Il aura suffi d’un vote à l’ONU pour conclure 50 ans de combat. Le 31 octobre 2025, le Conseil de sécurité a officiellement adopté le plan marocain d’autonomie pour le Sahara comme « la solution la plus réaliste », sonnant le glas de la pseudo République arabe sahraouie démocratique (pseudo RASD). « Un changement historique », a salué le roi Mohammed VI. « Une trahison », murmure-t-on dans les ruines du Polisario.

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New York, 31 octobre 2025, 15h00. Rabat, 31 octobre, 20h00. Le marteau du président du Conseil de sécurité de l’ONU s’abat sur le bureau. La résolution 2797 est adoptée à une écrasante majorité. 11 voix pour, aucune contre, 3 abstentions (Chine, Russie et Pakistan). « Le plan marocain d’autonomie constitue la base la plus réaliste pour une solution politique au Sahara », peut-on lire dans le texte final.

Dans les coulisses du siège new-yorkais, c’est enfin fini. Après 50 ans de combat, c’est enfin terminé.

conflit sahara dates LeBrief
Le conflit du Sahara en 8 dates clefs © LeBrief

Abdelhamid Benkhattab n’a pas besoin de tourner autour du pot. Pour ce politologue marocain, spécialiste des questions internationales, la donne est claire depuis longtemps, « la RASD n’a jamais existé au sens juridique du terme. Un État se définit par trois éléments : un territoire, une population, une souveraineté. Là, nous avons un mouvement armé qui survit grâce à des camps de réfugiés et à l’aide internationale et une reconnaissance diplomatique qui s’effrite. Avec cette résolution, il n’y aura plus de « peuple sahraoui », juste des citoyens marocains ».

Ce n’est pourtant pas si simple. Car si la pseudo RASD est bien en train de disparaître des radars internationaux, la question de l’après-RASD demeure. Que deviennent les combattants du Polisario ? Comment intégrer des dizaines de milliers de réfugiés des camps de Tindouf ? Et surtout, le Maroc, vainqueur sur le papier, saura-t-il transformer cette victoire diplomatique en paix durable ?

L’effondrement diplomatique

Il fut un temps où la pseudo RASD pouvait se targuer d’être reconnue par plus de 80 États. Ce temps est révolu. En 2025, ils ne sont plus que 23, une poignée de régimes isolés, des pays sous influence algérienne ou des États en mal de provocation géopolitique. Soit moins qu’un club de football de deuxième division, ironise la twittoma après l’annonce du retrait du Ghana, en janvier 2025. « Le Ghana considère désormais le plan d’autonomie marocain comme la seule base réaliste et durable pour résoudre le conflit », avait alors déclaré le ministre ghanéen des Affaires étrangères, Samuel Okudzeto Ablakwa, scellant ainsi un revirement qui a fait l’effet d’une bombe dans les rangs algériens.

Le Kenya, le Panama, l’Équateur, la Croatie… La liste des déserteurs s’allonge chaque mois, comme une hémorragie impossible à arrêter. Pour le Front Polisario et l’Algérie, le contexte juridique se restreint. La formulation du Conseil ne reconnaît ni la prétendue « RASD », ni le modèle référendaire qu’ils continuent d’invoquer.

Les dessous de la carte

La présentation par l’Algérie de cette question comme un enjeu de décolonisation trouve peu d’écho dans la pratique actuelle du Conseil. La lex specialis applicable en l’espèce est passée de la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux (1960) au corpus du droit relatif aux règlements de paix, résolution négociée en vertu du Chapitre VI de la Charte.

Cela confère à l’argumentation algérienne une dimension de plus en plus politique plutôt que juridique. Son insistance sur un choix binaire (indépendance ou statu quo) contraste fortement avec la troisième voie, juridiquement reconnue par le Conseil : l’autonomie dans le cadre de la souveraineté », résume Dr Lahcen Haddad, expert en droit international, dans sa publication « UN Security Council Resolution 2025 on Western Sahara: Legal and Diplomatic Implications for International Law ».

