350.000 paires de pieds, des milliers de drapeaux rouges à étoile verte, avec un seul mot d’ordre : « Le Sahara est à nous ». Voilà, c’est parti pour un coup de théâtre géopolitique, une leçon de diplomatie populaire et historique.

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Le 6 novembre 1975, le Maroc a sorti son arme secrète. Sur ce sol, pas des chars, pas des missiles, mais 350.000 civils, armés de leur foi, de leur Coran et d’une détermination à toute épreuve. La Marche verte, c’était ce moment où un pays entier a dit à l’Espagne : « Assez joué, maintenant, tu nous rends ce qui nous appartient ». Evidemment, il ne s’agit là que de vulgarisation simpliste.

Mais pour comprendre pourquoi ce jour-là, le Maroc a marqué l’Histoire, il faut remonter dans le temps. Parce que le Sahara, voyez-vous, ce n’est pas une terre perdue, c’est une terre spoliée. Et en 1975, feu le roi Hassan II a décidé qu’il était temps de la récupérer. Pas avec des bombes, non et non, ce n’est pas le style marocain. Avec des sourates et une stratégie si bien ficelée que même Franco n’a pas su quoi répondre. C’est ce que l’Histoire retiendra comme la Marche Verte.

Le Sahara avant les Espagnols

Avant que les Européens ne débarquent avec leurs cartes et leurs traités, le Sahara, c’était marocain. Point. Pas au sens où on plante un drapeau et on déclare « C’est à moi ! », non. Au sens où les tribus (les Rguibat, les Oulad Delim, les Tekna) reconnaissaient l’autorité du Sultan. Les bayaâ (ces serments d’allégeance que les chefs tribaux faisaient au Makhzen), les expéditions militaires vers le « Blad Siba » (le pays de la dissidence, pour les intimes) et même les vieilles cartes d’Al Idrissi au XIIe siècle, tout ça prouve une chose, à savoir que le Sahara, c’était le Maroc et le Maroc, c’était le Sahara.

Mais voilà, à la fin du XIXe siècle, les Espagnols débarquent. 1884, ils plantent leur drapeau à Dakhla. 1958, ils officialisent leur mainmise avec ledit « Sahara espagnol ». Le Maroc, sous protectorat français, râle, mais ne peut rien faire… pour l’instant… Jusqu’à l’indépendance en 1956. Là, feu le roi Mohammed V commence à réclamer la restitution du Sahara. Sans succès. L’Espagne, sous Franco, fait la sourde oreille. Pis encore, elle renforce sa présence militaire et transforme le Sahara en colonie de peuplement.

Et puis, il y a l’Algérie. Parce que oui, dans cette histoire, il y a toujours l’Algérie. Alger, qui voit dans le Sahara un moyen d’affaiblir son voisin marocain, commence à soutenir des mouvements séparatistes. Des petits groupes qui, plus tard, deviendront le Front Polisario. Mais en 1975, tout ça, c’est encore de la politique-fiction. Ce qui compte, c’est que l’Espagne refuse de lâcher le Sahara et que le Maroc, lui, refuse de lâcher l’affaire.

6 novembre 1975 : début de la Marche verte

En 1975, Franco est mourant. L’Espagne est en crise. Et le Sahara ? Un fardeau pour eux. Madrid commence à envisager de se retirer. Mais au lieu de le rendre au Maroc, l’Espagne parle d’un référendum d’autodétermination. C’est clairement inacceptable pour Rabat ! De quel droit ?

C’était sans compter sur feu le roi Hassan II qui avait un plan, celui de la Marche Verte. Un plan audacieux, pacifique et surtout, imparable, qui lui vaudra des décennies d’admiration aux quatre coins du monde. Il va envoyer 350.000 civils marocains marcher vers le Sahara. Sans armes. Juste avec des Corans, des drapeaux et une foi inébranlable en leur Roi. Et c’est là que le bât blesse, car face à une telle situation, l’Espagne sera forcée de négocier. Parce que face à une marée humaine pacifique, personne ne peut tirer.

Le 16 octobre 1975, dans un discours à Skhirat, feu le roi Hassan II lance l’appel de la Marche Verte, « Al Massira Al Khadra ». 350.000 Marocains répondent présent. Des vieillards, des femmes, des enfants, des étudiants, des ouvriers. Tout le monde, il n’y avait aucune disparité de genre ou de niveau social. Parce que le Sahara, c’est l’affaire de tous.

 

6 novembre 1975 : le jour où le Maroc a fait plier l’Espagne

Le 6 novembre, à l’aube, la Marche verte commence. 350.000 personnes se mettent en route. Des colonnes interminables de djellabas, de drapeaux rouges à étoile verte, de banderoles « Le Sahara est marocain ». Les marcheurs avancent, chantent, prient. L’Espagne, elle, ne sait pas quoi faire. Tirer sur des civils ? Impensable. Laisser faire ? Dangereux. Madrid est coincée. Pendant six jours, les marcheurs avancent. Les médias du monde entier couvrent l’événement. Le New York Times titre : « Moroccans Rally to join Unarmed March Into Spanish Sahara » et en parle de nombreuses fois en UNE du journal.

Marche verte : Quand 350.000 citoyens écrivaient l’Histoire du Maroc
Une du journal The New York Times, du 17 octobre 1975, annonçant la Marche Verte : « MOROCCANS PLAN MARCH IN SAHARA » © Archives The New York Times

Et puis, le 10 novembre, 4 jours après le début de la Marche Verte l’Espagne cède. Enfin… elle accepte de négocier. Le 14 novembre, les accords de Madrid sont signés, l’Espagne quitte le Sahara et le rétrocède au Maroc et à la Mauritanie (qui, spoiler alert, renoncera en 1979). Victoire. Sans un coup de feu. Juste avec 350.000 paires de pieds et une stratégie de génie.

Feu le roi Hassan II, en ce jour de Marche Verte, a prouvé une chose que la force ne réside aucunement dans le nombre d’armes qu’une puissance possède, mais dans l’unité d’un peuple. En envoyant des civils désarmés, il a désamorcé toute velléité de répression. En s’appuyant sur la légitimité historique et religieuse du Maroc sur le Sahara, il a donné à sa cause une dimension morale que personne ne pouvait contester.

Et aujourd’hui, 50 ans plus tard, la Marche verte reste l’acte, le symbole, le point le plus ultime de la résistance marocaine. Un rappel que, face à l’injustice, l’audace et l’unité peuvent renverser des montagnes. Ou, en l’occurrence, faire plier une puissance coloniale. Aujourd’hui, les consulats ouvrent à Laâyoune et Dakhla comme des champignons après la pluie. Les projets économiques se multiplient. La Marche verte, c’était l’acte fondateur de cette victoire.
Alors oui, aujourd’hui, quand on parle de la Marche Verte, du Sahara, on parle de diplomatie, de consulats, de développement économique. Mais n’oublions pas d’où tout ça vient… d’un Roi qui a osé !

Et ça, chers compatriotes, ça n’a pas de prix.

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