7 août 1990 : l’opération « Bouclier »
Le matin du 2 août 1990, l’armée irakienne pénètre au Koweït, annexant le pays en quelques heures. Face à cette agression, le Conseil de sécurité de l’ONU adopte sans délai la résolution 660 exigeant le retrait immédiat des forces irakiennes, suivie le 6 août de sanctions économiques sévères et d’un embargo total contre Bagdad.
En réponse, le président américain George H. W. Bush ordonne le 7 août 1990 le lancement de l’Opération Desert Shield (« Bouclier »), une mobilisation rapide de forces américaines et alliées destinées à défendre l’Arabie Saoudite contre toute avancée irakienne. Le soir-même, les premiers F‑15 Eagle décollent de la base de Langley pour rejoindre l’Arabie Saoudite, posant les bases d’un déploiement massif.
Déploiement rapide
L’Opération Bouclier débute dans un contexte d’urgence. Dès le 7 août, des F‑15A/C Eagle de la base de Langley (Virginie) opèrent un vol non-stop de 8.000 miles avec 12 ravitaillements aériens, atteignant Dhahran en Arabie Saoudite en moins de 15 heures. Il s’agit du tout premier contingent américain déployé sur place, suivi dans les jours qui suivent par des unités de l’armée de l’air, de l’armée de terre et de la marine, positionnées dans le royaume et dans le Golfe.
Sur le plan organisationnel, l’opération relève du commandement militaire européen des États‑Unis (USEUCOM), sous l’autorité du lieutenant‑général John M. Shalikashvili. Le nombre de personnel américain atteint un pic de 11.936 personnes autour du 21 mai 1991, tandis que les forces alliées totalisent plus de 21.700 soldats à leur apogée. Les transports logistiques – terrestre et aérien – acheminent des milliers de tonnes de matériel : plus de 4.400 tonnes par la route, et plus de 12.600 tonnes via 3.900 sorties aériennes.
L’objectif était défensif en empêchant toute progression irakienne vers l’Arabie Saoudite et dissuader de nouvelles annexions suite à l’invasion du Koweït. L’opération visait aussi à asseoir une coalition internationale capable d’éventuelles actions ultérieures, favorisée par l’appui des résolutions de l’ONU, notamment la résolution 678 du 29 novembre 1990, autorisant l’usage de la force après le 15 janvier 1991 si l’Irak refusait de se retirer.
Pendant plusieurs mois, Desert Shield reste une opération stratégique de posture et de renforcement. Le 8 août notamment, l’Irak proclame le Koweït comme sa dix-neuvième province, nommant Ali Hassan al-Majid gouverneur militaire, ce qui influe sur le ton défensif initial de la mission américaine.
L’opération Bouclier s’inscrit dans la doctrine dite wholly defensive adoptée par Washington : l’intervention américaine ne vise qu’à défendre les nations ciblées par l’agression irakienne, sans viser à renverser le régime de Saddam Hussein. Toutefois, la rapide militarisation du contexte montre une étape critique préparant ce qui deviendra l’Opération Storm quelques mois plus tard.
La marine américaine joue un rôle important dès le début du déploiement. Des groupes aéronavals, notamment les porte‑avions USS Independence et Dwight D. Eisenhower, convergent vers le golfe d’Oman et la mer Rouge pour garantir la supériorité maritime et ouvrir la voie à l’acheminement des forces terrestres et aériennes. A bord du croiseur lance‑missiles USS Mobile Bay, qui participe à ce déploiement, pas moins de 22 missiles Tomahawk sont lancés au cours de la phase de Desert Storm, mais sa présence a aussi servi dès Desert Shield à coordonner les opérations navales multinationales.
Sur le terrain diplomatique, l’administration Bush mobilise l’opinion internationale et le cadre onusien. Le réseau d’embargos imposé le 6 août 1990 (résolution 661) restreint drastiquement le commerce extérieur de l’Irak, tandis que les résolutions successives exigent son retrait sous peine d’action militaire concertée.
Tandis que la diplomatie s’intensifie, la phase logistique de Desert Shield s’organise. Les effectifs déployés restent en rotation – avec 11.936 personnel US au maximum, contre plus de 21.700 alliés – et des convois routiers et aériens assurent la distribution de nourriture, eau, tentes et couvertures, destinées également à l’aide d’urgence pour des populations vulnérables (réfugiés kurdes, civils koweïtiens…).
Cette période intermédiaire dure jusqu’à fin décembre 1990, où la communauté internationale fixe l’échéance du 15 janvier 1991 à l’Irak pour évacuer le Koweït sous peine d’intervention. Lorsque le non‑respect de ce délai est établi, l’opération Bouclier cède la place, le 17 janvier 1991, à la phase offensive baptisée Desert Storm. A partir de cette date, commence un bombardement aérien intensif suivi d’une percée terrestre lancée le 24 février, qui mène à la libération du Koweït le 28 février 1991.