Pour le Dr, la résolution 2797 marque un tournant historique, progressivement travaillé. « Le langage, la structure et l’enchaînement des éléments constituent une évolution majeure dans la pratique interprétative du Conseil en matière de droit international. Le texte consolide plus d’une décennie de glissements linguistiques progressifs depuis la résolution 1754 (2007), passant d’une reconnaissance prudente de l’initiative marocaine comme « sérieuse et crédible » à sa centralité juridique explicite au sein du processus politique mandaté par l’ONU ».

 

Dans les coulisses de l’ONU, l’atmosphère est électrique. Le Polisario, c’est comme un boxeur K.O. debout. Tout le monde voit qu’il est fini, même s’il refuse de tomber. Mohamed Yeslem Beissat, représentant des Affaires étrangères du Polisario, tente bien de sauver les apparences : « Nous sommes prêts à discuter… mais à condition que le peuple sahraoui valide l’accord par référendum ».

Polisario : entre reddition et intégration forcée ?

Ceux qui, hier encore, se battaient pour une illusion, se trouvent face à une réalité amère, celle de la vérité. Aujourd’hui, il sera proposé des postes dans l’administration : « ceux qui portent des armes pourraient intégrer l’armée et la police et les autres intégrer l’administration des territoires à savoir Parlement, gouvernement… », explique Benkhattab à LeBrief.

Un scénario qui rappelle étrangement celui de la Colombie, où les anciens guérilleros des FARC ont échangé leurs kalachnikovs contre des sièges au Congrès. Dans les provinces du Sud, ce pourrait être pareil avec des postes dans les assemblées régionales, des budgets pour le développement local… toujours sous drapeau marocain. Le problème qui pointe là sous notre nez, ce sont ces vétérans du Polisario qui ne voudront pas entendre parler de tout cela… Même s’ils n’ont plus vraiment le choix.

Et puis, il y a la question des camps de Tindouf. Entre 90.000 et 165.000 personnes y vivent encore, dépendantes de l’aide internationale et de la bonne volonté algérienne. Selon une publication de l’Institut Géopolitique Horizons, « La « Pax Americana » entre le Maroc et l’Algérie : Réconciliation ou Jeu de Dupes ? », publiée le 20 octobre 2025, il faudrait dissoudre les camps de Tindouf, dans le cadre des ambitions américaines.

D’ailleurs, les Américains, parlons-en. C’est en partie grâce à eux que le travail a pu avancer. Selon l’analyse précédemment citée, Washington voudrait une Algérie docile, qui abandonne la Russie et ouvre ses portes à l’OTAN. Mais attention, le Maroc n’est pas dupe. Rabat sait que si Alger devient le chouchou des États-Unis, le Royaume pourrait perdre son avantage stratégique. D’où la « Doctrine de l’Équilibre de Mogador », doctrine géopolitique proposée par l’Institut Géopolitique Horizons, une stratégie marocaine consistant à multiplier les partenariats pour ne dépendre de personne.

Partenaires 🌍Accords récents (2024-2025) 📜Message à Washington 💬
Drapeau Chine Chine23 accords (infrastructures, énergie, numérique), train à grande vitesse Marrakech-Agadir.« On a d’autres options »
Drapeau Russie Russie« Dialogue stratégique », projets nucléaires et militaires (1,3 milliard $ d’investissements).« On ne met pas tous nos œufs dans le panier américain »
Drapeau UE UESoutien au plan marocain, investissements massifs dans les énergies renouvelables.« On reste un partenaire fiable, mais pas exclusif »

Pour Washington, le Sahara marocain n’est pas la fin prévue. Les USA ont pour objectif officiel de sécuriser le Sahel en neutralisant la rivalité Maroc-Algérie, et faire de l’Algérie une base arrière militaire via la réactivation de la base de Tamanrasset. Car, rappelons-le, malgré une coopération militaire étroite avec Washington, le Maroc a, selon Horizons.ma, toujours refusé d’accueillir le quartier général d’AFRICOM. « L’Algérie dispose d’atouts géostratégiques que les États-Unis convoitent depuis longtemps : une profondeur stratégique saharienne unique, des infrastructures militaires de premier ordre et une position géographique idéale pour surveiller l’ensemble de l’arc de crise sahélo-saharien », détaille l’étude.

