

Mais ce refuge a un coût. À force d’être exigeant pour compenser ce qui manque ailleurs, on s’habitue à porter plus que sa part. L’exigence devient une norme personnelle, puis une attente implicite. On finit par être celui sur qui tout repose, parce qu’on a prouvé qu’on tenait. Et tenir devient un rôle.

Ce mécanisme protège à court terme, mais il use à long terme. Non pas parce que l’exigence est excessive, mais parce qu’elle n’est pas partagée. Elle devient un effort solitaire dans un système qui s’y appuie sans le reconnaître. On salue le résultat, rarement le poids qu’il représente.

Il ne s’agit pas de renoncer à l’exigence. Elle est souvent ce qui permet aux choses d’avancer quand elles devraient s’arrêter. Mais il est nécessaire de comprendre ce qu’elle recouvre réellement. Chez certains, l’exigence n’est pas un trait de personnalité. C’est une réponse.

Une réponse à l’imprécision, à l’instabilité, à l’à-peu-près. Une manière de rester debout quand le cadre manque. Tant qu’on la regarde comme une simple attitude, on passe à côté de l’essentiel. L’exigence n’est pas toujours une pression exercée sur les autres. Elle est parfois la seule façon de se protéger soi-même.

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