Palestine : qui reconnaît, qui hésite et qui refuse ?

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Palestine : qui reconnaît, qui hésite et qui refuse ?Un drapeau palestinien devant le siège de l'ONU à New York, le 18 septembre 2025 © AFP

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Une nouvelle vague de reconnaissances marque un tournant symbolique pour l’État palestinien. Certains pays viennent de l’officialiser, s’ajoutant à ceux qui l’avaient déjà fait, tandis que d’autres restent hésitants ou refusent encore de franchir le pas.

La question de la reconnaissance de la Palestine suscite depuis des décennies de nombreux débats sur la scène internationale. En Afrique, comme ailleurs, les positions des pays varient, reflétant des choix diplomatiques et politiques propres à chaque État.

Qui reconnaît l’État palestinien ?

Depuis la proclamation de l’État palestinien en 1988 par Yasser Arafat à Alger, la communauté internationale a progressivement reconnu la Palestine comme un État souverain. Aujourd’hui, près de 80% des États membres de l’ONU, soit 158 pays sur 193, reconnaissent officiellement la Palestine. Cette reconnaissance inclut la Russie, la quasi-totalité des pays arabes, de nombreux pays africains et latino-américains, ainsi que plusieurs grandes nations asiatiques comme l’Inde et la Chine. Elle repose sur le constat que la Palestine remplit les critères internationaux d’un État : un territoire, une population et un gouvernement indépendant, même si sa souveraineté est partiellement limitée par l’occupation israélienne.

Le Maroc fut d’ailleurs l’un des premiers pays à reconnaître la Palestine dès novembre 1988, peu après sa proclamation. D’autres États ont suivi dans les années qui ont précédé et succédé à la première vague, consolidant la légitimité de l’État palestinien sur le plan diplomatique. Une deuxième vague de reconnaissances est intervenue environ vingt ans plus tard, avant qu’une troisième ne soit déclenchée récemment en réaction à la guerre à Gaza en 2023, marquant un tournant historique dans les relations internationales autour du conflit israélo-palestinien.

Lire aussi : Reconnaissance de la Palestine : un geste symbolique mais historique 

L’Europe, longtemps divisée, connaît un mouvement inédit de reconnaissance. Jusqu’au début des années 2010, seuls quelques pays européens, comme la Suède, avaient reconnu l’État palestinien. Depuis 2024, la Norvège, l’Espagne, l’Irlande et la Slovénie ont suivi le même chemin. Lors de l’Assemblée générale de l’ONU qui s’est tenu lundi, la France, la Belgique, le Luxembourg, Malte, Andorre et Monaco ont officialisé leur reconnaissance, rejoignant le Royaume-Uni et le Canada, le Portugal et l’Australie qui avaient fait de même la veille. Ces annonces reflètent un consensus croissant en Europe occidentale et nordique, où la question palestinienne avait longtemps divisé le continent.

La guerre à Gaza a joué un rôle déclencheur dans cette dynamique. Depuis le déclenchement du conflit par le Hamas en octobre 2023, plus de 15 pays ont reconnu l’État palestinien, dont deux membres permanents du Conseil de sécurité, à savoir la France et le Royaume-Uni. Saint-Marin a également reconnu officiellement la Palestine. Plusieurs autres pays ont exprimé leur volonté d’emboîter le pas, parmi lesquels la Finlande, le Danemark, la Croatie et la Nouvelle-Zélande. 


La Palestine, un État déjà reconnu par 52 pays en Afrique

Depuis la proclamation de l’État palestinien le 15 novembre 1988 à Alger par Yasser Arafat, la quasi-totalité des pays africains ont reconnu cet État. L’Algérie est devenue ainsi le premier pays au monde à officialiser cette reconnaissance, qui a été rapidement suivie par le Maroc, la Tunisie la Mauritanie et la Libye. Dans les semaines qui ont suivi, plusieurs dizaines de pays africains ont emboîté le pas, parmi lesquels le Soudan, l’Égypte, le Nigeria, le Burkina Faso, le Sénégal ou la Guinée. 

L’Afrique du Sud a rejoint ce mouvement après la fin de l’apartheid, sous la présidence de Nelson Mandela, le 15 février 1995. Cette décision figurait parmi les premières mesures diplomatiques du nouveau président et symbolisait le soutien de Pretoria à la cause palestinienne. 30 ans plus tard, le gouvernement sud-africain continue de plaider pour une reconnaissance universelle de l’État palestinien, estimant que celle-ci constitue une étape clé vers la mise en place d’une solution à deux États. 

Aujourd’hui, sur les 54 pays du continent africain, seuls deux n’ont pas reconnu l’État palestinien : le Cameroun et l’Érythrée. Ces deux pays entretiennent des liens étroits avec Israël, notamment dans le domaine sécuritaire, ce qui explique donc leur réticence à officialiser une reconnaissance. Pour le reste du continent, la Palestine bénéficie d’un large soutien diplomatique et politique, consolidé depuis plus de trois décennies, faisant de l’Afrique l’un des bastions les plus constants et symboliques de la reconnaissance internationale de cet État.

Lire aussi : Mahmoud Abbas salue la reconnaissance internationale de l’Etat de Palestine

Qui ne reconnaît pas l’État palestinien ?

Malgré le soutien croissant, plusieurs puissances mondiales refusent toute reconnaissance. Les États-Unis et Israël sont à l’avant-garde de cette position. Washington, en particulier, reste le seul membre permanent du Conseil de sécurité à ne pas reconnaître l’État palestinien et peut bloquer toute initiative de reconnaissance à l’ONU. Le gouvernement israélien, dirigé par Benyamin Netanyahou, rejette totalement l’idée d’un État palestinien, considérant que sa création serait incompatible avec la sécurité nationale d’Israël. En 2024, le Parlement israélien a même adopté une résolution formelle contre cette reconnaissance.

Plusieurs pays alliés à l’un ou l’autre de ces États adoptent la même position. Le Japon, la Corée du Sud et Singapour refusent pour l’instant de reconnaître l’État palestinien, invoquant des considérations stratégiques et la complexité du conflit. Dans certaines régions, comme l’Océanie, l’Amérique latine ou l’Afrique, certains pays restent également réticents, souvent en raison de liens diplomatiques étroits avec les États-Unis ou Israël, ou par crainte de perturbations dans leurs relations bilatérales.

Dans ce groupe, figurent aussi des pays européens influents comme l’Allemagne et l’Italie. Berlin invoque la protection d’Israël comme « raison d’État », considérant que la sécurité d’Israël prime sur toute décision de reconnaissance. Rome, quant à elle, estime qu’une reconnaissance anticipée pourrait être contre-productive tant que la situation sur le terrain reste incertaine. D’autres pays européens, comme la Grèce, restent hésitants, adoptant une position prudente face à la montée des tensions dans la région.

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