Sahara : 4 ans pour tout régler ?

Voilà le comble pour les Américains. Le Maroc, allié historique des États-Unis depuis 1787, est aussi celui qui leur résiste le plus. Oui, Rabat participe aux exercices militaires conjoints, comme African Lion, le plus gros du genre en Afrique. Oui, le Royaume collabore sur le renseignement et la lutte antiterroriste. Mais non, le Maroc ne sera jamais le porte-avions de l’AFRICOM. Pas de base permanente, pas de quartier général, pas de présence militaire américaine intrusive. Alliés, pas vassaux, pour la faire courte.

C’est le genre de stratégie géopolitique marocaine, vieille de plusieurs siècles, on serre la main de tout le monde, mais on ne se marie avec personne ! Une stratégie qui pourrait agacer Washington, mais qui force le respect. Le Maroc a une crédibilité en Afrique que n’ont pas les pays perçus comme des marionnettes américaines.

C’est là que les États-Unis ont trouvé la parade, à savoir jouer la politique du double jeu, garder le Maroc comme allié affiché au Maghreb, tout en bâtissant une présence militaire à peine visible en Algérie (base de Tamanrasset, coopération anti-terroriste renforcée).

Le Maroc le sait, la politique est ainsi faite, d’où les récents rapprochements avec la Chine, la Russie, et même… l’Iran. Message reçu, 5/5.

Et maintenant ? Gérer la paix, plus difficile que gagner la guerre ?

La pseudo RASD est morte. Mais l’après-RASD s’annonce bien plus compliqué qu’un simple coup de balai. Intégrer 100.000 anciens « ennemis » dans un Maroc déjà sous tensions sociales, ce n’est pas gagné.

Benkhattab Abdelhamid, lui, reste prudent : « Sur le plan international, le Polisario ne peut pas prétendre être un État au sens juridique du terme ». Par ailleurs, concernant la Cour de Justice européenne, tout reste suspendu à l’issue des négociations tripartites entre le Maroc, l’Algérie et le Polisario. « Une fois qu’un accord sera signé, ce sera fini. La Cour de justice européenne n’aura même plus à trancher, le changement sera immédiat ».

Et l’Union africaine dans tout ça ? Elle devra prendre acte de la résolution de l’ONU. Théoriquement, ça devrait être effectif depuis le 31 octobre, car la pseudo RASD ne peut plus avoir de représentant. Mais le politologue connaît les lenteurs des institutions, « Les choses prennent du temps, ça peut arriver dans une semaine comme dans un mois ». Une certitude cependant : juridiquement, la pseudo RASD ne peut plus prétendre à un siège à l’Union africaine. C’est tout simplement impossible.

Les camps de Tindouf, cadeau empoisonné ?

  • 90.000 à 165.000 personnes vivent encore dans ces camps, dépendantes de l’aide internationale.
  • L’Algérie veut s’en débarrasser : « Les Etats-Unis et l’UE font pression pour les fermer », révèle Horizons.ma.

Solutions envisagées (parmi les 11 exigences américaines dans le cadre de la médiation Witkoff)

  • Réinstallation au Maroc (provinces du Sud, avec aides à l’installation).
  • « Ingénierie démographique » (terme américain) : « On répartit les populations entre le Maroc et des tribus mauritaniennes « amies » pour éviter les concentrations de mécontentement ».

La pseudo RASD est finie. C’est un fait. Mais ses fantômes, eux, sont bien vivants et les fantômes, parfois, reviennent hanter les vivants.

USA : 10%, good or bad pour le Maroc ?

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