Que faut-il attendre de la rencontre Trump – Zelensky à la Maison Blanche ?

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Que faut-il attendre de la rencontre Trump – Zelensky à la Maison Blanche ?Volodymyr Zelensky et Donald Trump échangent à l’intérieur de la basilique Saint-Pierre à Rome le 26 avril 2025 © HANDOUT / AFP

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Washington retient son souffle. Donald Trump, reçoit ce lundi son homologue ukrainien, Volodymyr Zelensky, dans le Bureau ovale. L’image est symbolique : six mois après une humiliation publique infligée à Kiev dans ce même décor, les deux hommes s’installent de nouveau face à face, mais cette fois sous l’œil attentif de plusieurs dirigeants européens.

L’objectif affiché est ambitieux : ouvrir la voie à un cessez-le-feu, voire à des négociations de paix avec Moscou. Mais les obstacles sont nombreux : garanties de sécurité exigées par Kiev, concessions territoriales réclamées par la Russie, divisions persistantes au sein de l’Europe et pressions économiques croissantes. Dans ce contexte, ce sommet apparaît à la fois comme une chance historique et comme une équation insoluble.

Une réconciliation sous conditions

L’humiliation subie par Zelensky en février dernier reste gravée dans les mémoires. Le président américain, fidèle à son style abrupt, avait alors coupé court aux arguments de son homologue ukrainien, provoquant gêne et malaise jusque dans les rangs européens. Six mois plus tard, la dynamique a changé : Trump, auréolé d’une rencontre remarquée avec Vladimir Poutine en Alaska, se présente en médiateur incontournable.

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Pour Zelensky, accepter cette nouvelle entrevue était un pari risqué, mais nécessaire. Face à une guerre qui s’éternise, à un front militaire de plus en plus coûteux et à une opinion publique ukrainienne partagée entre résistance et fatigue, Kiev ne pouvait pas se permettre d’ignorer cette opportunité. « Nous venons à Washington pour défendre notre souveraineté et nos citoyens, pas pour céder notre indépendance », a déclaré le président ukrainien à son arrivée.

L’Europe au rendez-vous, malgré ses fractures

La présence de dirigeants européens, parmi lesquels Emmanuel Macron, Olaf Scholz et Giorgia Meloni, souligne la volonté de l’UE de peser sur cette séquence diplomatique. Bruxelles espère maintenir l’unité autour de l’Ukraine, alors que les voix discordantes se multiplient.

En Hongrie ou en Slovaquie, certains gouvernements plaident déjà pour un compromis rapide avec Moscou. D’autres, comme la Pologne ou les États baltes, s’inquiètent qu’un accord bâclé ne mette en péril la sécurité de toute la région. Cette diversité de positions fragilise le front commun européen, mais Trump sait en jouer : en accueillant tout le monde sous le toit de la Maison Blanche, il impose son rôle de chef d’orchestre.

Pour l’Europe, ce rendez-vous est donc autant une occasion d’affirmer une ligne commune qu’un test de sa cohésion interne.

Sommet Etats-Unis-Russie : pas d’accord sur un cessez-le-feu en Ukraine

Garanties de sécurité ou concessions territoriales ?

Le cœur du débat réside dans l’équilibre entre garanties de sécurité pour l’Ukraine et concessions territoriales éventuelles à la Russie. Moscou réclame la reconnaissance de son contrôle sur plusieurs régions ukrainiennes, notamment le Donbass et la Crimée, comme préalable à toute paix durable. Kiev, de son côté, refuse de céder ouvertement des territoires, mais sait que la question reviendra inévitablement à la table des négociations.

Les garanties de sécurité, inspirées du modèle israélien, incluraient une aide militaire accrue, des livraisons d’armements et une coopération stratégique renforcée avec l’OTAN, sans pour autant aller jusqu’à l’adhésion formelle de l’Ukraine.

« La paix ne peut pas être synonyme d’abandon », a martelé Zelensky, conscient que son opinion publique verrait toute concession comme une trahison. Mais Trump, pragmatique et soucieux d’afficher un succès diplomatique, pourrait pousser pour un compromis qui satisferait davantage Moscou que Kiev.

Wall Street, témoin attentif du sommet

La portée de cette rencontre dépasse le seul champ diplomatique : elle se répercute déjà sur les marchés financiers. Lundi matin, la Bourse de New York a ouvert en ordre dispersé, dans l’attente des résultats du sommet. Le Dow Jones stagnait à 45.040 points, le S&P 500 progressait légèrement de 0,08% tandis que le Nasdaq reculait de 0,14%.

Selon les analystes, cette prudence reflète deux facteurs : d’abord, l’incertitude autour de la possibilité d’un cessez-le-feu, qui influencerait directement les marchés de l’énergie et de l’armement ; ensuite, l’imminente réunion de la Réserve fédérale dans le Wyoming, où le président Jerome Powell pourrait annoncer une baisse des taux dès septembre, une décision vigoureusement soutenue par Donald Trump.

Les investisseurs suivent aussi de près les résultats trimestriels des grandes enseignes de distribution, considérés comme un baromètre de la santé économique américaine. En somme, l’économie mondiale se met, elle aussi, en mode « attente », suspendue au sort de cette rencontre entre Washington et Kiev.

Plus d’un milliard de dollars engagés pour l’armement de l’Ukraine

Un sommet à la croisée des chemins

En réunissant Zelensky et plusieurs chefs d’État européens, et en préparant déjà un éventuel tripartite avec Poutine, Trump cherche à s’imposer comme l’homme capable de mettre fin à la guerre en Ukraine. Mais l’équation est périlleuse : toute concession pourrait encore fragiliser Zelensky, tandis qu’un échec renforcerait la position russe sur le terrain.

Les marchés, eux, redoutent l’incertitude autant qu’ils espèrent une percée diplomatique. L’Europe avance en ordre dispersé, les États-Unis affichent leur rôle de leader, et l’Ukraine tente de défendre son intégrité face à une pression colossale.

La rencontre de Washington n’est pas qu’un rendez-vous protocolaire : elle pourrait être l’un des tournants majeurs du conflit ukrainien. Mais elle illustre aussi combien la guerre dépasse le cadre militaire. Elle se joue désormais sur les plans diplomatique, politique, économique et symbolique.

Qu’elle aboutisse à un accord ou qu’elle se solde par une nouvelle impasse, elle confirme une réalité : plus de trois ans après le début de l’invasion, l’avenir de l’Ukraine et de l’équilibre européen continue de se négocier loin des champs de bataille, cette fois, sous les dorures de la Maison Blanche et sous l’œil inquiet de Wall Street.

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